RAPPEL IMPORTANT :

Tout au long de ce document sont mentionnées des peines dont les montants (en années d’emprisonnement ou en dizaines de milliers d’€ d’amende) peuvent être assez flippants. Ces peines sont toujours les peines maximales encourues, donc même si on est poursuivi.e et condamné.e pour ça, on n’est (quasiment) jamais condamné à la peine maximale.

Ce qui ne veut pas dire que c’est chouette de se prendre 3 ou 6 mois, parfois avec sursis, alors qu’on craignait 1 ou 3 ans ferme… Juste qu’il faut avoir une conscience claire des risques de la répression, sans les sous-estimer ni les surestimer.

 

PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Le 9 avril 2018, alors que l’intervention de la gendarmerie sur la zad de NDDL a commencé depuis 3h du matin, le « directeur des affaires criminelles et des grâces » du ministère de la justice envoie cette circulaire aux procureurs des tribunaux d’appel et de grande instance.

Ce document représente donc les instructions politiques données par le ministère aux représentants de l’État dans les tribunaux. Le but principal de ces instructions est de faciliter la criminalisation de la résistance aux expulsions et des actions en soutien (c’est pourquoi je parle de « dimension judiciaire de la répression »), ce qui passe par trois grands objectifs (détaillés ensuite) :

1) « L‘adaptation du dispositif judiciaire »

2) « Les orientations pour le traitement judiciaire des infractions »

3) « Présenter les attentes en matière de remontée d’informations »

 

1) « L’ADAPTATION DU DISPOSITIF JUDICIAIRE »

Ça veut dire demander aux tribunaux de mettre les moyens et de préparer l’organisation d’une police et d’une justice expéditive (« inviter les juridictions à adapter leur organisation pour faire face à l’accroissement de l’ activité pouvant être générée par ces débordements »), avec trois parties concernant « l’organisation des juridictions », « le dispositif d’enquête », et « le refus de signalisation par les personnes interpellées ».

« L’organisation des juridictions » passe par plusieurs mesures :

– La présence d’un procureur général aux « réunions d’ordre public » pendant lesquelles la préfecture planifie le déroulement des interventions en amont ;

– Pendant les opérations policières, « la présence d’un magistrat du parquet sur site », qui doit vérifier que les interpellations se font suivant les règles pour éviter les vices de procédures ;

– La création dans chaque parquet (Nantes et Saint-Nazaire) d’une permanence « dédiée au traitement des infractions commises en lien avec l’intervention sur NDDL », et le renforcement des moyens de justice expéditive (mise en place « d’un juge des libertés et de la détention adapté », « organisation d’audiences correctionnelles dédiées aux comparutions immédiates ») ;

– Enfin, « prévoir la mise à disposition du matériel permettant de visionner dans les salles d’audience les enregistrements vidéo des faits poursuivis et, surtout, les images des opérations d’interpellation ».

« Le dispositif d’enquête » vise d’une part à « assurer le contrôle des flux » et d’autre part à organiser « la direction d’enquête ».

– Pour ce qui est d’« assurer le contrôle des flux », il s’agit de demander aux procureurs de la république de « délivrer (…) toutes réquisitions aux fins de contrôle d’identité, de visite de véhicules, d’inspection visuelle et de fouille de bagages, utiles à la recherche et à la poursuit,e d’infractions ». Donc à faire en sorte que les flics puissent faire des contrôles poussés en toute légalité (encore une fois, pour éviter les vices de procédures qui pourraient annuler les poursuites découlant de ces contrôles).

Ces mesures de contrôle peuvent s’étendre géographiquement bien au-delà des alentours de la zad, puisque non seulement « ces réquisitions viseront tant les sites de rassemblement eux-mêmes que les axes principaux de circulation permettant de s’y rendre », mais qu’en plus elles concernent « les parquets de Nantes et de Saint-Nazaire, mais également les parquets limitrophes et ceux sur le ressort desquels des débordements sont à craindre » (potentiellement partout où il y a du soutien).

À noterdes limites aux possibilités de contrôle : Un point intéressant ici est que les possibilités de maintenir des points de contrôles fixes sont limitées dans le temps et dans l’espace – ce qui explique sûrement pourquoi il n’y a pas des gendarmes en permanence au niveau des accès principaux à la zad (Ardillières, Bois Rignoux, Vigneux, Chêne des Perrières, etc.) et/ou pourquoi ils ne contrôlent pas systématiquement quand ils y sont postés.

