Le matin, une manifestation syndicale sur le même modèle que le défilé organisé deux semaines auparavant à Haluchère, hors de Nantes, avait lieu à Saint-Herblain. Plusieurs milliers de manifestants ont donc défilé à l’extérieur de la ville, sans s’en prendre au gigantesque espace commercial Atlantis. En revanche, bien plus déterminé qu’aux précédentes échéances, le cortège syndical a terminé son défilé sur le périphérique de Nantes, en allumant sur la route de gros feux de palettes, de pneus, et d’objet divers. La rocade de Nantes totalement bloquée pendant des heures. Comme un parfum de piqueteros argentins. Bon début de journée.

L’après-midi, une seconde manifestation devait avoir lieu dans le centre-ville, pour ne pas laisser les rues à la police et à la consommation. Comme c’est devenu rituel à Nantes, le préfet a interdit, purement et simplement, le défilé. Non seulement Nantes est la seule ville de France à voir toutes les manifestations interdites dans le cœur de la métropole depuis un mois, mais en supplément, les arrêtés administratifs d’interdiction de circuler à Nantes les jours de mobilisation se multiplient. D’abord au nombre de 8, puis de 17 et 25, ce sont aujourd’hui pas moins de 30 personnes qui sont visées par cette procédure d’exception, justifiée par l’anti-terrorisme, et ce jusqu’à la fin de l’état d’urgence !

Malgré tout, sous un soleil radieux, plusieurs centaines de personnes partent de la Place du Bouffay en fin d’après-midi. Le cortège est hétérogène, et plusieurs chasubles rouges de la CGT défilent en tête de manifestation, aux cotés de lycéens et de manifestants masqués. Au bout de 200 mètres à peine de défilé, surprise. Un énorme dispositif policier forme subitement un étau en haut de la rue de Strasbourg. Ce sont deux puis trois nasses qui enfermeront des centaines de manifestants pendant plusieurs heures, en plein cœur de Nantes. Un événement inédit, le tout survolé à très basse altitude par l’hélicoptère et son bruit assourdissant.

Menaces, insultes, coups de boucliers se succéderont pendant le temps de la nasse. Au faciès, la BAC kidnappe les personnes dont le visage ne lui reviennent pas au milieu de la foule. Certains flics étranglent même, hilare, des manifestants sous le regards médusés des passants. Plusieurs médic, chargés de soigner les blessés et clairement identifiés comme tels par des casques et des croix rouges sont embarqués d’entrée de jeu. D’autres se verront voler l’intégralité de leur matériel de soins. Une jeune femme de 16 ans est emmenée en pleurs. Un drapeau de la CGT est arraché par la BAC. Chasubles rouges face aux uniformes bleus. Jeunesse contre boucliers. L’objectif est clair : tester à Nantes une nouvelle technique pour terroriser celles et ceux qui luttent. C’est d’ailleurs ce que déclare sans détours un flic à une passante : «ça va les calmer, c’est le but du jeu».

Mais la manœuvre ne prend pas et les slogans continuent à résonner même enserrés entre des rangées de boucliers. Les deux groupes nassés se répondent parfois, en rigolant. On clame : « État d’urgence, État policier, on nous enlèvera pas le droit de manifester. » Des chants de lutte sont entonnés.

Finalement, aux alentours de 20H, les dernières personnes sortent de l’étau, après avoir été méthodiquement fouillées, contrôlées et filmées une à une. Fichage général. Le bilan est lourd : 15 gardes à vue. Quelques dizaines de manifestants refusent encore de se disperser face aux rangs de policiers. Un projectile vole. La police riposte par un lancer de grenades lacrymogènes particulièrement violentes. La police annonce dans la soirée plus de 20 interpellations.

Plus tard, un rassemblement s’improvisera devant le commissariat, en soutien aux interpellés.

C’est donc une nouvelle facette de la violence d’État qui s’est dévoilée le 9 juin à Nantes : une violence froide et implacable, qui vise à étouffer la manfifestation et faire peur. Une garde à vue à ciel ouvert, à la vue de tous. Les amis de l’Ordre, ceux qui rêvent d’une ville au service du commerce et de la marchandise seront content : alors que la répression s’acharnait sur un morceau de la rue de Strasbourg, tout restait sous contrôle ailleurs. Les terrasses ensoleillées bondées, la consommation battant son plein.

Cette nouvelle intimidation ne suffira pas. Les blocages et les initiatives se multiplient, comme on a pu le voir quelques heures plus tôt sur le périphérique. Mieux, une journée de lutte massive se profile le 14 juin, alors que l’Euro 2016 commence et que tous les regards seront braqués sur la France.

La lutte continue !