Nous avions déjà pu nous moquer de la faiblesse de leur répression en comparaison des déclarations tonitruantes du premier flic de France et de ses piailleries médiatiques : un bataillon de profilers, des techniques de pointe des années 80 pour quoi ? L’arrestation de quelques bras cassés dans mon genre, plus visibles ou moins expérimentés que les autres. Dans mon cas, ils ont resserrés leur identification en croisant des fichiers policiers, judiciaires, de renseignement, mais tentent vainement d’utiliser comme éléments probants des photos floues, de personnes masquées. Bonne chance pour me condamner avec ça !

Contrairement à ce qui se joue en Italie, avec la terrrorisation des No TAV (voir le procès des 4 de Turin), ces opérations policières sont ce qui reste quand le ministère mimant l’autruche ne songe plus qu’à panser les plaies de flics plaintifs ou à consoler les gestionnaires Nantais, dont la cité idéale fut légèrement souillée de notre boue plébéienne. Ici, face à leurs piètres boulots de pseudo-derricks en gabardine de stasistes, face à ces énièmes opérations visant à diviser entre coupables et innocents, légitimes et illégitimes, il y aura certes quelque média pour faire écho, ou quelque lapinou effrayé, égaré en nous ou parmi nous, pour chercher à se dissocier.

Ce serait vraiment dommage : nous avons toutes les cartes pour étendre notre victoire, même à l’heure et au lieu de leurs tentatives de jugement.
Une juste analyse de la situation ne nous permet plus de nous considérer comme de victimes de la répression, sauf à vouloir se conforter dans les vieux réflexes de faiblesse et d’impuissance. La posture de victime, consistant à inverser la légitimité, n’est en fait qu’un pâle prolongement rhétorique de l’opération normative que tente inlassablement de jouer l’Etat, contre nous.

Certes, évacuer cet écueil implique, de s’informer un minimum, et de s’organiser collectivement pour se défendre en cas d’arrestation.

Nous l’avons dit et le redisons : nous assumons ce qui a surgi le 22 février. Nous n’avons été ni manipulés, ni provoqués, ni divisés. La ZAD a vocation à déborder par toutes les pores de notre peau, et nous n’habiterons certainement pas cette vie incontrôlée en faisant porter à je ne sais quel agent trouble l’initiative de nos actions.

Pour ma part, quoique mon corps ait été brièvement séparé de vous par quelques murs, je n’ai cessé de pencher et de me positionner quelque part dans ce mouvement qui en a rassemblé 50000 un beau samedi de février.

Bref, dirigées contre le mouvement autour de la ZAD, ces attaques sont bien dérisoires, comme ces pinces de crabes coupées persistant à vouloir pincer. Partant de toutes ces journées où se déploya notre puissance, partant des champs communisés qui nourriront d’autres luttes, nous ne pouvons que penser ces arrestations comme nouveaux prétextes à nous renforcer.

Disant cela, je ne me méprends pas, je ne pense pas la ZAD comme Une. Ce mouvement, c’est un lieu commun que de l’envisager constitué de formes-de-vie hétéroclites, parfois antagonistes, et c’est notamment le cas lorsqu’il est question des tactiques à employer face à la police.

Mais quel que soit le sens dans lequel on le retourne, ce mouvement, en pensée, il est fascinant de constater la symbiose (puisqu’il s’agit de vie organique) entre ses différentes composantes, ses différents pôles. Faites cet effort quelques minutes, d’imaginer les devenirs séparés des différentes composantes de la ZAD. Certaines sont des forces d’inertie, d’autres des vecteurs de mouvement, mais les unes sans les autres, elles seraient soit stagnantes, soient isolées. Cela dit, symbiose ne signifie pas harmonie dans un cercle fermé : elle ne vivrait pas sans tension, affrontement, et circulation, entre, par exemple, être rejoignable et affirmer une détermination politique hétérogène, ou encore entre enracinement local et contamination.

C’est simplement ce qui est arrivé lorsqu’en un lieu contesté et sous pression, le pouvoir fut défait et que les uns et les autres, tentèrent de s’organiser ensemble : soudain, les distances sont abolies. On se retrouve comme constamment au bord de la rupture, des coups, de l’amitié, mais est né entre nous un monstre étrange que nous voulons voir vivre.

Il ne s’agirait surtout pas d’idéaliser cet étrange animal et la puissance qui court sous sa peau. Il ne s’agit que de prendre parti, maintenant que l’hostilité est liquidée. je dis cela pour beaucoup d’entre nous dans les comités, qui parfois ne voyons pas ce que la ZAD nous offre sur un plateau. A brandir la ZAD comme un symbole, à la réciter comme un poème militant de l’écologie et de l’autogestion, nous continuons d’établir une distance, voire de la contenir sur son territoire, en dépit des questions et des expériences directement posées. Questions auxquelles les mondes de la ZAD ont déjà commencé à répondre, liées à l’expérimentation de l’autonomie, à la vie ensemble sans police, à la communisation des moyens de survivre et d’exister. Ces réponses, si elles nous touchent, ne sont pas des recettes miracles. Nous avons à trouver nos propres réponses, là où nous sommes, avec ce qui nous constitue. Ce seront ainsi d’autres mondes que nous créerons, prolongés par les barricades de la ZAD, mais partout ailleurs.

Au plaisir de vous revoir, le 16 juillet au TGI de Nantes

A très vite

G.