Dans la nuit du 5 au 6 janvier 2017, quelques heures avant le procès des 3 mutins de la prison de Valence, il semble qu’une dizaine d’écoles maternelles, élémentaires, collèges et lycées, aient été bloqués (leurs serrures ont été obstruées) et des tags laissés sur leurs murs, ainsi qu’un tract (il est reproduit juste en dessous).
Divers messages sont apparus, tels que : « La prison c’est la mort. Y a de la vie dans la révolte. Solidarité avec les mutinés de Valence et d’ailleurs », « En prison les méchants c’est surtout les matons », « Marre des devoirs, vive la liberté », « Chaque âge saccage sa cage », « Vivent les mutins de la prison de Valence – procès aujourd’hui, 6/01 à 14h », « Ni prison, ni religion, vivent les mutins et l’insoumission » (sur une école privée catholique).
Il semble aussi qu’une lettre diffamatoire ait été diffusée dans les boîtes aux lettres de la ville de Valence. Elle était écrite au nom de Sylvain Royère, délégué syndical des matons et maton lui-même au centre pénitentiaire de Valence. La lettre est aussi reproduite plus bas.

Tract laissé sur les écoles :
« Bonjour,
On se permet de vous faire perdre un peu de votre temps pour parler de celles et ceux à qui l’Etat vole tout leur temps, quand ce n’est pas leur vie. Ca se passe ici tout près de chez vous, mais aussi partout en France et ailleurs. Pourtant on ne parle pas souvent de ces endroits où le pouvoir met de côté celles et ceux qu’il juge néfaste à la bonne marche du système. Les récalcitrantes qui n’acceptent plus d’être écrasées, ceux qui s’emparent d’une violence dont les puissant-e-s voudraient avoir le monopole, ou tout simplement les indésirables qu’on peut faire disparaître facilement pour perpétuer l’ordre établi.
On ne parle pas souvent de la prison, pourtant elle fait partie de nos vies. Quand on est passé entre ses murs, quand on va voir un proche au parloir, quand on se soumet sous sa menace. Au même titre que les flics et la justice, elle est un des engrenages d’une machine qui a pour but de nous faire accepter sans rechigner un monde basé sur l’exploitation et la domination.
Ces derniers mois des rumeurs nous parviennent depuis l’intérieur des taules françaises. Ce sont les cris d’une partie des oublié-e-s qui tentent de percer au travers des murs et des barbelés. Saccages, révoltes et mutineries se sont enchaînées depuis l’été dernier. Il semblerait que certain-e-s aient décidé de renvoyer aux enfermeurs un peu de leur violence.
Le 25 septembre à la maison centrale (destinée aux longues peines) du centre pénitenciaire de valence, une mutinerie éclate. Un trousseau de clef est dérobé à un maton sous la menace, les portes des cellules sont ouvertes par les mutins, du mobilier et les caméras sont détruites, des feu sont allumés.
Vendredi 6 janvier, trois personnes vont passer en procès au tribunal correctionnel de valence, accusés d’être les leaders de cette révolte. En désignant des coupables, la justice cherche à la fois à punir lourdement pour l’exemple (ils risquent jusqu’à 20 ans de prison) et à minimiser le caractère collectif de la révolte. Réduire ce qui s’est passé à des déviances individuelles permet de masquer les raisons qu’il y a à se révolter contre l’enfermement. Cela alors que la mutinerie s’est produite dans un contexte de tension générale au sein de la prison et qu’une seconde mutinerie s’est produite le 27 novembre malgré les transferts qui ont suivi celle de septembre.
Désigner des leaders, c’est aussi donner satisfaction aux matons qui pourront arrondir grassement leurs fins de mois avec les dommages et intérêts et apaiser leur soif de vengeance. Les flatter un peu pour qu’ils arrêtent un moment de pleurnicher sur les conditions d’un travail qu’ils ont choisi de faire en sachant qu’il s’apparente à celui de bourreau.

Peut-être qu’il est temps de prêter une oreille attentive à ce qui nous arrive de l’intérieur des prisons. De ne plus détourner le regard en espérant juste ne pas être la prochaine. D’apporter notre solidarité aux mutins et ceux accusés de l’être. Par exemple en venant les soutenir durant leur procès, mais aussi en luttant au quotidien contre la dégueulasserie qu’est la taule.

