1ère partie

Voté en Assemblée Générale la veille, le blocus de la fac Segalen devait permettre aux étudiant-e-s tenu-e-s par le système répressif mis en place par l’Université de venir défiler lors de la manifestation nationale initiée, entre autre, par des syndicats étudiants. Un tract a alors été rédigé et partagé au sein de la fac, dans le but d’informer les étudiant-e-s et de faire de la pédagogie sur les luttes et sur l’intérêt du blocus. En clair, le collectif de grévistes a voulu jouer franc-jeu.

Bien mal leur en a pris.

Tôt dans la nuit du 17/03, plusieurs étudiant-e-s et sympathisant-e-s se rejoignent pour prospecter dans les poubelles et les bennes de quoi faire un blocus. Ce qui est recherché en priorité : palettes, chutes de bois, barres de fer, chaînes, mobilier cassé, etc… Plusieurs petits groupes sont constitués. Très rapidement, la BAC se met à rôder, ralentissant au niveau d’un premier groupe, puis d’un second… Alors qu’ils/elles viennent de fouiller une benne à ordure sur un chantier ouvert, dans laquelle ils/elles ne trouvent rien, un groupe de 4 personnes voit débarquer une voiture banalisée suivie d’un fourgon de la police. Autant dire qu’ils/elles sont suivi-e-s depuis un certains temps, et que les keufs savent très bien ce qu’ils/elles cherchent ! Le groupe, composé de trois mecs et une meuf, est tout de suite interpellé, et deux gars sont mis au sol et menottés alors qu’ils n’opposent aucune résistance. Le ton de la journée est donné.

Sur place ou à emporter ?

Lors des GAV (Gardes A Vue), les pressions habituelles sont utilisées : intimidations, mensonges, privations de sommeil, etc... On leur demande dans quelle mouvance ils/elle s’inscrivent, ce qu’ils/elles comptaient faire avec des parpaings, si c’était pour casser les vitres de la fac… Pendant leur détention, un flic dit à l’un-e d’entre elles/eux qu’ils étaient au courant pour le blocus et qu’ils les recherchaient
Depuis quand peut-on passer des commandes à la police ?

– Oui, bonjour, je voudrais faire enfermer des jeunes qui veulent bloquer la fac.
– Bien sûr, c’est sur-place ou à emporter ?

Aux ordre de qui les flics ont-ils/elles agit ? Du président de l’UBO, Pascal Olivard bien sûr ! Ce même homme qui n’est jamais descendu de sa tour d’ivoire pour parler avec les grévistes ! Et comme premier signe d’intérêt pour elles/eux, que fait-il ? Il appelle la police et s’en sert comme milice privée ! De plus, il faut savoir que seul le président de l’Université peut autoriser les flics a pénétrer dans la fac et ceci depuis le Moyen-Âge : c’est ce qu’on appelle « la franchise Universitaire », qui en fait un endroit à part, ni lieu public, ni lieu privé, où sont garanties la liberté d’opinion et l’indépendance des facultés. Ce droit a été réitéré dans la loi Pécresse (L 712-2 du code de l’éducation ). Il n’y a donc aucun doute : Olivard est un collabo de cet État d’Urgence qui traite tout dans l’urgence, au mépris du bon sens et des droits fondamentaux.

Au milieu de la nuit, tous les groupes se rejoignent aux abords de la faculté avec une partie de la récolte. Première surprise, et de taille, deux voitures de condés dont une banalisée, sont garées en bas du parvis. Les étudiant-e-s comprennent que le blocus est compromis… Mais pas leur nuit ! Ils/elles décident de jouer avec eux au chat et à la souris, s’avancent tou-te-s ensemble vers eux, tranquillement, puis se mettent à courir d’un coup, vers la Place de la Liberté. Les fonctionnaires ne comprennent rien, sont débordé-e-s, fautes d’avoir lu dans leur manuel quoi faire dans ce cas précis. Et sans ordre de la hiérarchie qui plus est… Le groupe d’étudiant-e-s voit arriver les renforts et comprennent que ça devient plus sérieux. Dégoûté, le groupe décide d’aller vers elles/eux, et de s’installer sur les marches du parvis.

