Nous avons eu tout le temps et le loisir de réfléchir (sur) le travail et les thématiques qui y sont associées. Le premier constat que nous avons porté est que l’imaginaire social est particulièrement étroit et pauvre, pour ne pas dire carrément « bas de plafond ». La norme en vigueur étant le fruit de la domination d’une idéologie, nous l’observons, la dépiautons dans le but de construire une autre proposition. Cet article est celui des constats ; nous tenterons d’y décrire à notre façon le mode de vie en vigueur, cette norme aussi affligeante que perverse. Il sera suivi d’un second billet qui aura quant à lui pour but d’envisager d’autres possibles.
Nous n’avons pour autant pas vocation à maintenir ces mots à l’état de quelques lignes sur un écran. La preuve par le fait est certainement la meilleure rhétorique à adopter face à la médiocrité imposée depuis « en haut ». Ce qui suit est l’intro d’une invitation reprendre en main nos vies.

L’EDUCATION A LA DOCILITE ET L’ARGENT COMME APPAT

Il paraît tout à fait « normal » que l’école forme les employéEs de demain, que l’on y apprenne la soumission, la compétition, et que très tôt le tri s’opère entre « scolaires » et « non scolaires » ; tout à fait normal aussi que, dès toutE petitE, unE gosse doive se triturer la cervelle pour avoir une idée de ce qu’ille veut faire de sa peau. Le but parental est noble : On cherche généralement à armer sa marmaille afin qu’elle puisse faire sa place et survivre. Seulement, dans un monde hostile et sur le déclin, la vie à laquelle on la condamne a clairement des allures de sélection naturelle…

Du paradigme de l’éducation: https://www.youtube.com/watch?v=e1LRrVYb8IE

Quoi de plus logique pour unE jeune adulte que de vouloir quitter le nid et « faire sa vie »? MuEs par le désir d’accomplissement de soi, on scelle un pacte avec la société et sa représentation étatique : On s’engage à gagner sa vie (comme si l’on ne l’avait pas déjà…Salut Boris), à sacrifier son temps, son énergie, parfois même ses valeurs, pour assurer sa subsistance et celle de son foyer tout en participant à la répartition des richesses (entendre par là , « de l’argent ») entre touTEs les habitantEs d’un territoire donné (commune, département, région, État). Respecter ce pacte est communément considéré comme le sésame pour la dignité. Ça nous dit aussi qu’être au chômage ou aux minimas sociaux (et donc de bénéficier de la « redistribution ») est tout bonnement abjecte.
Tout ce dont nous avons besoin pour vivre se paye en monnaie étatique. Rien n’est (à priori) gratuit, nous payons donc pour avoir un toit, nous nourrir, avoir accès aux soins, accès à l’eau, aux énergies, à la culture… avoir la possibilité de se déplacer aussi. Les nécessités basiques, ce qui est vital pour toute personne, sont donc ramenées au rang de marchandises. Recevoir de l’argent en contrepartie de son temps et de sa force de travail (physique ou cérébrale) transforme le temps et la force de travail en des marchandises comme les autres. On paie pour (avoir l’illusion d’)être tranquilles, pour (avoir l’impression d’)être libres, parce que payer c’est « être digne ».
Quand on peut payer sans se poser de questions au delà de couvrir ses besoins de base, on peut s’offrir la possibilité de s’échapper temporairement de cette vie de chien (pov’ bête). La consommation à outrance (le consumérisme) satisfait la recherche du plaisir immédiat. On s’entichera alors de tout un tas d’objets inutiles, et l’on aura besoin de meubler les temps de repos avec des loisirs marchands (faire les magasins, partir vite et loin…) pour mettre à profit le temps perdu à bosser , justifier qu’on bosse. Pire encore,les distractions concentrées dans le temps d’un week-end ou de 5 semaines de congés payés par an permettent de gagner en rentabilité au travail…
En permanence, on cherchera toujours plus de sécurité, « Saint Graal » d’un monde ou l’incertitude fait loi. Et quoi de plus rassurant que de posséder l’endroit où l’on vit ; être propriétaire, percevoir des loyers (une rente quoi…). Comme rares sont les fois où les personnes laborieuses (condamnées à s’activer pour subsister) ont les financements pour accomplir leur rêve de propriété liberté elles s’en retournent généralement vers leur banque pour qu’elle leur accorde un crédit. La boucle est alors bouclée ; il faut rembourser pour acquérir officiellement cet appart’ ou cette maison qu’on désirait tant (et qui devait initialement nous faire nous sentir libre) et donc conserver l’activité qui génère le revenu qui a permis l’emprunt.
La « liberté » a un prix et l’addition est sérieusement salée!

