JUGE : Constance Desmorat
PROCUREURE : Sandrine CODEVELLE
AVOCATE des flics : Annie Hupé

Les audiences se déroulent dans une ambiance tendue, des flics en civil sont présents, sourire aux lèvres, attitudes et propos provocateurs. La CDI est là aussi, avec le comportement qu’on leur connaît (intimidations, provocations…). A noter aussi la présence d’un certain nombre de flics du tribunal (ces derniers temps ils n’étaient qu’un ou deux à traîner aux compas, là ils sont 4 ou 5…)

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S. est accusé de :
– participation avec arme à un attroupement par personne dissimulant volontairement son visage afin de ne pas être identifiée (un pavé a été trouvé dans sa poche par les flics)
– violence sur personne dépositaire de l’autorité publique sans ITT (jet d’un ballon de baudruche contenant de la peinture au pied d’un flic à moto)

2 flics parties civiles.

Il accepte la compa. La juge fait un résumé de la manif du 12, d’après le PV d’ambiance fait par les flics. S. ne reconnaît pas les violences ni la dissimulation de son visage. Il explique que le pavé lui a été donné et qu’il ne s’en est pas servi. Concernant le projectile, il dit qu’il s’agissait d’un ballon avec un peu de peinture à l’eau et que c’était de la riposte pacifique. La juge est en mode proviseure, elle s’énerve et finira même par lui crier dessus. L’avocat de S. n’intervient pas, il laisse S. se faire engueuler.

L’avocate des flics demande des dommages et intérêts pour la blessure psychologique liée à l’humiliation qu’éprouvent les flics à être recouverts de peinture (alors même que son client n’en a pas reçu…). Elle demande que le montant accordé soit le même s’il avait été blessé mais n’en précise pas la somme.

La proc nous sert un discours sur la liberté de manifester et le fait que les flics sont là pour protéger les manifestant-e-s, les commerces, et même parfois les casseurs. Elle rappelle qu’un tribunal de la même composition (mêmes juge et proc) a déjà condamné à du ferme et demande 3 mois ferme avec mandat de dépôt + interdiction de port d’arme + interdiction de manif.

L’avocat de S., commis d’office, demande la relaxe sur les violences, sur la dissimulation de visage. Il dit que s’il doit y avoir une condamnation, qu’il n’y ait pas de mandat de dépôt « il y a d’autre moyens que le mandat de dépôt pour demander à quelqu’un de ne pas avoir de pierre dans sa poche ». Comme il demande la relaxe sur les violences, il demande aussi qu’il n’y ait pas de dommages et intérêts pour les flics.

Décision du tribunal :
3 mois assortis d’un sursis avec 18 mois de mise à l’épreuve : obligation de trouver un emploi ou une formation + obligation d’indemniser les victimes. Il écope aussi d’une interdiction de port d’armes et 300€ sont accordés aux flics pour le préjudice moral (=600€).

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G. est d’accusé de :
– violence sur personne dépositaire de l’autorité publique sans ITT (jet de pavé)
– participation avec arme (marteau, burin, raquette de tennis)  par personne dissimulant volontairement son visage afin de ne pas être identifiée
– port d’arme blanche de catégorie D
– ne pas avoir respecté l’arrêt préfectoral qui interdisait de transporter tout objet pouvant constituer une arme par destination

2 parties civiles (BAC, dont un qui est en uniforme habituellement -> il y a une équipe de BAC en tenue à Nantes ?)

Les PV des flics se contredisent sur quelques points (par exemple l’un parle d’un sac à dos, l’autre d’un sac plastique). Pendant l’interrogatoire en garde à vue il a réussi à expliquer la présence d’un certain nombre d’objets dans son sac et à ne pas reconnaître les faits qui lui sont reprochés.
La juge s’adresse maintenant à lui. Elle lui parle de manière très agressive, se fout ouvertement de sa gueule. Sa volonté de la juge est très clairement de le déstabiliser. Une assesseure passe son temps à hausser les sourcils et soupirer à chaque fois qu’il ouvre la bouche, avec un air blasée. L’ambiance plus qu’hostile met G. en difficulté et il va commencer à reconnaître une partie de ce qui lui est reproché et dit qu’il a voulu faire comme tout le monde, pour s’intégrer. La juge lui reproche notamment d’être venu en découdre avec les flics, pour preuve la trousse de secours trouvée dans son sac (G. est secouriste).

L’avocate des flics dit qu’il n’est pas là par hasard, que les flics l’ont ciblé et pas quitté des yeux ensuite. Elle fait une blague incompréhensible sur le terme cible et dit qu’elle va arrête la les jeux de mots avec « cible ». des flics fait son blabla habituel sur les pauvres BACeux qui ne sont que très peu équipés, qui ont peur en manif (ça c’est pour le préjudice moral). Elle ajoute que dans les manifs ils se prennent de la peinture, des tirs de mortiers, des cocktails Molotov, des bouteilles d’acide, tout ça avec leur vêtements personnels (et ça pour le préjudice matériel). Elle ne dit pas le montant des dommages demandés.

