Mesdames et messieurs, bonjour ; ou bonsoir peut être,

Ce que nous vivons ici, habitants-es et occupants-es de la ZAD, n’a aucun précédent. Aucune lutte n’y ressemble et aucune méthodologie ou stratégie ne s’y applique pour tendre assurément vers une victoire majeure pour la conservation d’un espace politique marginal et expérimental.

Nous avons su pendant ces 10 longues années d’occupation faire preuve d’une créativité entretenant le mythe d’une ZAD poétique et offensive. C’est ce rêve, cet imaginaire, cette liberté fragile et cette fougue sauvage et violente, qui a su donner espoir à celles et ceux qui cherchaient l’éclairci, et su faire peur à celles et ceux qui cherchent à l’éteindre.

La stratégie administrative renforce l’état

  Non, ce ne sont pas les recours en justice, les petites victoires administratives, les pique-niques, ou les éternels rassemblements forains qui ont fait converger les regards sur notre bocage. Ces méthodes usées depuis des décennies, nourrissent parfaitement la légitimité de l’état à se prétendre démocratique, en laissant ici et là les luttes pacifiées et non violentes échouer sur le sable blanc de l’épuisement ou de l’isolement.

Continuer à utiliser ces méthodes c’est faire croire qu’elles furent utiles un jour, et qu’elles seront encore utile demain, c’est maintenir la croyance que la marche légale et les cadres d’actions imposé par l’état, des stratégies légalistes aux manifestations déambulatoires, pourront servir un jour à remettre en cause notre civilisation et libérer des espaces de son emprise.

                  La stratégie administrative, quel message politique ?

                  La stratégie administrative et son lot de fiches ne porte aucun message politique émancipateur. Il affirme à nos soutiens que nous n’avons plus aucune ressource créative, que baisser la tête reste la seule porte ouverte vers un semblant de liberté, que nous déposons les armes avant nos adversaires pour jouer selon leurs règles. Sans cela plus rien n’existerai ici. Aucune lutte ne saurait s’émanciper de l’état sans lui demander l’autorisation. Voilà le message que nous lançons « La liberté ne se prend pas, elle se demande ».

                    La stratégie administrative et le tri sélectif.

                   On entend souvent par ci par là l’argument prêt à valider l’efficacité toute relative de l’étape « signature de projet individuel » énonçant le constat de : « ne vois-tu pas que s’il y a encore du monde ici c’est parce qu’il y a eu des « barricades administratives » » suivi de près par « s’il l’avait voulu, il nous aurait écrasé ».

Depuis l’abandon de l’aéroport nous ne faisons que valider la tactique de l’état. D’abord en libérant la route des chicanes plutôt que d’en faire une autre visant à protéger ou ralentir l’expulsion d’une Zad doublement menacée qui souhaiterait rester unie.

Ensuite l’ouverture ou la poursuite d’un dialogue malgré le non-respect des demandes fermes à propos de la D281.

Pour finir la signature des fiches projets qui après l’ouverture au déploiement logistique des forces militaires, montraient du doigt celles-eux qui refuseraient de rentrer dans le rang.

Le premier message de la part de la ZAD est « notre radicalité est négociable »

Le deuxième : « les « radicaux-ales » sont une minorité ignorable et nous pouvons les faire marcher au pas dans le mouvement

Le troisième : nos rêves même rabaissés à de vulgaire dos d’âne et crapauduc sont ignorable

Le quatrième : « celles-eux qui ne sont pas capable de baisser la tête pour continuer à lutter dans les cases sont là » « nous assumons notre division, et ne sommes pas solidaire dans les actes collectifs ».

Jusqu’où sommes-nous prêt-es à aller ?

La Stratégie administrative fait gagner du temps ?

Nul besoin de s’étendre sur l’argument implacable de ces derniers mois.

Seul le temps fait gagner du temps. La stratégie administrative permet juste de conserver du confort. L’énergie allouée à cette stratégie nous fait perdre du temps, à collaborer ou à nous organiser pour s’y opposer. Temps que nous préférerions avoir pour nos jardins, pour reconstruire, pour l’action directe, pour prendre du repos, pour discuter de fond politique ou simplement pour penser à autre chose.

            Et l’Affront de dotation dans tout ça ?

 Nous reconnaissons le travail harassant subi par les partisan-nes des méandres judiciaires et administratifs. Un travail pour nous déterrer la moindre petite fissure dans la prison administrative dans laquelle nous nous engouffrons. Quand ils-elles trouvent un peu d’ironie dans une solution ils-elles nous l’offrent. Et voilà le fond de dotation. Solution viable sur bien des points même pour celles-eux qui rejettent la propriété et ses conflits d’usage.

Pour autant la solution est bien loin de satisfaire certaines envies de lendemain qui chantent. Non encore une fois ça ne fait pas rêver.

Profiter de la « notoriété » privilégiée de la zad pour lever des fonds et acheter des terres ? légitimer notre usage de ces terres par l’achat et non par la revendication politique ou philosophique ?

Libérer ces terres du désastre économique et environnemental par le rachat alors que nous sommes en mesure de l’arracher par la lutte politique ? C’est mettre la charrue avant les bœufs, (ou donner la route avant de négocier comme vous voudrez). C’est un aveu d’échec dont beaucoup ne se remettrons pas.

                  Alors KESKONFOU ICI ?

                  Nulle autre stratégie efficace et cohérente que de maintenir une occupation de territoire sans compromis, d’en ralentir les accès, de continuer à harceler les forces étatiques en présences (administratives ou militaires), reconstruire ce qui a été détruit et continuer à faire tourner ce qui reste debout, jusqu’au dernier souffle.

Une fois que nos ennemi-es s’épuiseront à nous écraser, nous mutiler, détruire nos maisons, nous tuer, nous enfermer, sans que le soutien populaire ne s’essouffle, nous pourrons éventuellement discuter avec l’état, d’égal à égal. Seul notre manque de courage et notre peur de perdre nos petits conforts et acquis bourgeois peuvent nous faire échouer dans nos ambitions révolutionnaires.

Restons confiants, confiantes et déterminées.