ARSENIC ET VAINES QUERELLES

Ca s’écharpe dur en Bretagne sur la question de déchets toxiques dont personne ne veut.

Au printemps dernier, en effet, de l’antimoine a été décelé dans les rejets issus des travaux du métro rennais. Cet élément chimique, proche de l’arsenic, pouvant être contenu dans le sol, l’eau et l’air, est considéré comme un polluant majeur tant par l’Union européenne que par l’EPA, l’agence américaine de l’environnement.

Ce minerai semi-métallique, présentant des risques pour la santé et l’environnement, demande donc une prise en charge spécifique, que ne pouvaient réaliser les carrières classiques, choisies préalablement, dans l’environnement du chantier pour traiter les terres extraites.

Le maître d’ouvrage, la Semtcar (société d’économie mixte des transports collectifs de l’agglomération rennaise), a donc d’abord envoyé les tonnes de gravats vers une plateforme de stockage de déchets adaptés, où ils ont été déposés dans des alvéoles étanches, et les eaux de purge ont été traitées par une station d’épuration.

« Une solution prudente mais très coûteuse », regrette monsieur Xavier Tirel, directeur général de la Semtcar.

C’est alors à Janzé, qui possède une carrière très riche en antimoine, que l’on décide désormais d’envoyer les déchets, et ce même si La carrière ne possède une autorisation préfectorale que pour 200 camions par jour, extraction de granulats compris.

Vous comprendrez que les habitants de Janzé goûtent assez peu ce choix : outre les craintes de voir l’antimoine se dissoudre dans les nappes phréatiques, les aller-venues des camions se multiplient occasionnant des nuisances sonores et des risques importants de circulation.

MONNAIE DE SINGES

Ce n’est, vous vous en douter, ni le risque sur la santé (des travailleurs d’abord, des riverains ensuite), ni celui sur l’environnement, qui inquiète la Semtcar, mais bien le montant de la facture finale.

Selon Le Mensuel de Rennes, la gestion et le stockage des déchets contenant de l’antimoine auraient généré un surcoût d’environ 8 millions d’euros entre mai et décembre 2015.

Ce coût, la Semtcar ne veut pas le supporter seule. « Nous sommes en négociations avec les entreprises qui œuvrent sur le chantier. On fera le point fin 2017 quand Elaine (la société Tunnelière) aura fini de creuser », assure le directeur général de la Semtcar.

Seuls les naifs, pourraient croire encore que la facture ne pèsera pas sur les salariés et les contribuables. Dresser la table, fut-elle de négociation, des profiteurs, exploiteurs et magouilleurs en tous genres, n’a jamais rendu le peuple plus riche ou mieux défendu, bien au contraire. Quand le singe se met à danser, c’est pour mieux nous faire les poches !

QUAND L’OUVRIER SE LASSE, LE SINGE FAIT LA GRIMACE

Dans cette histoire, il semble que les salariés œuvrant sur le chantier, transportant ou traitant les déchets, et premiers exposés à la toxicité, soient les seuls que l’on n’ait pas encore entendus.

Pourtant, c’est dès maintenant qu’ils doivent agir !

Au travers des instances du personnel, et particulièrement du CHSCT, ils disposent déjà de certains leviers pour veiller à la traçabilité des expositions, individuelles et collectives. Une mission autant utile à la prévention des risques qu’à leur réparation.

S’agissant des produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR), les élus des CHSCT peuvent s’appuyer sur plusieurs textes réglementaires :

  • Les articles L. 461-4, R. 461-4 et R. 471-5 du Code de la Sécurité sociale, prévoient la déclaration, auprès de la caisse primaire d’assurance maladie et de l’Inspection du travail, des procédés de travail susceptibles d’occasionner des maladies professionnelles.
  • Les articles R. 4412-38 à 41 du Code du travail. L’employeur doit aussi établir une fiche individuelle d’exposition pour chaque travailleur et tenir une liste actualisée des travailleurs exposés.
  • L’article R. 4624-19 du Code du travail, concerne la surveillance médicale renforcée dont doivent bénéficier les salariés exposés à des produits CMR.
  • L’arrêté du 28 février 1995, pris en application de l’article D. 461-25 du Code de la Sécurité sociale, prévoit la remise au salarié d’une attestation d’exposition signée par le médecin du travail et par l’employeur. Ce document, qui comporte plusieurs informations caractérisant l’exposition (à recueillir par le médecin du travail), permet au salarié de bénéficier d’un suivi médical post-professionnel.

