Dès l’aube, la plupart des lycées de Nantes, qu’ils se situent en périphérie ou dans le centre-ville, sont bloqués. Dans la matinée, ça s’agite dans toute la ville. Un cortège défile au pas de course sur la Place Mellinet pendant que des affrontements éclatent devant le lycée Monge au nord de Nantes, où une voiture est retournée après une attaque de la police. Devant le lycée Jules Verne, dans le centre, des fils de patrons agressent les bloqueurs en jetant des œufs et en distribuant des coups.

Pendant ce temps, à l’université, une Assemblée Générale vote une série de revendications, notamment la solidarité active avec les lycéen-ne-es en lutte, la fin de l’état d’urgence, le soutien aux mobilisations contre les projets inutiles et la grève. Un tracteur venu de Notre-Dame-des-Landes est justement garé devant l’amphithéâtre occupé par les étudiants. A midi, on pourra y déguster des galettes préparées avec des ingrédients cultivés sur la ZAD et faire vivre la convergence des résistances.

Un peu plus loin, avant midi, le rond point devant le lycée Michelet est dépavé. Il n’y a plus une seule vitre intacte devant le lycée professionnel. Apparemment l’ambiance a été tendue : grenades lacrymogènes contre poubelles en feu.

13 heure, jonction entre un cortège lycéen et les étudiants aux abords de la fac. Défilé jusque dans le centre ville pour rejoindre la manifestation. Les locaux du MEDEF sont constellés de peinture pour la deuxième fois en une semaine.

14 heure pile, le cortège syndical a déjà démarré, presque en avance. Le bloc lycéen et étudiant se fond dans la masse. Il y a encore beaucoup de monde dans les rues de Nantes. Sans doute 10 000 personnes, en tout cas plus que les estimations de la préfecture et de la CGT. La foule est dense, l’ambiance énergique. Assez vite, une partie du cortège « jeune » remonte le défilé. On se rend alors compte que tout le monde marche derrière une grande banderole comportant les logos du Parti Socialiste, des Jeunesses Communiste et de l’UNEF ! Autour de cette banderole se groupent plusieurs gros bras au crane rasé avec des brassards et l’air patibulaire. Des flics ? Non, le Service d’ordre de la CGT. Pour beaucoup, c’est une provocation alors que la manifestation est une initiative lycéenne et étudiante indépendante. Une altercation éclate alors entre le Service d’Ordre de la CGT qui protège la mairie – et dont la vitre est recouverte de peinture –, et un groupe de manifestants masqués et de lascars. Dans une certaine désorganisation, le cortège repart de plus belle. Le Parti Socialiste et ses alliés resteront derrière.

Ce petit flottement n’a pas entamé la détermination des manifestants qui remontent la rue du Calvaire à toute vitesse en hurlant. Des vitrines de banque sont brisées, des taggs fleurissent au coin des rues. Arrivé Place Graslin, une partie du cortège de tête redescend vers la Place du Commerce alors que le gros de la manifestation est bloqué par des charges de la police. La BAC et les CRS viennent de tirer des lacrymogènes sur le cortège, ils reçoivent quelques feux d’artifice en réponse, des manifestants sont arrêtés. Une femme est rouée de coups au sol, des pacifistes sont gazés.

Ça continue. Après s’être recomposée, la manifestation est de retour à son point de départ, mais personne ne veut en rester là. On repart pour un deuxième tour, vers la Préfecture, puis vers le commissariat central Waldeck-Rousseau pour réclamer la libération des manifestants arrêtés. Rue de Strasbourg, un groupe de 20 fachos qui fanfaronnent et essaient d’agresser des personnes isolées se fait magistralement bolosser par des manifestants jeunes ou plus âgés, mecs de cité ou syndicalistes. Il doivent fuir à pleine vitesse.

Le défilé suit le cours de l’Erdre. On se rend alors compte que nous se sommes pas des centaines mais plusieurs milliers à aller assiéger le commissariat pour faire libérer les inculpés. Quai Barbusse, un barrage policier empêche l’accès au bâtiment. Un groupe s’avance mains en l’air vers la police, celle-ci riposte par un envoi massif de grenades lacrymogènes en tir tendu. La rue est saturée de gaz, mais tout le monde tient bon. Une barricade de fortune est montée entre les charges et les salves massives de lacrymogène. Une deuxième tentative de barricade avec des pavés est à nouveau attaquée. Dans la foule, on voit aussi bien des silhouettes tout en noir, que des lycéennes en talons tenir tête à la police. Le face à face dure une bonne heure, durant laquelle il y aura plusieurs blessés par des tirs de balles en caoutchouc et de grenades envoyées en tir tendu. Il est évident que l’État veut engager la confrontation.

Finalement, le cortège bien moins nombreux mais toujours motivé, repart vers le quartier Bouffay. Dans le défilé, on continue à crier, à applaudir, à tagger. La manifestation échoue finalement à la croisée des tram, ou un camion de la CGT passe de la techno. Des centaines de policiers viendront charger une heure plus tard les dernières personnes restées danser ou boire un verre sur place, comme s’il n’y avait pas eu assez de répression ce jour là. Au cour de la journée, on dénombre au moins 7 arrestation et plusieurs personnes hospitalisées, notamment blessées à la tête, suite à des violences policières.

A la nuit tombée, une soirée aura lieu dans l’amphithéâtre C de la fac de lettre, occupé par les étudiant-e-s.

Ce 17 mars, à Paris, Rouen, Strasbourg, Rennes ou Marseille, des dizaines de milliers de personnes ont à nouveau repris la rue, crié, créé, tenu tête à la police. Des centaines de lycées ont été bloqués, des dizaines d’université sont en mouvement. Les lycéen-ne-s sont le moteur de ce mouvement, bravo à eux pour leur courage !

La mobilisation est de plus en plus forte et de plus en plus déterminée. Faisons des prochaines journées de mobilisation, les 24 et 31 mars, des temps fort dont les gouvernements se souviendront longtemps !

Pour un printemps de lutte !

[Merci à Axel Clergeau, Nig et les autres pour leurs photos. N’hésitez pas à corriger ou compléter ce récit]