A 15H, Rennes à la couleur de l’état de siège, il y a des équipes de flics en civil, équipés de trombinoscopes, qui guettent le visage de chaque personne sortant du métro. Les CRS ont pris positions, en rang d’oignons, pour faire respecter l’interdiction de manifester. Aujourd’hui, la seule manifestation autorisée serait celle de la boulimie marchande, et pourtant notre rassemblement prend le temps de se former, sans se laisser démonter.

A 15H30, on est parti, les premiers cris fusent, sur les flics qui filment et qui fulminent. Pour eux, commence une longue journée, pleine de quolibets. Plusieurs fois, ils vont tenter de nous encercler de nous éloigner des belles rues, de faire en sorte qu’on ne nous voit plus, mais toute l’aprém, on sortira pas de notre orbite, Rue Lebastard, Le Parlement et puis St Anne, vers République, 1 fois puis 2 puis 3 on tourne comme des derviches. On assène contre les flics des chants qui se propagent assez vite. « Les Policiers, c’est des Batards, c’est Des Batards »

En vrai tout le monde le savait, l’a senti, tout le monde connaît l’arrogance de la police, mais là c’n’est plus au PMU que ça se braille, on le scande dans la rue et des quelques uns qu’on était au début, très vite on s’compte par centaines.

Ouais, ils ont tués, mutilés, humiliés, et y’a ceux qui ne se sentent toujours pas concernés, mais même ceux la n’peuvent plus faire comme si rien ne se passait, car leurs magasins préférés ferment leurs volets de terreur, toutes les ½ heures dès qu’ils voient passer la manif.

Et puis, arrivé Place des Lices, on se délite, un temps d’hésitation un peu trop long, et on a bien failli se faire expulser du centre-ville. Presque encerclés, on a su trouver la faille dans leur barrage, quelques minutes avant qu’ils ne le renforce. Une rue gardée par 4 cuirassées et un camion, c’est vraiment pas assez. Très vite, ils sont dépassés, bousculés, il s’prennent des bols de molards et les croches-pattes claquent.

Alors la manif s’engouffre et on repart vers République, mais avant ça, il faudra calmer un peu les Bacs, qui se sont soudain pris pour le futur barrage de Sivens et qui ont cru pouvoir contenir notre torrent, avec des gazeuses et des tonfas. Uns fois cet obstacle contourné, on rejoint les grands boulevards, mais les quittons bien vite, car on est mieux là où on peut faire bloc. En filant, à droite, à gauche, en esquivant leur dispositif, on a su en gros aller là où on voulait, en étant toujours plus nombreux. A 2 doigts de République, ils tentent encore une fois de nous bloquer et bloquent en même temps tous les passants. Ils gazent, tabassent, mais on finit par les pousser, ouvrant le passage vers les quais. Ici, on reste jusqu’à la nuit, y’a du relais pour insulter des flics, des fast-foods et des métro sortent de nouvelles énergies qui ont aussi leurs comptes a régler. Doucement, la manif se disperse. Et puis quoi ? Si on écoute les médias, c’est une réussite policière, aucun tag, aucune vitrine brisée, une manif tranquille, alors ?

Quand près de mille personnes crient leur haine de l’ordre policier, c’qui est brisé, c’est qu’a jamais on puisse préférer à cette joie-là, la sourde angoisse de ceux qui voudraient que « tout finisse bien par séarranger ». Quand près de mille personnes arrivent à forcer des barrages de flics, à s’déployer, à garder la rue et à se sentir ensemble, c’qu’est définitivement brisé, on peut l’dire c’est la possibilité d’un retour à la normale, à la normalité résignée et solitaire.

On a entendu ici-et-là certains dire qu’à ce nombre, avec cette force, on aurait pu occuper n’importe quoi, bloquer un des services de l’état, une des multiples facettes de la police, s’approprier n’importe quel espace qui a pour tache jusqu’ici de nous pourrir la vie. On sait que la police n’est pas la seule impliquée, ce qui a tué Rémi c’est aussi l’économie, son arrogance et sa violence.

Assemblée Générale à l’université Rennes 2 : la présidence répond par une fermeture administrative. Alors on la décale au jeudi 13 novembre, au hall B Fac Villejean pour parler des suites à donner.