Pendant deux semaines, Laura Jarry, journaliste chez Ouest France encombre la messagerie de Nantes Révoltée en ces termes : «je souhaite réaliser un papier sur les pages nantaises en ligne de lutte et résistance», elle ne reçoit pour seule réponse qu’un silence gêné.
Presque quotidiennement, alors qu’elle n’obtient aucun retour, la journaliste harcèle notre équipe avec des messages mielleux de ce type : « Nous tenons véritablement à avoir une discussion avec vous : votre présence en ligne est plus qu’importante aux yeux des Nantais, notamment de la jeune génération ». Après une série d’échecs, la même journaliste joue la carte de la pluralité : « Je me permets d’insister. Souhaitant donner la parole à tous, je me suis adressée à un certain nombre de groupes actifs sur Nantes» et insiste sur son «éthique et [sa] volonté de donner la parole à chacun.»

En guise de test, nous réclamons un droit de regard sur ce qui sera publié, et l’anonymat des témoignages. Malgré ses promesses, la journaliste piétinera immédiatement ces conditions en tentant lourdement et sans succès d’obtenir des noms (pourquoi ?), et en refusant toute relecture de son article. « Justice et vérité », tel est la devise figurant quotidiennement en « une » du journal.

Le rendu final est donc édifiant. Au delà des attentes. Nantes Révoltée, qui rappelons le n’est qu’un média relayant les luttes locales, est transformé artificiellement en secte armée « attisant les tensions », manipulant les lycéens et «organisant» les émeutes. Comme si la jeunesse de Nantes n’était pas capable de se révolter toute seule !

Bien entendu, à aucun moment la question des violences policières (toujours mises entre guillemets) ou de l’injustice sociale – à l’origine de toutes les confrontations – n’est posée. Nous sommes plus proches de la farce que de «l’investigation». La journaliste, prise dans on ne sait quel délire malsain, va jusqu’à accuser les rédacteurs de Nantes Révoltée de rester « trois rangs derrière » dans les cortèges et de « contrôler l’ensemble » des manifestants ! Un tel niveau de mythomanie est vertigineux ! On ne sait s’il faut rire ou pleurer. Faut-il expliquer aux journalistes qu’une manifestation ne fonctionnera jamais comme les escadrons hiérarchisés et casqués de leurs amis policiers ?

Dans cet article d’une insondable médiocrité, rien ou presque ne reste de la longue interview gracieusement offerte à cette journaliste à la déontologie impeccable. Toutes les citations, ou presque, sont tronquées. Pire, la majorité de l’article relaie, sans aucun recul, la parole d’un policier anonyme qui peut déballer ses fantasmes délirants, à base de «lieutenants» qui enverraient des lycéens « en première ligne face aux forces de l’ordre». L’affaire est entendue, il ne s’agit donc pas d’un article sur les «pages de lutte et de résistance» mais bien d’un dossier à charge, dicté par la police de Nantes.

Pire encore, sur la même page, un groupuscule néo-nazi – Défend Naoned – composé d’une dizaine de vendéens et de supporters racistes se voit offrir une tribune complète sans aucun recul critique. Ainsi, la page d’extrême droite se voit attribuer un article rien qu’à lui : plus de 925 caractères de citations – contre 576 caractères pour Nantes Révoltée – , sans aucune contradiction apportée à son discours. Complaisance totale. Salir celles et ceux qui luttent, privilégier l’extrême droite : la ligne éditoriale du journal est on ne peut plus claire.

Cette expérimentation politique et sociale sur le journalisme nantais s’est donc révélée concluante, et confirme une vieille leçon : ne jamais répondre à la presse policière. Merci quand même à Laura Jarry : on a bien rigolé !

Heureusement, la vraie vie est loin des colonnes de Ouest-France. Développons nos propres médias, construisons des luttes autonomes !

Juste pour rire, l’article complet ici : http://www.nantes.maville.com/actu/actudet_-comment-nantes-revoltee-donne-le-ton-des-manifs_fil-2972256_actu.Htm