D’abord, partons des manif passées, une chose nous a particulièrement froissé, le fait que tout le monde filme partout avec son smartphone. On parle de se battre contre une loi qui imposerait une vidéo-surveillance permanente, omniprésente, quasi-indétectable mais certain.e.s se permettent en manifestation de produire quantité de vidéos des opposant.e.s, les exposant ainsi au fichage et à la répression, quelle contradiction ! Alors oui, filmer avec son smartphone serait une réponse symbolique à l’article 24 qui interdirait de filmer les policiers en service et empêcherait ainsi de produire des témoignages vidéo des injustices et violences commissent par les forces de l’ordre. D’accord, mais il s’agit bien de filmer seulement les flics en action, il nous faut apprendre à filmer avec discernement. Qu’est ce qu’on filme et pourquoi ? Quels intérêts pour quelles conséquences ? N’oublions pas que les smartphones sont un des outils de base du traçage et de la surveillance, que les lives et vidéos postées sur les réseaux sociaux ainsi que les données contenues dans les téléphones des personnes interpellées sont décortiquées par la police. Filmer à tout va en manif c’est un peu comme tendre le bâton pour se faire battre…

Et puis si on ne veut pas d’une surveillance et d’un contrôle total c’est que l’on défend notre droit à la vie privée, pouvoir participer à la contestation tout en gardant un certain anonymat est important pour nombre de personnes, qui, pour une raison ou une autre, subiraient des discriminations ou répressions si leurs activités ou convictions venaient à être exposées au grand public. Nous devons avoir le droit de choisir quelles informations sur nous même on veut diffuser ou non et à qui. Alors merci de garder vos smartphones dans vos poches et de ne les sortir que pour filmer les moments où il y a des risques graves de violences sur des personnes, ou bien pour filmer des scènes où les personnes ne sont pas reconnaissables ou alors consentantes et conscientes d’être filmer.

Allons plus loin dans la critique et parlons aussi de bonnes pratiques en manif. Face aux agressions policières, notre seule réponse peut elle décemment se limiter à une prudente mise en retrait, à une attitude de témoin passif ? Nous ne nions pas l’intérêt de filmer les injustices et violences commissent par les forces de l’ordre, nous comprenons aussi la crainte des brutalités et mutilations, la fuite face au risque d’arrestation, l’état de choc et la sidération face aux événements en manif qui relèvent parfois quasi de scènes de guerre. Nous invitons chacun.e à se poser la question de ses propre limites, à les faire connaître et à en discuter autours de soi et surtout à écouter et tenir compte des limites des autres. La police ne respecte rien ni personne, alors face à elle, nous, nous devons nous respecter, nous entre-aider et nous soutenir.

Nous respecter dans la diversité de nos réactions et modes d’actions, nous entre-aider face aux agressions et à la répression car la solidarité est notre meilleure arme de défense. Lorsque nous formons un cortège massif, compacte, nous sommes un tout difficile à attaquer que les forces de l’ordre cherche systématiquement à fractionner, disperser, pour en isoler les individus et pouvoir les contrôler, les arrêter, mais aussi souvent les humilier, les violenter…Si en arrivant et en repartant de manif, nous restons en binômes ou en groupe, si nous nous regroupons systématiquement autours des personnes ciblées ou isolées, si nous sommes capables de faire attention les un.e.s aux autres, de ne laisser personne derrière, d’accompagner les personnes en difficulté lors de charges ou d’attaques, alors nous rendons la répression et les abus policiers plus difficiles.
Une réaction collective forte et systématique c’est la clef pour ne pas se faire écraser, dans cette optique on peut aussi envisager des attitudes d’auto-défense et de riposte face aux agressions, comme : attirer l’attention, gueuler, huer, s’opposer, intervenir physiquement, encercler, faire diversion etc. Enfin, se soutenir systématiquement, après les violences et les arrestations, soigner et accompagner les blessé.e.s, se grouper devant les commissariats, soutenir aux procès, apporter de l’aide comme on peut, matérielle, juridique, psychologique, financière, affective…

Pour finir, il y a les choses qu’on a beaucoup aimé dans ces dernières manifs et qui nous donnent de l’espoir et ouvrent aussi des perspectives :) Par exemple nous avons pu assister à des destructions de caméras de vidéo-surveillance, voilà une belle action directe ! Pourquoi nos manifestations devraient elles se limiter à être une expression médiatique de nos opinions ? Ne devraient elles pas aussi être des temps de lutte, aux objectifs et effets concrets ? Nous pouvons user de maintes stratagèmes pour nous protéger mais aussi déjouer les dispositifs et la surveillance, en manif mais aussi en dehors. L’utilisation massive de parapluies ou de lasers par exemple est une bonne protection face à la vidéosurveillance.
Nous devons absolument faire appel à notre créativité et à notre intelligence collective pour créer la surprise car être imprévisibles reste notre meilleur moyen d’exercer efficacement un rapport de force. Pour cela nous devons faire l’effort de nous organiser au maximum sans laisser de taces pour déjouer les surveillances numériques et nous devons penser la lutte au-delà des temps de manifestation. Aujourd’hui nous ne nous battons pas seulement contre une loi, mais contre tout ce qu’elle implique de concret et ça, ça passe par de multiples supports matériels bien réels, des outils que l’on peut entraver, des objets que l’on peut abîmer, des technologies dont on peut empêcher l’installation etc Bien d’autres actions que les manif sont possibles pour visibiliser nos lutes ou attaquer ce qui nous nuit. Par exemple, chaque fois que nos manif sont bridées et réprimées, nous pourrions répondre par des campagnes massives d’affichage, de distribution de tracts, de tags, de sabotages etc les jours qui suivent. Peut-être que la mobilisation contre la loi sécurité telle qu’on la connaît prendra fin sans être victorieuse, mais contre l’État policier et la technopolis sécuritaire, la résistance devra continuer, en réalité, elle ne fait que commencer.

Des anarchistes