C’est à 21h00, samedi 14 mai, que deux gardiens de la paix se sont rendus au domicile de la mère de NnoMan. Ils demandent à le voir afin de lui remettre un courrier. N’habitant plus au foyer familiale depuis plusieurs années, la police refuse de laisser le courrier à sa mère et lui explique qu’il est interdit de manifestation car «  assimilé casseur »

C’est le lendemain à 10h30 que NnoMan se rend de lui même au commissariat de la ville de sa mère pour récupérer le courrier et comprendre la situation.

C’est un arrêté du Préfet de Police qui stipule « Considérant que [NnoMan], a été remarqué, à de nombreuses reprises, lors des manifestations contre, notamment, les violences policières et le projet de réforme du code du travail ; que ces manifestations ont dégénéré en troubles graves à l’ordre public et notamment des affrontements violents avec les forces de l’ordre ; que des groupes d’individus masqués et portants des casques sont systématiquement à l’origine des ces désordres ; qu’il y a dès lors, tout lieu de penser que la présence de NnoMan aux rassemblements organisés contre le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs vise à participer à des actions violentes. » Le passage est clair : la préfecture de police considère (ou du moins le fait croire), que NnoMan est impliqué dans les affrontements avec la police.

Nous attendons les preuves qu’ils ne pourront jamais fournir !

NnoMan, comme d’autres reporters, est clairement identifiable lors des manifestations, notamment par le port quasi systématique d’un casque siglé TV. De plus, sa communication sur les différents réseaux sociaux et les publications presse qui suivent chaque manifestation sont bien la preuve qu’il est là pour informer sur les faits et pas autre chose.

L’arrêté liste les horaires, les arrondissements et les rues dans lesquelles NnoMan ne peut pas se rendre. Il est ainsi précisé que «  NnoMan est interdit de séjour le mardi 17 mai 2016, entre 11h00 et 20h00 dans les 6eme, 7eme, 14eme et 15eme arrondissements de Paris, et, de 18h00 et jusqu’à 07h00 le lendemain, dans le périmètre autour de la place de la République ( délimité par une liste de voies) »

Nous avons fait immédiatement appel à Me Hosni Maati, avocat au barreau de Paris pour contester cet arrêté injustifié devant le tribunal administratif dans le cadre d’un référé liberté.

En effet, NnoMan, qui couvre depuis le début la quasi totalité des événements liés au mouvement social actuel ne doit pas être entravé dans son travail journalistique. Nous savons qu’aucun fait n’est et ne peut être reproché à NnoMan, qui ne fait que son travail de photo-reporter.  Si être présent, sur le terrain, devient un motif d’assignation, alors, le Collectif OEIL estime que c’est une véritable dérive pour la liberté de la presse ainsi que la liberté de circuler des individus.

Depuis le début du mouvement contre la loi travail, plusieurs reporters ont été blessés par la police, cette fois, la préfecture passe à une étape supérieure. Nous le comprenons comme une volonté politique de réduire au silence des journalistes indépendants.

Si la Préfecture peut interdire l’accès mardi 17 mai à NnoMan, alors il est à craindre que manifestation après manifestation, reporter après reporter des entraves à la liberté d’expression seront de nouveau imposées. Cette tentative d’intimidation est insupportable et nous ferons tout le nécessaire, systématiquement, pour ne pas laisser ces agissements sous silence.

Nous remercions celles et ceux qui suivent notre travail et qui nous font confiance.

Celles et ceux qui savent que nous n’aspirons qu’à apporter une information qui vient du terrain, un récit sur celles et ceux qui luttent pour la dignité humaine.

Nous ne nous laisserons pas atteindre moralement par ces agissements qui ont pour seul but de nous déstabiliser et de nous freiner dans notre travail.

Nous continuerons, malgré un contexte particulièrement contraignant, à parcourir la rue pour vous en montrer sa réalité.

Ils ont voulu nous porter un coup bas, ils n’ont fait que renforcer notre détermination.

Ils ont voulu nous faire douter, ils ne font que nous conforter sur une chose : nous sommes sur le bon chemin.

Nnoman, Julien Pitinome, Eros Sana – Collectif OEIL