Contre les lèche-bottes et leur monde
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Catégorie : Local
Thèmes : CmdoD281Zad
Le jeu de l’État depuis quelques mois est (comme à son habitude) de diviser les occupants en deux camps, opposables entre eux, les « bons » qui donneraient des gages (« nettoyage des routes ») et déposeraient des projets agricoles « individuels » ; et les « mauvais » qui ne sont, apparemment, que des « branleurs » (« Michel » à radio-France-info, le 9 avril). Or, au lieu de dénoncer ces grossières manœuvres, et de faire preuve de ce qu’on appelait autrefois la « solidarité » (on consultera au besoin un dictionnaire du XXe siècle), un bon nombre de ceux désignés comme « bons » se sont empressés de se soumettre à toutes les injonctions de la préfète et autres. Et, bien évidemment, plus on obéissait à ces injonctions, plus de nouvelles injonctions étaient formulées. L’exemple désormais connu du « nettoyage » de la D281 est encore dans toutes les mémoires : on a d’abord exigé que soient détruites quelques constructions, puis rapidement toutes les constructions, puis il y a eu une présence policière permanente « pour accompagner les travaux de réfection de la chaussée », etc. À chaque étape s’illustraient un certain nombre d’individus, qui par ailleurs pour nombre d’entre eux étaient membres de l’organisation politique ayant confisqué l’essentiel du pouvoir (mainmise sur les outils de communication, monopole des rapports avec les autres « composantes », création d’une « assemblée des usages » bidon où tout est prêt à l’avance, etc.) : le CMDO. En fait, il était question de prouver à l’État qu’ils étaient capables de maintenir l’ordre eux-mêmes.
Alors a eu lieu la première « trahison » de l’État : les « opposants » qui pourtant pensaient avoir tout prévu pour leur intégration (avec un organigramme institutionnel complet), n’ont même pas été invités aux négociations sur la gestion future des terres ! Quelle humiliation pour ceux qui voulaient, à n’importe quel prix, s’intégrer à la gestion bureaucratique et devenir les relais de l’État !
Mais, au lieu de tardivement prendre conscience de leur rôle abject et de l’évidence que ce rôle ne pouvait que se retourner contre eux, nos braves aspirants-gestionnaires ont néanmoins redoublé de lèche-bottisme, et ont déposé des projets agricoles en urgence pour ne pas voir expulser leurs maisons, sans plus faire mine de se soucier des autres occupants (les « branleurs »). Dès lors, toutes les soumissions à l’ordre bureaucratique que par ailleurs on prétendait combattre sont bonnes : un autre chef, Delabouglisse, le porte-parole de Copain44, a ainsi précisé mardi 10 avril en conférence de presse que « les brebis venaient d’être pucées » par les habitants des Cent-noms. Semblant ignorer (mais ne l’ignorant pas) tous ceux qui luttent encore contre le puçage des brebis, et en général contre les normes agricoles (et qui sont très attentifs à ce qui se passe à Notre-dame-des-Landes), il témoigne de la volonté désespérée de s’intégrer à tout prix à l’appareil bureaucratique, en donnant tous les gages imaginables de soumission complète. Et il va même jusqu’à s’excuser de ne pas pouvoir « en deux mois proposer un projet parfait ».
L’inénarrable Julien Durand (Acipa) a finement suggéré une solution dans Presse-Océan du 9 avril, c’est à dire en plein pendant les attaques des gendarmes : « On encourage vivement les habitants de la Zad à déposer des projets individuels pour obtenir une relative levée d’inquiétude [sic] sur l’ampleur de l’opération d’expulsion [sic]. » Tout est dit : quoi qu’il arrive, à présent qu’il n’y a plus d’aéroport, il faut liquider le mouvement d’occupation, gaz lacrymogènes ou non1.
En résumé, « depuis le début de la discussion avec la préfecture, on a été bluffés totalement. Alors là, ils sont forts, parce qu’ils nous ont eus, on a cru au dialogue, à l’apaisement et aujourd’hui ils nous répondent par la violence », pleurniche « Willem » dans Ouest-France le 10 avril. Naïveté ou crétinisme ? Je ne peux trancher.
