Cette position est historiquement celle portée par la gauche française, qui soutiendra dans sa grande majorité la campagne de Josephine Butler, pionnière de la lutte abolitionniste à la fin du XIXe siècle. Le Parti communiste, comme d’autres partis de gauche, a lui aussi affirmé maintes fois son positionnement abolitionniste et s’est prononcé en faveur de la pénalisation des clients. Du côté de Marx, la prostitution est une activité qui n’ouvre pas sur une contradiction porteuse d’émancipation comme c’est le cas pour l’ouvrier, mais une activité seulement destructrice de l’individu.

 

 

Alors que le nombre de personnes se trouvant sous le seuil de pauvreté ne cesse d’augmenter dans ce pays, les médias de masse font sans relâche la promotion de la prostitution. Ils recourent au vocabulaire de la « travailleuse du sexe » et soutiennent que la prostitution serait un « travail comme un autre » en donnant régulièrement la parole au Strass. Or, ce « syndicat » est en réalité une association loi 1901. Il est signataire de la charte du Global Network of Sex Work Project (NSWP), lobby mondial en faveur du système prostitutionnel. La charte du NSWP prévoit d’inclure à la fois les femmes prostituées, les « intermédiaires » et les « managers » (autrement dit des proxénètes) sous le vocable de « travailleurs du sexe ». Cela s’appelle une corporation. En fait, un syndicat doit faire preuve d’une totale indépendance à l’égard de l’employeur. Ce n’est manifestement pas le cas du Strass puisque ses principales revendications portent sur « la dépénalisation du proxénétisme et le refus de pénaliser les clients. Autrement dit, garantir et préserver la liberté pleine et entière d’exploiter ! » soulignent Sophie Binet et Sabine Reynosa, de la CGT.

 

 

Le Strass tout comme Médecins du monde France (contrairement à Médecins du monde Espagne qui se bat pour l’abolition de la prostitution) ont saisi le Conseil constitutionnel en janvier 2019 pour demander la suppression du délit « d’achat d’un acte sexuel sur les enfants, les personnes handicapées, les femmes enceintes et les personnes vulnérables », arguant que ces catégories de personnes pouvaient elles aussi « consentir ». Leur argumentaire juridique consiste à soutenir que « pénaliser le client » porterait gravement atteinte « à la liberté individuelle, la liberté contractuelle et la liberté d’entreprendre » ! Discours classique de l’idéologie libérale qui fait abstraction de l’atteinte à la dignité des personnes prostituées et ne dit rien des violences qu’elles subissent au quotidien. Rappelons que 80 % des personnes qui « consentent » à subir des pénétrations sexuelles non désirées sont des personnes étrangères et que 90 % sont des femmes. L’âge moyen d’entrée dans la prostitution est de 14 ans et leur espérance de vie moyenne est de 34 ans ! La prostitution est une domination de classe profondément misogyne, raciste et LGBTphobe. C’est aussi un système largement pédocriminel (enfant-e-s et adolescent-e-s étant source de plus de profit).

 

 

En outre, les corporations comme le Strass veulent revenir à une conception archaïque du viol, en refusant de considérer qu’une pénétration obtenue sous la contrainte de l’argent du « client » prostitueur ou d’un proxénète soit un viol. Pourtant, l’immense majorité des viols sont commis sans violence, par le biais de stratagèmes, de rapport de forces moral et de sidération psychique. Les mêmes mécanismes qui rendent possible la soumission des personnes victimes de prostitution.

 

 

–       Ainsi, sous couvert de défendre des personnes prostituées, ces corporations sont des chevaux de Troie réactionnaires, gouvernés par un projet ultralibéral et antiféministe visant à décriminaliser le viol sous contrainte morale pour permettre la régulation des rapports sexuels sous l’égide d’un marché capitaliste. Cela représenterait un recul civilisationnel considérable.