En effet, « le Conseil Constitutionnel a, par décision du 24 janvier 2017, émis des réserves d’interprétation » qui signifient que « le procureur de la République ne peut, en particulier par un cumul de réquisitions portant sur des lieux ou des périodes différents, autoriser la pratique de contrôles d’identité généralisés dans le temps ou dans l’espace » et que « les réquisitions des procureurs de la République devront donc répondre à des conditions strictes de temps et d’espace ».

Il est ensuite précisé que « la réserve d’interprétation du Conseil Constitutionnel doit dès lors conduire à délimiter de manière assez précise les différentes zones du site à l’intérieur desquelles les contrôles seront effectués », ce qui veut dire qu’on a peu de chances de voir des points de contrôle hors des endroits où ils se positionnent habituellement.

Enfin, ça pourrait être intéressant que des juristes copain.es examinent ces réserves du Conseil Constitutionnel, en particulier si ces contrôles se multipliaient, s’intensifiaient, ou se prolongeaient très longtemps, puisque « des réquisitions de contrôles d’identité sur des périodes de temps trop longues ou couvrant une zone territoriale trop étendue (que les réquisitions soient prises isolément ou cumulativement) sont susceptibles d’être analysées comme des contrôles généralisés, contraires aux principes constitutionnels (notamment la liberté d’ aller et venir) ».

– Par contre, des contrôles « administratifs » de l’identité d’une personne sont possibles « pour autant qu’elle se trouve dans un lieu ou une situation susceptible de caractériser un risque d’atteinte à l’ordre public », « dès lors [que ces contrôles ne sont] pas généralisés et discrétionnaires ». Les contrôles d’identité ponctuels que pas mal de personnes ont subi ces dernières semaines juste parce qu’elles croisaient les flics sur la route sont donc vraisemblablement conformes à la procédure.

– Pour les contrôles ponctuels des véhicules, c’est à peu près pareil : « contrôles d’identité », « visite des véhicules » et « inspection visuelle des bagages ou fouilles » sont possibles « pour prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens ». À noter cependant : Pour la visite des véhicules et des bagages, il faut que lae conducteurice ou propriétaire donne son accord. En cas de refus, les flics peuvent retenir la personne pendant 30mn, le temps de demander des instructions spécifiques au procureur de la république les autorisant le faire sans consentement.

Pour ce qui est de la « direction d’enquête » : il s’agit pour les procureurs de la république de s’assurer que l’organisation des flics leur permette non seulement de nous réprimer physiquement mais aussi d’assurer une plus grande efficacité de la répression judiciaire.

– Pour cela, les flics sont invités à utiliser les images (photos et vidéos) dont ils disposent « dans les délais les plus brefs, notamment dans le temps de la garde à vue, pour faciliter l’ orientation des procédures par les parquets », ainsi qu’à penser à « établir une copie des images issues des systèmes vidéo utiles à l’enquête afin de les diffuser à l’audience de jugement ». Il est quand même rappelé que « les déclarations des OPJ [= officiers de police judiciaire] ont force probante et que les vidéos ne constituent pas un élément probatoire exclusif de tout autre », c.à.d que ce qui compte le plus c’est la parole des flics (au cas où leurs propres vidéos les mettent en cause par exemple).

– Enfin, toujours pour que les flics ne fassent pas trop d’erreurs de procédure, « des trames de procès-verbal d’interpellation peuvent utilement être diffusées aux unités de police judiciaire », et pour les cas où les interpellations ne sont pas réalisées par un OPJ, « il conviendra de veiller à ce que la remise de l’individu interpellé soit systématiquement accompagnée d’une fiche de mise à disposition » et que « le modèle de fiche mise à disposition proposé en annexe devra utilement être diffusé aux commandants des unités de maintien de l’ordre engagées sur l’opération ».

Le refus de signalisation par les personnes interpellées : Cette partie est assez intéressante, puisqu’elle parle du « traitement des éventuelles difficultés de signalisation ». On dirait que le ministère de l’injustice commence à s’habituer à ce qu’on n’ait « rien à déclarer » et qu’on refuse de donner notre identité ou notre signalétique (empreintes, photos ou ADN). Le ministère rappelle donc à ses troupes les peines dont sont passibles les personnes qui refusent :

– Pour une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction, « le refus de prise d’empreintes digitales, palmaires ou de photographies » est passible « d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende » ; tandis que pour une personne soumise à un contrôle d’identité, ce refus est « un délit puni de 3 mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende ».