La proc dit qu’avec son équipement, il a tout l’air de quelqu’un d’organisé, dans un groupe. Elle demande à ce qu’il soit condamné sur tout ce qui lui est reproché, à hauteur de mois ferme avec mandat de dépôt + interdiction de port d’arme + interdiction de manif pendant 2 ans.

L’avocate de G., commise d’office, dit que le contexte fait que les flics agissent dans la précipitation (sous-entendu : ils peuvent se tromper). Elle redit qu’il est venu soigner d’éventuels blessés et que l’équipement trouvé dans son sac n’était pas là pour commettre des « violences ». Elle pointe des incohérences dans les PV des flics et note que la proc est particulièrement sévère. Elle demande que la peine ne soit pas fonction du contexte, demande qu’il n’y ait pas de mandat de dépôt. Elle propose des TIG et rappelle que G. est payé au smic et a des dette et qu’il faut le prendre en compte pour les dommages et intérêts.

Décision du tribunal : coupable sur tout les faits qui lui sont reprochés. 3 mois de sursis simple, interdiction de porter des armes pendant 3 ans + 25€ d’amende + 300€ de dommages et intérêts pour chaque flic (=600€).

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L. est accusé de :
– port d’arme blanche de catégorie D (tazer et couteau)
– ne pas avoir respecté l’arrêt préfectoral qui interdisait de transporter tout objet pouvant constituer une arme par destination

Il accepte la compa. La juge résume la version des flics.
L. fait partie des personnes qui se sont faites interpeller avant la manif. Il est conduit en garde à vue.
En interrogatoire et devant la juge, il donne une explication à chacun des objets trouvés dans son sac (il est charpentier/menuisier et avait travaillé le matin). Il explique aussi qu’il a emporté le tazer parce qu’il s’est déjà fait agressé, et qu’il avait peur de rentrer seul. Le fait qu’il puisse expliquer la présence de chaque objet énerve beaucoup la juge.
« vous avez une explication pour tout, mais vous comprenez bien le lien que je fais entre le matériel dans votre sac et les dégradations en manifestation ?
– Oui maintenant, mais sur le moment  j’en avait pas conscience. »
Encore quelques questions pour essayer de lui faire dire qu’il était venu dans l’intention de commettre des dégradation, mais L. n’était pas à la manif. Les possibilités de le charger sont moins nombreuses que pour les personnes qui comparaissaient tout à l’heure. Elle se met alors à se foutre de sa gueule sur le fait qu’il gagne 1300€ et vit chez ses parents… vérifiant au passage comment L. dépense son argent dans l’éventualité de lui coller une amende.

La proc trouve qu’il a de la chance de s’être fait arrêter avant la manif et que vue son équipement, il n’y a pas de doute quand à sa participation aux dégradations… Elle s’interroge sur le fait qu’il soit inséré (il fait de l’intérim) et qu’il ne se contente pas de manifester pacifiquement.
Elle demande 105h de TIG à effectuer dans les 18 mois sinon ils seront convertis en peine d’1 mois de prison ferme. Elle demande aussi une amende de 38€ et l’interdiction de porter des armes.

L’avocat, commis d’office), rappelle que tout ce qui a été trouvé sur lui est explicable, qu’on ne peut pas le condamner pour des trucs qu’il n’a pas fait mais aurait pu faire. Il dit aussi que L. savait pourquoi il venait à la manif et que le fait d’avoir de quoi se protéger des gaz (eau citronnée) ne voulait pas dire qu’on allait aller au contacter des flic.Il explique que tout le monde est susceptible de se faire gazer en manif. Il insiste sur le fait que son client est « inséré » et que l’interpellation, la garde à vue, les geôles du tribunal et le procès sont déjà une sanction suffisante. Il demande une peine de sursis simple.

Décision du tribunal : coupable sur tous les faits. 250€ d’amende délictuelle + 75€ d’amende.

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Bilan provisoire des interpellations du 12 mai (sources : tribunal + presse)
21 interpellations qui ont débouché sur :
– 21 gardes à vues
– 7 personnes seraient ressorties avec un rappel à la loi
– 7 personnes seraient sorties avec des convocations pour des procès en correctionnelles + tard
– 3 personnes sont passées en comparution immédiate le 13 mai
– 2 personnes qui passerait peut-être en comparution immédiate mardi 17 mai
– 1 personne écrouée, mise en examen pour tentative d’homicide (d’après ouest-france, il lui est reproché d’avoir participé aux violences sur le flic qui avait été blessé le 3 mai)
– 1 personne aurait été relâchée sans poursuites (d’après une journaliste rencontrée près de Waldeck)

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Bilan au 12 mai des interpellations à Nantes depuis le début du mouvement :
– 10 mars : 5
– 17 mars : 3
– 24 mars : 19
– 31 mars : 16
– 5 avril : 15
– 9 avril : 6
– 14 avril : 18
– 20 avril : 7
– 28 avril : 41
– 6 mai : 14
– 12 mai : 21
– 8 personnes arrêtées hors contexte de manif à qui il est reproché des infractions liés aux manif (violences, Go Sport, voiture brûlée)
– 10/11 mai : 5 (à confirmer)

On arriverait donc à 178 interpellations depuis le 10 mars