SOLIDARITÉ AVEC LES MUTINS DE LA PRISON DE VALENCE ET D’AILLEURS ! »

Lettre diffamatoire :
« Valentinois, Valentinoises

Vous me connaissez bien, le Dauphiné Libéré m’ouvre régulièrement ses colonnes.
Je suis Sylvain Royère, le porte-voix des porte-clés, délégué syndical de l’UFAP-Unsa Justice, et maton au centre pénitentiaire de Valence.Vous vous demandez sûrement de quoi je vais encore venir vous parler ?
Ces prochains jours va se tenir le procès de trois personnes accusées d’avoir abîmé notre outil de travail (une prison toute neuve qui nous a été offerte il y a tout juste un an par l’État), et qui s’en sont pris à l’un des nôtres en le menaçant afin de pouvoir ouvrir les cellules d’autres détenus.

On est ravis d’apprendre la construction de nombreuses autres prisons, même si pour nous ca ne sera jamais assez. On aimerait qu’il y ait un flic derrière chaque personne au dehors, et bien nous, nous voudrions un maton derrière chaque prisonnier, et surtout quíls rampent devant nous.
Notre métier peut nous faire passer pour des imbéciles qui pleurnichent, car la majeure partie de notre activité consiste à ouvrir et fermer des portes et des grilles, observer des caméras et des écrans de contrôle, faire des fouilles de personnes et de bâtiments.

Mais notre uniforme nous rend puissant, voire tout puissants. Et être un imbécile tout puissant, c’est très appréciable Pour un oui ou pour un non, un refus d’obtempérer, un regard de travers, nous pouvons pondre un rapport qui viendra pourrir la vie des détenus. Nous avons un éventail de punitions très large à notre disposition ; grâce à nous la direction utilise le cachot, l’isolement, la suppression des permis de visite, l’annulation des remises de peine, et de fil en aiguille on peut même rajouter d’autres condamnations. Par là on essaye de briser toute volonté chez les prisonniers car plus ils sont à genoux et plus on se sent grands.
Drapés de la bonne morale de la société, nous pouvons nous laisser aller à nos instincts les plus vils, et faire de la vie des détenus un enfer. Détruire leurs effets personnels, les réveiller plusieurs fois dans la nuit, perdre leurs courriers et bons de commande, les empêcher d’accéder aux activités, aux soins, parasiter leurs relations, générer un stress permanent… nous pouvons les laisser appeler à l’aide pendant des heures, et rire de leurs détresses comme s’ils n’étaient plus humains.
Nous pouvons porter plainte pour coups et blessure ou outrage quand ça nous chante, la justice, notre hiérarchie et notre corporation nous donneront toujours raison. Nous pouvons tabasser et humilier en sachant que nous serons toujours couverts, voire récompensés.
Nous pouvons appliquer le règlement à la lettre, ou l’aménager à notre guise, nous pouvons enfermer humainement et avec le sourire pour nous donner bonne conscience, tout en appliquant, comme tout bourreau qui se respecte, un supplice infini. Malgré tous les détenus qui crèvent sous notre surveillance, nous pouvons parler avec des trémolos dramatiques du moindre petit doigt de maton tordu, et évoquer la zone de non droit sans que l’on nous rie au nez ! J’ai même sollicité les médias en février dernier pour parler du scandale d’un détenu qui aurait fumé et tenté d’avoir un rapport intime avec sa compagne durant un parloir… même des choses anodines comme ça, on peut les utiliser pour faire monter la pression, justifier notre discours et nos revendications.

En septembre et en novembre, deux mutineries ont éclaté à la maison centrale du centre pénitentiaire. Notre beau bâtiment tout neuf qui a coûté des dizaines de millions a été endommagé, et notre autorité contestée. Faut dire qu’ils avaient des bonnes raisons, avec ce qu’on leur en fait baver en permanence.
Ce 6 janvier seront jugées 3 personnes qui ont pris part à cette mutinerie. Nous serons là bien évidemment pour demander des dommages et intérêts, et se faire passer une fois de plus pour des victimes. Mais ne vous y trompez pas, en réalité nous avons beaucoup de pouvoir car la justice est avec nous. Nous n’avons aucun problème pour être des sales types, c’est pour cela que nous sommes payés.
Si cela vous pose problème, il vaut mieux que vous tentiez de nous retrouver quand nous ne portons plus notre uniforme, ni nos super pouvoirs.

Votre Dévoué, Sylvain Royère »