– Un truc un peu rassurant est qu’il est rappelé que « aucune mesure coercitive ne peut être employée pour procéder aux opérations de relevé d’empreintes digitales, palmaires, face à un individu récalcitrant », donc qu’il est illégal de forcer quelqu’un.e à lâcher ces empreintes, et que « les seuls pouvoirs de contrainte résident dans le placement de la personne en rétention judiciaire » (c’est-à-dire les 4h de durée légale d’un contrôle d’identité).

– Enfin, il est précisé que « si un relevé d’empreintes peut se réaliser à partir d’objets (…) touchés par la personne (…), il sera nécessaire de s’assurer et de justifier en procédure que l’empreinte relevée (…) appartient exclusivement à la personne dont l’identité est à déterminer. En effet, ce procédé peut fragiliser la ·procédure ». Donc on ne le rappellera jamais assez, n’utilisez/ne laissez rien chez les keufs (mégots, gobelets,…), ou alors faites le tourner entre vous si vous êtes plusieurs, que ce soit recouvert de plein d’empreintes et inutilisable en justice !

– Pour ce qui est des prélèvements biologiques, c.à.d de l’ADN, c’est à peu près pareil : refuser de s’y soumettre peut être poursuivi dans certaines circonstances (« s’il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable [que la personne] ait commis l’une des infractions visées à l’article 706-55 du code de procédure pénale (délits de destruction, de dégradations, de détériorations et de menaces d’atteintes aux biens notamment) ») et est alors punissable d’un an d’emprisonnement et de 15.000€ d’amende.

Et comme pour les empreintes digitales, s’il est possible pour les flics de prélever de l’ADN « à partir de matériel biologique qui se serait naturellement détaché du corps de l’intéressé », la circulaire rappelle qu’« il importe de s’assurer que le matériel biologique ainsi prélevé appartient effectivement à la personne (…). En effet, si la régularité du prélèvement ne peut être remise en cause, le résultat de l’ opération de prélèvement peut être inexploitable ». Donc plus ou moins le même conseil que pour les empreintes, faites gaffe à tous les trucs que les flics pourraient récupérer pendant votre GAV (mégots, gobelets, etc.), si vous en utilisez, partagez-les, ou si vous êtes seul.e en cellule, frottez-les par terre, sur la couchette, la cuvette des chiottes, etc. pour y foutre plein d’autres ADN que le vôtre.

 

2) « LES ORIENTATIONS POUR LE TRAITEMENT JUDICIAIRE DES INFRACTIONS »

Il s’agit ici d’expliquer aux procureurs ce dont ils peuvent charger les gentes, quels délits ou crimes peuvent être collés sur le dos des personnes qui résistent. Il y a deux parties, une sur les « infractions applicables » (complétée par l’annexe 1 de la circulaire) et une autre sur les « conditions du recours à la force ».

Cette volonté de construire en avance un cadre juridique répressif qui permet de criminaliser plus efficacement les mouvements sociaux avait déjà donné lieu à deux circulaires (citées par celle-ci), celle du 20 septembre 2016 « relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’occasion des manifestations et rassemblements » et celle du 24 novembre 2017 « relative au traitement des atteintes commises contre les forces de l’ordre ».

Les « infractions applicables » = liste des infractions utilisables pour nous réprimer :

Dans le corps de la circulaire sont détaillées quatre délits :

– « L’entrave à la circulation routière » (qui consiste à mettre des trucs sur la route, pas juste à s’y trouver pour la bloquer), passible de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 € d’amende ;

– « L’installation sans titre sur un terrain d’autrui » (que le propriétaire soit public ou prive), passible de six mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende ;

– « L’attroupement », défini comme « tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l’ordre public » ; ce n’est pas l’attroupement en lui-même, mais « le fait de continuer à participer à un attroupement, sans être armé, après les sommations » qui est passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende ; la peine peuvent être aggravée de multiples circonstances : le fait de « dissimuler volontairement tout ou partie de son visage » ou d’être « porteur d’une arme » la porte à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende, tandis que pour les très méchant.es qui feraient les deux (être masqué.e et armé.e), ça monte à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende ;

À noter : depuis un arrêt de la Cour de cassation en mars 2017, le délit d’attroupement est considéré comme un « délit politique », ce qui interdit d’être jugé.e en procédure accélérée (comparution immédiate, reconnaissance préalable de culpabilité, etc.), et prévoit que la « commission d’une infraction politique ne constitue pas un motif de révocation du sursis simple ou du sursis avec mis à l’épreuve » (donc on ne peut faire tomber ton sursis d’une autre condamnation si tu es condamné.e pour « attroupement »).