COMPETITION ET ASCENSION SOCIALE

Nous vivons à l’ère de la méritocratie; La compétition effrénée amène à renvoyer celleux qui échouent ou font preuve de moins d’ambitions à leurs responsabilités. L‘individualisme est une vertu et la solidarité, une tare. L’ État (prétendument) collecteur et redistributeur censé l’opérer s’applique à la rendre détestable au point qu’une partie de celleux qui en bénéficient se considèrent à présent comme assistéEs.  Plus l’échelon de réussite sociale que l’on vise est haut, plus on jugera normal, logique et de bonne guerre les pires comportements. Et la norme voudrait que l’on désire devenir comme celleux qui nous dominent.
Les chômeureuses (enfin une part d’entre elleux) demandent des emplois, accumulent les p’tits contrats, tentent de faire leur place dans le monde du travail. Mais à 10.4 millions pour moins d’un million de postes (tous contrats confondus) – lors d’une visite récente sur le site de Pôle Emploi, le compteur indiquait 508 000 offres – autant se dire que la place coûte cher… Les personnes racisées sont particulièrement abonnées aux situations précaires et autres jobs de merde en CDD, intérim… Les sans-droits quant à elleux goûtent carrément aux joies de l’esclavage.
La personne qui gagne un SMIC aspire à conserver ce peu, ainsi que sa si digne étiquette de travailleuse. Elle voudrait gagner plus car la vie est chère. Elle ne voit d’ailleurs pas trop de différence entre les chômeureuses et elle, à la différence près que la grasse mat, elle n’y a droit qu’une à deux journées par semaine et qu’elle n’a droit à rien (ou presque)en terme d’aides sociales alors, qu’elle, elle bosse (avec tout ce que ça sous-entend)… C’est pour ça qu’elle envie tout autant qu’elle hait, courtise tout autant qu’elle dénigre, abhorre tout autant qu’elle mime les postures et postulats de ses supérieurEs hiérarchiques et des catégories sociales un poil plus à l’aise. C’est pour cela aussi qu’une part de ces personnes avait été séduite par le discours valorisant « La France qui se lève tôt » et fustigeant ces feignasses de chômeureuses…
En image, vous allez voir, c’est trèèèèèèès clair

Tout le monde ne fonctionne bien sûr (et heureusement) pas de la sorte. Certaines personnes sont tout à fait conscientes que l’emploi qu’elles occupent ne fait strictement aucun sens pour elles, n’est d’aucune utilité, ne fait que mettre un peu d’huile dans les rouages d’une machine à créer l’injustice sociale. Seulement voilà, à en baver chaque jour dans un taf de merde (bullshit job), à consentir d’y perdre son temps, sa vie, certainEs en viennent à nourrir un ressentiment pour celleux qui  ne foutent – au moins en apparence – rien de leurs journées.
Et puis il y a aussi celleux qui réussissent à vivre de leur passion, qui se sont trouvé un taf en lien avec leur vocation (instits, professionnelLEs de santé…) et/ou se sont lancéEs dans le petit entrepreneuriat, l’artisanat, soit par choix, soit par nécessité et ce au prix de nombreuses heures de travail, d’emmerdes supplémentaires,  de prise de risques pour leurs vies personnelles…Et qui estiment que toute personnes le souhaitant peut « réussir sa vie » façon Bernard Tapie (on vous épargne le tube des années 80 même si c’était tentant!)

ET PENDANT CE TEMPS…

… Les propriétaires des moyens de production – qui elleux se contentent d’hériter – se gavent à outrance, pratiquent l’optimisation fiscale (tout à fait légalement) ou l’évasion fiscale (pas légale mais tacitement protégée). Illes bénéficient de toutes les attentions. Vous comprenez, les ménager, c’est important pour « l’économie », la « compétitivité » tout ça… L’État via les gouvernements successifs prend donc grand soin de ces fortunes prétendument créatrices de richesses et leur offre des cadeaux (bouclier fiscal sous Sarko, CICE sous Hollande, lois diverses et variées autour de l’investissement dans la construction d’immeubles…) et autres largesses visant à réduire leur participation à la redistribution des richesses (contrats de travail aidés…). Bref, il met tout en œuvre pour que cette caste (appelons un chat un chat) continue de faire durablement son beurre sur le dos de la classe laborieuse.
L’imaginaire populaire est malaxé depuis des dizaines d’années par cette pensée libérale devenue norme et qui voudrait que « si le riche maigrit le maigre meurt » et qu’il n’y a pas d’alternative (TINA). TenuEs par l’angoisse d’une fuite des capitaux et tout aussi tenailléEs par la peur du chômage qui guette, une part de la population cède plus ou moins tacitement au chantage (car c’en est un!).

La Loi Travail est l’illustration du moment de cette politique et de l’idéologie qui la sous-tend. Si vous partagez les constats que nous avons évoqué tout du long de cette première partie d’article, vous conviendrez que refuser de s’asseoir autour de la table pour négocier la longueur de nos chaînes est une base ; et que s’organiser pour la retourner est un devoir!

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Au fil de votre lecture vous aurez remarqué que ce texte comporte plusieurs liens qu’il ne tient qu’à vous d’explorer pour alimenter votre réflexion. En attendant de vous proposer la suite (qui devrait s’intituler « …Vers une société libérée ») on vous laisse en vidéo avec notre ami, L’1consolable et son clip tourné ce 9 mars en manif #OnVautMieuxQueÇa! ( https://www.youtube.com/watch?v=Jj95RpL4e_8 )