Le spectre de l’antisémitisme a encore frappé. À l’occasion de la mort de Faurisson, le site Investig’Action a publié un article rédigé par Bruno Drweski qui se gausse, c’est son titre, d’« Opposer une attitude scientifique à Faurisson et aux négationnistes ». Mais le compte n’y est pas du tout.

La fameuse méthode scientifique dont se réclame Drweski consiste à affirmer que Faurisson s’est « fourvoyé » alors que l’« évidence » du génocide, connue et reconnue de toute.s, était démontrable sur de nombreux plans. Les témoignages, pour commencer, des statistiques ensuite puis des preuves par registre, des rapports et des chiffres. On ferait difficilement plus évident, mais c’est la banalité avec laquelle cette lourde prose est alignée qui choque en premier lieu.

Il apparaît ensuite rapidement que Drweski considère la Shoah et le système concentrationnaire comme des « anecdotes » relatives à l’occupation allemande. Anecdotes qui auraient peut-être mieux fait de le rester plutôt que de devenir, comme il l’indique en préambule, une « mystification ». C’est à ce titre qu’il oppose une connaissance soit-disant populaire du génocide à un travail comme celui de Lanzmann sur le sujet, le considérant comme une suite de « reportages véridiques mais coupés de façon tendancieuse dans une optique néo-religieuse tendant à justifier la vision sioniste d’un antisémitisme éternel et indéracinable ». Tout en mentionnant au passage que tout ce qui avait été écrit sur le génocide nazi à l’Est avait ignoré par l’Occident (sic) après-guerre, il oublie également la masse de témoignages qui ont été publiés ou réalisés sur le sujet avant le Shoah de Lanzmann. Qu’on pense alors à Resnais, Semprún, Delbo ou Lévi pour les plus connus et l’argument, bien sûr, ne tient plus.

Mais l’aspect le plus dramatique de toute cette démonstration est qu’en considérant Faurisson comme un « chercheur » dans son bon « droit » que « personne n’aurait dû interdire », Drweski oublie peut-être sciemment que loin d’être un chercheur, Faurisson était en premier lieu un faussaire dont le but était bel et bien de réhabiliter l’idéologie nazie [1].

En réalité cet article ne porte pas tant sur Faurisson et son manque de « méthode », que sur cette soi-disant mythification du génocide. En guise de conclusion, Drweski met dos à dos Faurisson et Lanzmann, les accusant d’avoir participé à une « “sacralisation? du génocide », qui empêche bien évidemment toute étude rationnelle de la question. Il va même plus loin, affirmant que s’il faut avoir cette prétendue « attitude scientifique sur ce qu’on appelle la “shoah” », il faudrait faire de même à l’encontre de Faurisson. Mais pour dire quoi ? Drweski accuse les négationnistes d’un côté pour mieux se conduire en révisionniste de l’autre, évidemment sous couvert d’un antisionisme qui pue l’antisémitisme. Car non content d’oblitérer cette partie de l’Histoire, ses conclusions en appellent d’autres sur la prétendue instrumentalisation de la Shoah par l’État d’Israël, théorie qui si elle est défendue à l’extrême droite l’est tout autant par la gauche.

Pouvions-nous décemment attendre quelque chose d’autre d’un site comme Investig’Action ? Le fait que Drweski en soit un collaborateur le place déjà dans une catégorie bien tendancieuse de la gauche réactionnaire. En creusant un peu, on s’aperçoit que ce stalinien nostalgique ne rechigne pas non plus aux invitations de diverses composantes de l’extrême droite française et internationale, ce qui le place en bonne position sur l’échiquier rouge-brun. Vue la situation actuelle, il ne fait aucun doute que des « auteurs » comme Drweski tout comme ceux qui gravitent autour d’Investig’Action doivent être combattus avec le plus de vigueur possible.

 

 

[1] La « méthode » révisionniste a été mise en évidence par Pierre Vidal-Naquet dans Les assassins de la mémoire, publié chez Points. Il s’agit également, note Vidal-Naquet, « […] de priver, idéologiquement, une communauté de ce qui représente sa mémoire historique » (p. 35). Donc de fait, le priver de sa légitimité.