Nouvelles de la maison d’arrêt de nantes
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Category: Local
Themes: Prisons / Centres de rétentionResistances
Places: Nantes
“‘DERNIERES NOUVELLES DE LA MAISON D’ARRET DE NANTES:
Je suis allé faire un tour la bas aux alentours de 15h30 et j’ai pu discuter avec des proches de détenus. Il en ressort que :
– Une personne venait tout juste d’avoir son parloir alors qu’elle était sur le créneau de 9h.
– Que les familles pouvant accéder aux parloirs sont choisies “au hasard, on sait pas trop comment” (sic). Personne n’est sur d’avoir son parloir. On peut se douter que les familles autorisées à rentrer sont celles de ceux qui foutent pas le bordel. On est dans l’arbitraire total.
– Des détenus ont eu accès ce matin à la cour de promenade. Certains n’avaient pas eu de promenade depuis 72h
– Que les repas ont étés distribués après 14h pour certains. J’ai pas eu d’info sur le fait que le journal ait été distribué ou pas, mais pour connaitre la maison j’en doute fortement.
– Personne n’à accès aux ateliers, quid de la “rémunération” (8€/jour, 15 pour les mieux payés, c’est rien mais ca fait déjà trois jours que ca dure, ca peut faire très mal.) Quid de la fabrication des repas?
– Il n’y a pas de distribution des cantines (demain c’est les clopes, franchement ca va être la guerre si c’est pas distribué)
– Plus d’accès aux coursives pour téléphoner, les détenus sont coupés du monde (du moins ceux qui respectent/craignent l’ordre carcéral et ne prennent pas le risque d’avoir un portable en cellule).
16h40: au moins une dizaine de voitures des ERIS (Équipes Régionales d’Intervention et de Sécurité, les CRS de la taule) à toute blinde vers la taule. Donc probable blocage collectif en fin de promenade.
En début d’après-midi, Ouest-France annonçait l’intention des personnels de passer en grève générale (ils considèrent que ceci n’est qu’une grève partielle) suite à la menace de la Garde des Sceaux, Nicole Belloubet de sanctionner les matons grévistes. Les conditions de vie à l’intérieur sont donc en passe de se dégrader encore plus.
Il est urgent que nous nous organisions collectivement, à l’extérieur, pour affirmer notre solidarité avec les prisonniers, exiger le respect et des conditions dignes pour les personnes incarcérées (sans distinction selon les faits commis) affirmer haut et fort que d’autres solutions que l’enfermement (sous toutes ses formes)existent.
Que ce n’est pas de plus de cellules (individuelles ou pas), de prisons dont la société à besoin, mais bien de moins de prison, au sens large, qu’il y a un besoin urgent de changer une politique pénale qui ne fait qu’envenimer la situation en détruisant la vie des condamnés – ou en attente de jugement, près de la moitié des détenus en maison d’arrêt sont en attente de procès, ce qui est un facteur majeur de surpopulation – ainsi que celles de leurs familles, et bien au delà de la période d’incarcération. Les dégâts psychologique/psychiatriques induits par la taule sont énormes.
On n’en ressort que brisé et/ou plus dangereux.”
Alors voila: On arrive à 12h30 pour le parloir de 13h15. On entre dans une salle d’attente; c’est relativement propre sauf, parfois les toilettes. On prend les rdv sur une borne électronique pour les trois semaines à venir. Ensuite, on va donner nos papiers d’identité à l’accueil, on ressort et à 12h55, on nous appel à l’interphone. On dépose nos affaires personnelles dans des casiers à 1 euro (qui, soit dit en passant, ne nous la rend pas toujours). Puis, c’est l’appel des familles: “Famille Truc!”. On dépose le sac en plastique rempli de linge propre qui sent bon la soupline. Rayon X, porte magnétique. “C’est bon!” “Famille Machin!” Un petit sac en plastique plié en quatre, un petit livre de poche non relié (c’est la regle) où même un dessin d’enfant ne passera pas la fouille. La porte qui sonne…. “Madame! Vous avez quelque chose qui sonne! Chaussures? Non.. Ceinture?… Non… Des clés, une pièce de monaie? Non…. Début de montée d’adrénaline; qu’est ce qui sonne?… Les boucles d’oreilles… Et oui, dommage…. “Famille Bidule Chouette!… C’est OK, tu peux ouvrir!”. Là, dans une cour extérieure pavée, deux platanes plantés à quelques mètres l’un de l’autre, s’unissent par deux branches soudées l’une à l’autre. Lugubre, sinistre image avant d’entrer dans “l’antre de la bête”. On monte l’escalier de pierres, on dépose les sacs sur une table et on entre dans une pièce d’attente genre sas d’attente. On attend. Bruits de clés, énumération des noms, des numéros de parloirs. On a franchi presque toutes les portes, il n’en reste qu’une. Il fait sombre, c’est glauque, on appréhende les retrouvailles. Qui va t on retrouver aujourd’hui??? Quelqu’un de révolté, quelqu’un de désespéré, quelqu’un d’humilié, quelqu’un de déboussolé, quelqu’un d’heureux qui savoure cet instant magique qu’est le contacte humain avec les être que sont ses proches??? On ne le sait jamais. Ici, tout peut prendre des tournures tellement inattendues. On entre dans le parloir, on place les chaises, les plinthes sont recouvertes de crasse, la lumière est blafarde, on reste seul en attendant son ami, son frère, son mari ou son amant. Enfin il arrive. On s’embrasse, on se parle, on est heureux. On se caresse les mains, le visage, jamais plus, car le parloir serait supprimé au moins pendant trois mois. Quelques unes prennent tout de même le risque. C’est leur choix. Il n’y a que l’administration pour les juger . Ici, entre visiteurs de parloir, on ne blâme pas les sentiments, l’amour. On respecte cette intimité que la prison nous a volée. Les trois quart d’heure passent, toujours trop vite. Les portes s’ouvrent. On s’embrasse une dernière fois, on se serre les mains. Les doigts glissent, enlacés. Puis c’est la déchirure. On ressort, on retourne en salle d’attente. Parfois on craque. Il y a toujours quelqu’un pour réconforter. Entre femmes de parloirs, on se soutient. Et puis le maton vient nous rendre nos papiers d’identités, le dessin d’enfant qui n’est pas passé. On récupère les sacs de linge sale, on redescend l’escalier jusqu’à la grille. On veut sortir vite. On est révolté. Machin a été contaminé à l’hépatite C. Quand et comment sera t il soigné? Truc est harcelé dans sa cellule, il a peur. Chouette n’est toujours pas jugé, il angoisse, il se sent abandonné. Combien de temps cela va t il durer??? On passe la grille avec ce sentiment d’impuissance qui vous ronge. On ne sait plus l’heure qu’il est. On arrive sur la place. Dehors, tout est flou un instant. Quelques murs nous séparent mais il me semble que c’est un gouffre d’éternité.
Témoignage… Maison d’arrêt de Nantes