Il a accessoirement permis d’être un piédestal pour les ambitions électoralistes des figures citoyennes de la lutte. Il a surtout permis de redonner la confiance dans les institutions à plein de gens, à leur faire oublier qu’on peut s’organiser sans l’Etat. Au final, tout et son contraire cohabitent dans ce “projet de territoire” pourvu que cela permette la valorisation de tous les espaces et le développement économique, que ce soit par le tourisme, les énergies vertes ou l’agriculture à haute valeur ajoutée. Et pourvu que ce soit “innovant” et “durable”. La méthode a été rodée, testée, approuvée dans de nombreux territoires. Elle est tout-à-fait prête à prendre en compte vos doléances à Notre-Dame-Des-Landes. Vigilance donc !

Il semble d’ailleurs que certains de nos alliés voudraient que la zad prenne cette direction green, normalisée et certifiée. Dans une tribune parue sur Reporterre le 16 décembre 2017, les écologistes Fabrice Nicolino, François de Beaulieu et Jean-Paul Besset appellent à construire sur la zad un “laboratoire écologique et social” débarassé des personnes qui ont des pratiques d’affrontement avec la police, à labelliser les charpentes, les miels et les pains de la zad ou encore à “intégrer les occupants inventifs” dans un centre de recherche sur l’éco-construction ! Pacifier, labelliser, intégrer. N’est-ce pas là une direction totalement à l’opposé de l’aspiration à une vie libre, non administrée, nécessitant une lutte perpétuelle face au rouleau compresseur étatique et capitaliste ? Dès lors, à quelles conditions faut-il continuer de composer avec ces éco-tartuffe ? Quels sacrifices le mouvement d’occupation est-il prêt à faire pour rester en lien avec toutes les composantes ? Ne faut-il pas aussi tenter de faire bouger les lignes au sein des autres composantes du mouvement ?

Le CMDO précise le but de la participation des occupant.e.s aux négociations avec l’Etat : “créer des précédents qui continuent à repousser le seuil de ce que les institutions peuvent accepter. En espérant que ces coins enfoncés dans la rigidité du droit français servent à bien d’autres que nous à l’avenir”. Quelle différence y a-t-il entre ce souhait et le dispositif de cogestion syndical en agriculture ? Quels garde-fous se donner pour ne pas être intégré et assimilé au système ? Qui décide de ce qui est négociable et ce qui ne l’est pas ? Quand claquer la porte des négociations et appeler à bloquer Nantes ? Comment faire concrètement pour que la forme légale qui sera négociée soit vraiment un “manteau sous lequel les marges d’invention et de liberté pourraient continuer à se développer” ?

Nous n’avons pas de réponses toutes faites. Seulement des questions, quelques enseignements tirés des luttes passées et l’envie de continuer à lutter. La période à venir s’annonce passionnante, les pratiques politiques et l’attention à tou.te.s pour parcourir le chemin à venir seront tout aussi importants que le fruit des négociations. Tout un territoire à habiter, des pratiques à ré-inventer, s’approprier, questionner, des liens à consolider et développer… Mais c’est aussi la période de toutes les menaces… Dissociation au sein du mouvement ou au sein des occupant.e.s, normalisation, cogestion, compromission, essoufflement, intégration au capitalisme vert.

Maintenir et si nécessaire amplifier le rapport de force, se méfier de l’Etat et de la normalisation par la loi, cultiver des liens de confiance au sein du mouvement et avec les comités, continuer à créer des brèches « en bas et à gauche » semblent être les bases minimales d’un avenir émancipateur pour la zad.

Ne boudons pas notre plaisir au moment de célébrer une victoire historique ! Longue vie à la zad !

Des membres du comité de soutien tarnais

P.S : une rumeur court dans le Sud-Ouest, le caramentran d’un éco-tartuffe local serait en chemin vers la zad…