« Allez, va jouer ailleurs, casse toi ! »

Un cordon d’une dizaine de flics bloque le passage, gazeuses et matraques à la main, tazers et flingues à la ceinture  :
– Vous vous rendez compte que vous empêchez l’accès de la faculté à des étudiants ?
 Allez, allez, va jouer ailleurs, [toi]. Casse toi.

Ambiance.

Alors que le jour se lève, des lycéen-ne-s rejoignent leurs camarades de lutte installé-e-s face aux flics. Les premières voitures et les premières personnes (la France qui se lève tôt, mais plus tard que les » jeunes-anarchistes-autonomes ») regardent la scène d’un air étonné. Il y a de quoi : pas de banderoles, un seul drapeau, rouge, apporté par les lycéen-ne-s, pas de barrière ou de palette, pas de battes de base-ball ou de fusil à pompe… Non, juste un groupe de personnes qui, vu le dispositif, doit leur foutre sacrément les jetons.

Vers 7 heures, la présidence de l’UBO est réunie derrière le cordon de flics, loin des manifestant-e-s. Pas un regard, pas un mot pour leurs étudiant-e-s : le mépris est total…
Alors que quelques jours auparavant, le doyen, Jean-Yves Le Disez, assurait que les étudiant-e-s étaient ici chez elles/eux, les voilà mis-e-s à la porte.

Cette expropriation passe mal et la présidence devra se justifier un jour ou l’autre.

Les premier-e-s étudiant-e-s arrivent, ralentissent à la vue des flics. Certain-e-s s’arrêtent pour parler aux étudiant-e-s, d’autres filent tout droit sans un regard . Les premier-e-s sont systématiquement refoulé-e-s par les condés, les second-e-s passent sans problème. Un homme aux cheveux long est arrêté, interrogé par un flic : c’est clairement un contrôle au faciès. Un des manifestant-e-s s’avance et demande à passer. On lui rétorque : « Tu vas me dire que t’es étudiant ? T’es bien trop vieux ! Allez, casse-toi ! » Et pourtant, il est en 6e année de médecine… Preuve du degré d’abrutissement des flics, qui ne sont pas payé-e-s pour réfléchir (ça se saurait…), mais pour obéir aux ordres.

Toute cette mascarade prend fin à 8h, soit trente minutes après l’ouverture officielle de la fac, trente minutes où les étudiant-e-s en lutte contre la loi Travail sont traité-e-s différemment des autres étudiant-e-s car une lutte est menée… Elles/ils font face à une répression politique féroce. On peut donc se dire qu’elles/ils sont, pour les soldats de l’État, la représentation concrète de la fin d’un temps, le leur, et qu’ils/elles essayent désespérément de repousser l’échéance fatale.

Fin ?

Pas vraiment. Une fois à l’intérieur des locaux, une autre surprise attend les grévistes. Tout le mobilier a disparu : le hall ressemble à un entrepôt vide, symbole des crispations de l’administration face à un mouvement qu’ils/elles ne connaissent pas, ne maîtrisent pas, que leurs toutous syndicalisés n’arrivent pas a récupérer, malgré les nombreuses tentatives, avortées. Quand la récupération est impossible, il reste la destruction. Mais comment détruire un mouvement sans chef, sans nom et à ce point déterminé ?

Autre sale surprise : les keufs sont toujours là. En l’espèce, les RG, qui rôdent dans le hall, sont rapidement identifiés : « Je suis en doctorat. » nous dit l’une d’entre elles/eux.

Sous couvert d’État d’urgence, l’État et toutes ses composantes s’octroient le droit de faire n’importe quoi. Au delà de toute raison, ils/elles se servent de tous les moyens répressifs possibles et sortent le lance-rocket pour tuer une mouche. À leurs yeux, ce mouvement n’est pas légitime car trop peu nombreux-ses, ne représente rien, mais est tout de même assez fort pour mobiliser pendant presque 6 heures une quinzaine de flics, sans compter les RG, et provoquer l’évacuation du hall !

Il ne reste plus qu’aux étudiant-e-s de préparer la riposte  : une lettre ouverte qui demande des réponses, un tract d’information, la distribution d’une photo du cordon des bleues au petit matin qui bloquent le passage et la mobilisation de toutes les forces.

Leur système tient debout seulement grâce à nous. Nous serons sans pitié.