Parce que ce monde est trop étroit, parce qu’il vise à la normalisation, au contrôle, à l’aseptisation et à la numérisation de chaque individualité. Parce qu’on avait envie de s’offrir une respiration, de se sentir vivant.e plutôt que d’étouffer. Parce qu’on kiffe pas la contestation pacifiée. C’est vrai que ce désir de destruction aurait pu s’assouvir par l’attaque d’un local de la Croix Rouge, d’une ferme d’élevage ou d’un CRA. Nous attaquons pour ne plus être un.e architecte de plus des structures du pouvoir. Attaquer pour le plaisir immédiat et pas pour d’hypothétiques lendemains qui chantent.

Comme l’ont déjà soulevé d’autres communiqués, la technologie – qui nous tient en laisse et colonise nos imaginaires – est un des piliers de cette civilisation. Si on partage ce constat, on ne se satisfait pas d’un simple partage d’idées. On a alors cherché des points sensibles sur lesquels agir. En brûlant des antennes relais, on ne vise pas seulement à infliger le maximum de dégâts aux promoteurs des prothèses technologiques. C’est bien une manière de communiquer, d’interagir, de [se] civiliser qu’on vise à saboter. Pour dérégler le train-train des honnêtes citoyen.ne.s, travailleureuses, consommateur.trice.s, toutes ces personnes qui – riches ou pauvres, jeunes ou vieilles, archi-connectées ou techno-septiques – contribuent à l’essor de cette civilisation du flux tendu où on bouffe de l’info en continu, où on se clash sur la toile et où on baise par texto. Pour plonger les accros des écrans et de l’oreillette dans l’angoissant silence de la déconnexion, elleux qui, en construisant et perpétuant ce type de rapport au monde, sont la garantie qu’il ne coure aucun danger.

Mais cette attaque vient aussi d’une envie de mettre en cause le rapport qu’on entretient avec la médiation technologique du vivant (humain ou non-humain) et la numérisation de l’existant. Elle nous permet de questionner en acte la construction de toutes ces normes (sexistes, racistes, homophobes, spécistes…) véhiculées par les flux incessants d’images et d’informations et qui ont bien failli écraser nos individualités.

Si l’on rajoute à cela le fait que de nombreux.ses compagnon.ne.s se retrouvent visé.e.s par des affaires répressives dans lesquelles ces moyens de communication deviennent, grâce à la collaboration des opérateurs téléphoniques, des outils pour faire tomber celleux qui se révoltent, ça fait un gros paquet de raisons pour faire un barbecue d’antennes. Un gros paquet dans lequel ne figure pas la perspective d’ouvrir une brèche dans la normalité pour qu’advienne la révolution sociale. Si cet espoir nous a un jour étreint, il est désormais mort dans nos cœurs.

On voulait que cette attaque entre en résonance avec la série d’autres barbecues (d’antennes relais, de véhicules ou de locaux d’Énedis…) dont l’été 2017 a fait les frais et dont on partage une bonne partie des critiques et des propositions. À ce propos, on se demande comment ne pas entrer dans des dynamiques compétitives. Comment se laisser inspirer par les actes d’autrui au point d’avoir envie de les reproduire sans que ça tourne au battle de qui a la plus grosse (antenne) ?

Voilà un peu ce qui nous a amené à étudier, planifier et réaliser cette attaque. Ça nous a pris des jours de préparation pour définir les aspects pratiques du plan (comment foutre le feu sans se foutre le feu par exemple) mais aussi pour partager les enjeux, les spécificités, les envies et les limites de chaque individu.e.s prenant part à celui-ci. On s’est mis.es en jeu et on s’est donné les moyens de nos envies, même si c’était dur physiquement et émotionnellement. La beauté de ce processus où nous avons tenté de conjuguer violence de l’intention et bienveillance de l’attention apporte autant de plaisir que la satisfaction d’avoir réussi à détruire ces antennes. On est pas des soldat.e.s, c’est dans ces moments que se concrétisent, se rencontrent, se confrontent nos individualités. Que nous faisons notre synthèse entre théorie et pratique par nos propres moyens. Que nous nous organisons pour détruire les rapports de pouvoirs, pour attaquer les dominations qui nous façonnent et que l’on reproduit autant qu’elles structurent ce monde.

On a détruit ces antennes relais en forçant les portes ou les grillages qui les protégeaient et en plaçant dans les rails de câbles, à divers emplacements, des dispositifs incendiaires. Ceux-ci étaient simplement composés d’une bouteille en plastique d’un litre et demi remplie d’essence sur lequel était accroché à l’aide de fil de fer un bon bloc d’allume-feu.

On voudrait pas terminer ce communiqué sans avoir exprimé notre solidarité avec Krem et Kara ainsi qu’avec toutes celleux qui attaquent ce monde sans oublier qu’ielles peuvent en être les rouages.

B.A.R.J.O

Barbecue d’Antennes Relais Joliment Osé