– Enfin, « la participation à un groupement en vue de la préparation de violences volontaires contre les personnes ou de destructions ou dégradations de biens » est passible d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende – ce délit est une vraie saleté, qui permet de condamner les personnes sur leur simple présence dans un groupe, même si aucun élément de preuve ne permet de les accuser directement.

Ensuite, en annexe 1 de la circulaire sont rappelées les autres « qualifications pénales susceptibles d’être retenues dans les mouvements collectifs » :

– « L’organisation d’une manifestation illicite », passible de 6 mois d’emprisonnement et 7 500 € d’amende ;

– « La participation délictueuse à une manifestation en étant porteur d’une arme » passible de 3 ans d’emprisonnement et de 45000 € d’amende ;

– « L’opposition [par voies de fait ou violences] à l’exécution de travaux publics » passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende ;

– « L’entrave aux libertés de réunion et de travail », dont la « répression est aggravée lorsque cette entrave est réalisée à l’aide de coups, violences, voies de fait, destruction ou dégradation », passible d’entre 1 et 3 ans d’emprisonnement et de 15 000 à 45 000 € d’amende ;

– « La provocation à un attroupement armé » qui peut se faire « soit par des cris ou discours publics, soit par des écrits affichés ou distribués, soit par tout autre moyen de transmission de l’écrit, de la parole ou de l’image », passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende, la peine pouvant être portée à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende « lorsque la provocation est suivie d’effet » ;

– « La participation à un groupement en vue de la préparation de violences ou destructions », passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende ;

– « La dissimulation illicite du visage à l’occasion d’une manifestation » passible de l’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe ;

– Les classiques délits spécifiques aux flics et gendarmes que sont « les menaces », « l’outrage », « la rébellion », et moins utilisée pour l’instant, « l’embuscade » (les peines encourues ne sont pas précisées dans la circulaire) ;

– Enfin, si jamais tout ça ne suffisait pas, sont listées les « autres incriminations utiles (…) de façon générale, lors des heurts aux forces de l’ordre à l’occasion de mouvements collectifs » : provocation directe à la rébellion ; port ou transport illicite d’armes ; entrave à l’action des secours ; destructions, dégradations, détériorations d’un bien appartenant à autrui ; fabrication ou détention de machines ou engins meurtriers ou incendiaires ; association de malfaiteurs. Cette dernière incrimination a l’air de faire kiffer les rédacteurs de la circulaire, qui précisent que cette qualification « permet d’appréhender de nombreux comportements avant même la commission de plusieurs infractions (…), s’il s’avère que des personnes se sont groupées ou entendues en vue de préparer un ou plusieurs crimes ou délits punis d’au moins 5 ans d’emprisonnement », et cite l’exemple fictif de « deux personnes interpellées en possession d’un récipient d’essence sur la voie publique, en pleine nuit »).

Il est ensuite rappelé les « orientations procédurales préconisées », c.à.d comment il est conseillé par le ministère de juger les personnes interpellées :

– « Le déferrement et la comparution immédiate doivent être les réponses pénales privilégiées », c.à.d qu’il vaut mieux ne pas nous laisser le temps de préparer notre défense.

– « Les ouvertures d’information seront réservées aux faits complexes ou contestés ou aux procédures d’enquête diligentée en vue de l’interpellation, avant qu’ils ne passent à l’acte, des auteurs s’organisant et se préparant à commettre des violences ou des dégradations d’ampleur ».

– Enfin, « les alternatives aux poursuites peuvent être envisagées pour les faits les moins graves, isolés et non contestés ».

Suit une sous-partie sur « les réquisitions de mesures ou peines de mise à l’écart d’un territoire », qui fait le tour des différentes peines permettant « d’assurer l’éloignement d’ un individu d’un lieu déterminé » :

– « la peine d’interdiction de séjour [qui] limite la liberté d’aller et de venir de la personne condamnée en lui refusant l’ accès et la fréquentation de différents lieux (…) [et] s’accompagne de mesures d’assistance et de surveillance » ;

– Les « interdictions de paraître », qui s’appliquent « pour une durée de trois ans au plus » « aux délits punis d’une peine d’emprisonnement ». À noter que cette restriction n’est PAS accompagnée d’autres mesures de surveillance.

