C ‘est ballot ! ou le prix d’une manifestation

Dans le cadre de la lutte contre l’optimisation fiscale, nous nous sommes retrouvés à une vingtaine de Gilets Jaunes du groupe de Boufféré-Montaigu (nord Vendée) le 5 janvier 2019, vers 9h devant le Mac Do de la zone commerciale de Boufféré. Chacun a été été mis au courant par les reseaux sociaux ou au cours de discussions.  Il s’agit de protester contre le peu d’impôts que paye Mac Do, par rapport à ses profits, comme l’ensemble des Google, Amazon, Facebook, Apple…., et d’autres grosses sociétés.

Des bottes de paille sont déjà présentes au rendez vous.  Elles sont au nombre de quatre, de taille très moyenne, d’apparence anodine, semblent inoffensives.  Elles se sont tranquillement  installées sur l’accès au parking qui dessert le drive de Mac Do. Et elles peuvent empêcher les voitures de passer!!!!

Nous laissons les bottes de paille mener leur vie et nous informons les clients de la grande surface de notre action, filtrons le passage des pietons, mais nous laissons les clients accéder à pied au Mac Do si ils le désirent. Des gilets jaunes s’en vont, d’autres arrivent. Ce sera ainsi tout le temps de cette action.

Tout cela se passe sous l’oeil des gendarmes de Montaigu qui sont arrivés peu après nous. Les relations sont correctes. A un moment, ils nous demandent de déplacer des pneus qui gênent l’accès piéton à une porte du Mac Do,sur le parking bloqué pour les voitures par ces satanées bottes de paille.  Nous déplaçons les pneus.

Dans la matinée, une gendarme voudrait relever nos identités. Certains n’y tiennent pas, mais le refrain qui court c’est  ‘ils nous connaissent déjà et les gendarmes de Montaigu y sont sympas’ . En gros, ça ne craint pas. D’ailleurs la gendarmerie nous dit en prenant les noms et les adresses:  ‘si il n’y a pas de problème d’ici ce soir, tout ça sera déchiré.’  woui, woui,woui, on y croit. Mais, solidarité de groupe oblige, un certain nombre d’entre nous donne son identité, d’autres s’esquivent. La mobilisation et l’information continuent jusqu’en fin de journée, sans aucun incident. Quelques clients ne sont pas d’accord, le patron de Mac Do tente l’intimidation, notamment en nous prenant en photo,  mais nous sommes restés calmes, et il n’y a eu aucune violence, ni verbale ni physique.

Vers la fin janvier tous les contrôlés sont convoqués individuellement aux differentes gendarmeries de leur lieu d’habitation. Chacun est auditionné sur ce qu’il a fait , avec photo, empreintes digitales des deux mains,  descriptif du physique du ‘mis en cause’, comme ils disent. Pour certains cela est accompagné de ‘on sait que c’est ridicule mais on nous a dit de le faire’. D’autres entendront des gendarmes leur dire « avoir eu des directives pour que les actions gilets jaunes s’arrêtent. »

En janvier, les gendarmes de notre secteur avaient du temps à nous consacrer: certains se  sont allés jusqu’à se déplacer deux fois au domicile d’un de nous et ont demandé aux voisins où etait cette personne car ils la recherchaient…..

C’est au cours de l’audition que nous apprenons que le parking du Mac Do est en fait une voie publique. Aucun double du PV d’audition ne nous est remis. Il semble que ce soit la procédure.
Merdre, comme disait Ubu, les bottes de paille ont enfreint la loi de la circulation!!

Mais la justice non plus n’est pas aussi débordée que certaines mauvaises langues le disent: dès ce 2 décembre 2019, nous sommes 16 personnes convoquées par le délégué du procureur du tribunal de grande instance de la Roche sur Yon. En effet, même si ni Mac Donald ni Super U n’ont  porté plainte, la justice, elle, ne l’entend pas de cette oreille et nous condamne selon une procédure simplifiée de 1972, mise en place pour traiter certaines contraventions, c’est à dire les infractions les moins graves. Son champ d’application a été élargi par la loi du 9 septembre 2002 en y incluant certains délits. Et c’est un délit qui nous est reproché. Donc, quelqu’un peut être condamné sans être entendu par la justice.

Un procureur nous poursuit. Une vice présidente du TGI nous condamne  à une peine de 150€ d’amende chacun, et 50€ de plus  pour ceux qui avaient eu le malheur d’avoir eu affaire précedemment à la justice, pour avoir ‘placé 4 ballots de paille devant les deux passages du parking véhicules du Mac Donald de la zone commerciale du Super U de Boufféré- Montaigu-Vendée’. Ce que aucun de nous  ne reconnait: les ballots de paille s’étaient installés avant notre arrivée. Et personne n’a apporté la preuve qu’un de nous les a installés puisque ce n’est pas nous. Nous échappons à la  prison, même avec sursis. Enfin cette fois ci car à quoi s’attendre à une prochaine manif ou dans d’autres circonstances, si on a le malheur d’être interpellé?  C’est peut être l’objectif: faire planer une menace sur des gens.  Et aussi  les frapper au portefeuille , 181€ , avec les frais de procédure. Quand on est au Smic (1203€ net) ou un peu au dessus,  au minimum vieillesse (868€ net), au RSA (550€ net), 181 €  ce n’est pas rien. Plus du cinquième du minimum vieillesse. Nous sommes dans ces situations car nous sommes ces gens là, qui travaillent, qui cherchent du boulot, qui sont à la retraite, toutes sortes de situations de ce  monde du travail dégradé. Nous sommes des personnes très diverses, des hommes, des femmes, de tous âges. Ce qui nous relie c’est que nous sommes très ‘peuple’ et avons dit ‘y en a marre’.

De plus, chacun aura une inscription au casier judiciaire, le B2. Très embêtant quand on cherche du boulot ou qu’on travaille dans certains secteurs. Cela participe à la criminalisation  du militantisme et s’inscrit dans la repression d’un mouvement social.

Nous souhaitons donc  faire opposition (c’est le terme de la justice) à cette condamnation. Cette opposition va nous couter 125€ en frais de procédure et il faudra payer un avocat pour une défense commune. Ce recours va peut être nous couter autant que la condamnation, mais  nous ne voulons pas être condamnés pour quelquechose que nous n’avons pas fait ni avoir une menace planant au dessus de nous.

Gendarmerie et justice ont plus de temps pour essayer d’intimider et criminaliser  des manifestants que pour enregistrer des plaintes pour violence conjuguale ou défaut de pension alimentaire, par exemple… Comble de l’histoire: les ballots de paille, pourtant au coeur de la procédure, n’ont jamais été entendus, ni même convoqués!!

Le 15/12/2019