D’autre part, si les Cent-noms (entre dix autres maisons, rappelons-le même si c’étaient des maisons de « branleurs ») ont pu être attaqués, évacués et détruits dès le premier jour de l’opération des gendarmes, c’est bien avant tout parce que la route D281 (qui y mène) avait été abandonnée, sous la pression, entre autres, de certains habitants des Cent-noms eux-mêmes ! Un enfant de cinq ans découvrant le jeu d’échecs n’aurait pas fait une telle erreur tactique. On s’indigne de la violence (« illégale ») des gendarmes alors même qu’on leur a soi-même déroulé un tapis rouge, en écrasant les récalcitrants au passage.
Et pourtant, devant les ruines fumantes de sa maison, un des habitants, au lieu de tirer les leçons de sa veulerie, pleurnichait encore, accusant l’État de ne pas avoir « le respect de la valeur-travail [sic] » (« Michel » à radio-France-info, le 9 avril). Il semble nécessaire, hélas, de rappeler que la plupart des occupants tâchaient et tâchent toujours de lutter contre le travail et l’exploitation. Que certains aujourd’hui fassent l’apologie du travail dans la presse, c’est le comble de la saloperie.
Dans le cadre de la répression des luttes, il est assez banal que l’État essaie d’intégrer certaines fractions particulièrement arrivistes ou ambitieuses, pour encadrer le reste et miner la lutte ; et il est bien rare qu’il ne trouve pas des candidats (syndicalistes, « leaders » étudiants, etc.). À la ZAD, ç’aura donc été le CMDO, en plus de l’Acipa/Coord et de Copain (un tel comportement étant évidemment bien plus attendu pour ces dernières structures ouvertement réformistes et co-gestionnaires).
Pourtant, malgré les marques les plus délirantes (et évidemment dangereuses) de soumission, l’État n’a pas voulu d’eux ! Peut-être parce que, disposant de toute façon par ailleurs de relais bien rodés (p. ex. Acipa), l’État a voulu marquer qu’une frontière symbolique ne pouvait être franchie : celle de la propriété. Ou, plus exactement, que l’État ne cède pas la propriété d’un bien (d’une terre) par la négociation ; et par le rapport de force, très rarement. Ce serait de sa part reconnaître que le sacro-saint principe de propriété, pilier indispensable du capitalisme, n’est en dernière analyse qu’un vulgaire bout de papier. Mais doit-on s’émouvoir du sort de ceux dont les espoirs odieux sont ainsi réduits à néant ? Le CMDO est seul responsable de ce qui lui arrive, et il est inutile de verser des larmes sur sa pitoyable déconfiture.
En revanche, il convient de continuer à soutenir celles et ceux qui, loin des caméras, des conférences de presse et des tables de négociations de la préfecture, luttent, non plus certes contre l’aéroport, mais contre « son monde » que certains ont opportunément oublié.
En tous cas, de pleurnicherie en léchage de bottes, nous voici passés d’une situation où l’État, acculé à l’échec par la lutte, devait renoncer à un projet d’infrastructure considérable, à une situation où les opposants eux-mêmes, au nom d’une « union sacrée » dont on connaît pourtant les mécanismes, ont réalisé une partie du travail de leur propre expulsion.
Il est vital de continuer à s’opposer, à la ZAD et partout ailleurs, à la répression brutale de l’État ; mais pour ce faire il est indispensable de tirer les leçons politiques de ce qui s’est passé à la ZAD ces dernières années et plus encore ces derniers mois, sous peine de reproduire, encore et toujours, les mêmes erreurs, et de tolérer, encore et toujours, les mêmes prises de pouvoir et les mêmes coups de poignard dans le dos.
Heureusement, certains sont encore là qui résistent sérieusement et avec une détermination remarquable. Puissent-ils faire reculer pied à pied l’État – et ses sbires, actuels ou en devenir.
Un camarade lointain, le 11 avril 2018.
ça fait grand bien de lire ça, c’est tellement l’urgence et le tourbillon (alimenté par ceux qui ont mis le doigt dans les négociations) ici que c’est dur d’avoir du recul, et d’avoir la tête dans ce qui sort dans les médias. Le CMDO a bien joué d’ailleurs là-dessus : il sait que plein de gens sur zone ne vont pas voir ce qu’il se passe dans les médias (dont lundi matin) et n’ont pas idée de leur comm dégueulasse. ça empèche de pouvoir les confronter à leurs discours et à leurs pratiques.
Oui, son arrêt de mort…
Question : comment en est-on arrivés là?
Comment est-on passés d’un mouvement de Lutte à un mouvement de gestion de l’espace (géographique et juridique)?