Lorsque les travailleurs ou leurs élus constatent que ces obligations ne sont pas remplies, ils peuvent demander à l’employeur, par courrier, de s’exécuter, l’exiger en réunion officielle, avec mention au procès-verbal, voire mener eux-mêmes une enquête visant à recenser les salariés concernés par les produits CMR présents dans l’entreprise, ou encore avoir recours à un expert agréé.

Les élus des CHSCT doivent également veiller à ce que le document unique d’évaluation des risques (art. L. 4121-1 à 3 et R. 4121-1 et 2 du Code du travail) recense bien le risque cancérogène et soit mis à jour régulièrement, de même que les fiches individuelles d’exposition. Si l’employeur n’a pas mis en place le document unique, il encours le paiement de dommages et intérêts à ses salariés.

Si les salariés concernés ne disposent pas de ces instances, il faut immédiatement demander l’organisation d’élections.

REFILER A L’EMPLOYEUR L’ANXIETE QU’IL NOUS A LAISSE

Etre ou avoir été exposé à un cancérogène sur son lieu de travail, c’est après vivre dans l’angoisse de la maladie. Les juges prud’homaux sont désormais compétents pour indemniser ce préjudice d’anxiété, qui ne concerne pas des salariés malades, mais bien des salariés « simplement » exposés à une intoxication, une contamination ou une irradiation, qui, sans attendre l’apparition de la pathologie des années après, demandent réparation de devoir vivre avec cette épée de Damoclès au-dessus de leur tête.

S’agissant des preuves d’exposition, les demandeurs peuvent s’appuyer sur l’attestation d’exposition à des produits CMR, qui permet au salarié de bénéficier d’un suivi médical post-professionnel, est, devant un tribunal, un document très utile à la démonstration de l’exposition, comme à la caractérisation de l’anxiété.

LE TRAVAIL C’EST LA SANTE

  • La stibiose est une pneumopathie caractérisée par des signes radiographiques spécifiques et toux, expectoration, dyspnée. Cette maladie est liée aux travaux exposant à l’inhalation de poussières, fumées ou vapeurs d’antimoine, notamment : forage et extraction de minerais.
  • Les lésions eczématiformes sont liées au concassage, broyage, tamisage, manipulation de minerais ou brassage et ensachage d’oxyde d’antimoine. L’exposition peut se faire en respirant de l’air, en buvant de l’eau et en mangeant des aliments qui contiennent de l’antimoine, mais aussi par contact de la peau avec des terres, de l’eau ou une autre substance qui en contient. L’antimoine lié à l’hydrogène, en phase gazeuse, est la principale cause des effets sur la santé. Une exposition à des concentrations élevées pendant une longue période peut provoquer des irritations aux yeux, à la peau et aux poumons. Si l’exposition se poursuit on voit apparaître des maladies des poumons, des problèmes au cœur, des diarrhées, des vomissements, et des ulcères d’estomac.

On ne semble pas savoir encore aujourd’hui, si l’antimoine peut provoquer des cancers ou des problèmes de reproduction.

Les filons découverts ont une faible teneur en antimoine, cela ne va pas altérer la santé des habitants », tente de rassurer le directeur général de la Semtcar. « Il y en avait sûrement aussi pour la construction de la première ligne mais il n’y avait pas la même réglementation à cette époque », a-t-il ajouté.

Les salariés qui en 2000 ont, pour la COGIFER, travaillé à la construction de la première ligne de métro, ont donc tout lieu de s’inquiéter d’une contamination éventuelle, du fait de la négligence de l’entreprise. Nous ne pouvons que les inviter à prendre contact avec leur organisation syndicale pour envisager une procédure les mettant à l’abri de ce souci.