– Enfin, dans certains cas « d’infractions pénales commises lors de manifestations », les personnes « encourent à titre de peine complémentaire l’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique, dans des lieux fixés par la décision de condamnation, pour une durée ne pouvant excéder 3 ans ».

« Les conditions du recours à la force »

Cette partie est vachement plus chiante à décrypter (je ne suis pas vraiment sûr d’avoir bien compris les détails de son contenu, peut-être parce qu’elle dit pas grand-chose en fait…). Elle commence par rappeler que « les forces de l’ordre sont susceptibles de voir leur comportement ou leur action contestés pénalement, notamment en cas d’usage des armes » – le but semble donc être d’assurer juridiquement les arrières des flics.

Il y est rappelé que « la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique a créé, dans le code de la sécurité intérieure (CSI), un nouvel article L. 435-1 définissant un régime commun d’usage des armes au profit des agents des forces de l’ordre »1 ;

Mais aussi qu’ils peuvent toujours « faire usage de la force armée en situation de légitime défense (…) et lorsque l’ état de nécessité est retenu » ;

Et enfin que « les gendarmes peuvent faire usage de leurs armes notamment en situation de maintien de l’ordre pour dissiper un attroupement », soit « après deux sommations de se disperser demeurées sans effet », soit « sans sommation (…) si des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ou s’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent.

Un détail intéressant est la précision qu’« il ne peut être fait usage d’arme à feu (notamment les grenades principalement à effet de souffle et leur lanceur (…)) que sur ordre exprès de ladite autorité par un moyen permettant d’en assurer la matérialité et la traçabilité, et après qu’il ait été effectué une troisième sommation ».

Vu les pluies de grenades diverses qu’on s’est prises sur la gueule, je serais bien étonné qu’ils aient toujours respectés ces conditions. Je n’ai pas la moindre idée de comment des avocat.es pourraient utiliser ça, mais si vous en connaissez, vous pouvez leur souffler l’idée qu’il y a peut-être un truc à creuser…

 

3) « PRÉSENTER LES ATTENTES EN MATIÈRE DE REMONTÉE D’INFORMATIONS »

Cette dernière partie, plus courte, vise à donner les instructions nécessaires afin de bien alimenter les dispositifs de fichage et de renseignement.

Le ministère demande donc à tous les tribunaux de lui faire remonter toutes les informations concernant « l’ensemble des faits enregistrés en lien avec l’opération d’évacuation de Notre-Dame-des-Landes, sur le site ou sur l’ ensemble du territoire national », ainsi les « suites judiciaires données à ces procédures et des antécédents judiciaires des mis en cause », en préconisant « d’utiliser, pour vos comptes rendus, un tableau précisant les dates et lieux de l’infraction, l’identité et la nationalité de la personne, la qualification pénale retenue, l’orientation procédurale choisie et le cas échéant la décision de la juridiction de jugement ».

Pour cette remontée d’informations, le ministère demande à ces agents d’utiliser deux boites mail : celle du « bureau de la politique pénale générale, sur sa boîte structurelle liste.information.dacg-bppg@justice.gouv.fr », et celle de « la permanence de la direction des affaires criminelles et des grâces à l’adresse perm.dacg-cab@justice.gouv.fr ». Si des personnes ont des idées de ce qu’elles pourraient faire avec ces adresses… Je dis ça, je dis rien…

 

ANNEXES

Après l’annexe 1 sur les « Qualifications pénales susceptibles d’être retenues dans les mouvements collectifs », déjà détaillée ci-dessus, suivent deux autres annexes :

– La « fiche de mise à disposition » qui doit être remplie par « l’agent interpellateur » (quand ce n’est pas un OPJ) dans le but de limiter les erreurs de procédure (cf. partie 1) ;

– Le tableau de « Signalement infraction(s) commise(s) en lien avec l’opération d’évacuation de la ZAD de Notre Dame des Landes », qui doit être rempli et renvoyé au ministère de l’injustice pour centraliser les informations (cf. partie 3).

1Ce nouvel article, qui aligne les règles de tir des policiers sur celle des gendarmes, est fièrement présenté par la circulaire comme conforme aux jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Il a pourtant été largement combattu quand il a été inscrit dans la loi, notamment par les collectifs de victimes de violences policières considérant qu’il instaurait un « permis de tuer » sous le nom de « présomption de légitime défense » (voir par ex. un article sur le sujet ici https://www.revolutionpermanente.fr/Cadeau-de-Noel-du-gouvernement-a-la-police-la-presomption-de-legitime-defense).