Réponse :
En laissant une minorité de lèche-bottes masculins assoiffés de pouvoir, autoproclamés et peu regardants des processus autogestionnaires et solidaires interne à la ZAD, prêts à toutes les compromissions avec l’Etat pour sauver leurs petits intérêts et petits projets agricoles et bien propres.
Merci le CMDO, merci les appelistes d’avoir pourri cette belle lutte ! Vous le payerez un jour ou l’autre.
salut, je m’étonne de voir des gens critiquer de manière caricaturale encore certains occupants (ici le CMDO, ailleurs tout ceux qui veulent négocier) et d’un autre côté pleurnicher sur le fait que l’Etat ne cesse d’opposer bons et méchants zadistes. pour suivre ce qu’illes écrivent je n’ai pas vu les gent.e.s du CMDO écrire pour critiquer le reste du mouvement, pour lire ce genre de texte énergivore une seule source: indymedia. une petite bande de radicaux qui refusent touttes différences politiques sur la vision du rapport de force ET insultent à longueur de texte celleux qui ne pensent pas comme elleux. vous n’en avez pas marre?
une majorité d’occupant.es à fait le choix de négocier, la quasi totalité des lieux rescapés sont couverts par le projet commun porté à la Préfecture… seuls celleux qui n’ont pas voulu y participer en sont absent.e.s, alors où est le problème? êtes vous donc propriétaire de la lutte pour empêcher les gens de s’organiser comme illes l’entendent et les insulter bien tranquille derrière votre écran?
Peut-être n’as tu pas bien lu l’article https://lundi.am/ZAD-seconde-manche diffusé par leurs ami.e.s de lundi.am, ou bien ce texte chèrement diffusé massivement sur papier glacé lors de la fête de la défaite qui vient du 10 Février dispo sur https://ettoc.wordpress.com/ les dissociations et accusations y pleuvent pourtant, et bien d’autres sont accessibles à qui cherche un peu. Peut-être en lisant un peu ce que mauvaise troupe a pu publié récemment par exemple tu trouvera ton malheur.
Et puis de toute façon il n’y a pas vraiment besoin de textes quand les pratiques de pouvoir parlent d’elles mêmes.
” la quasi totalité des lieux rescapés sont couverts par le projet commun porté à la Préfecture… seuls celleux qui n’ont pas voulu y participer en sont absent.e.s, alors où est le problème? ” c’est juste degeulasse quand on sait que la casi totalité des lieux detruits ne souhaitait pas la negociation.
il ne suffit pas de ne pas parler des choses qui derange pour qu’elle disparaisse effectivement le cmdo ne critique pas trop (et encore ça change) mais il ment a longueur de texte en parlant de commun !!!
quel bel demonstration de solidarité avec les axpulsés (29 lieux et c’est peut etre pas fini !!!
Est ce que tu peux joindre l’intervention à france – info du 9 avril stp?
Un podcast ou le nom de l’émission car je trouve pas
Merci
On dirait bien qu’il y ait deux communs,euh deux camps .
Celui des légalistes qui adhèrent à la normalisation et celui des illégalistes qui refusent la normalisation .L’agent de normalisation étant bien entendu l’Etat sans lequel nous ne pourrions vivre ,bien entendu .
Les uns auront des droits dont celui de VIVRE grâce aux subventions étatiques,européennes (PAC) car chacun sait qu’on ne fait pas d’agriculture sans subventions et les autres les sans droits de vivre sont priés d’aller crever ailleurs .”Joli” monde que celui pour lequel vous signez !Ce monde s’appelle monde de l’Exclusion ,leur monde quoi !
Bravo à vous
bon courage les copains !
Le plus tristement drôle est que, comme pourtant l’histoire des luttes nous l’apprend de manière répétée, ceux qui pensent passer à travers le compromis seront eux aussi balayés – comme le fait bien remarquer un autre, on va déjà les trier bien sec, puis on leur demandera toujours plus, en fait de rejoindre le marché concurrentiel et réglementé, où ils disparaîtront. Et si ils renâclent, hop, un coup d’huissier et de bulldozer. Il est illusoire de croire qu’on puisse “sauver” quo que ce soit (et aussi se demander finalement ce qu’est vraiment ce qu’on prétend sauver, émancipation ou bien annexe de l’économie ?) Et on ne pourra même pas les regretter, l’inconscience et la courte vue ne pouvant excuser la magouille.