Nous avons vu beaucoup de tirs policiers lors de la manifestation du samedi 22 février à Nantes. Parfois ils nous ont choqué-e-s, atteint-e-s, blessé-e-s. La police a également lancé des grenades et du gaz en abondance sur la foule. L’arme la plus utilisée pour tirer sur les manifestants était le Lanceur de Balles de Défense. Plusieurs munitions de cette arme ont atteint des manifestants au visage.

Flashball, LBD : qu’est-ce que c’est ?

On peut commencer par l’histoire de son introduction. Le 27 novembre 2007, au nord de Paris la révolte se consume après la mort de Moushin et Lakhamy renversés par une voiture de police. Le ministre de l’Intérieur, sous l’œil bienveillant des caméras de télévisions, demande une meilleure protection des policiers. Un meilleur armement. A Nantes, le même jour, la police ouvre le feu sur une manifestation de lycéen-ne-s et d’étudiant-e-s qui occupent le parc du rectorat.

Les policiers frappent et blessent plusieurs personnes. Une manifestante reçoit un tir policier dans le ventre, un autre au sommet du crâne. Je perds l’usage d’un œil.

La police vient de tester une nouvelle arme : le Lanceur de Balles de Défense. Il s’agit d’une nouvelle version plus puissante et plus précise du flashball superpro : une « arme à feu à usage militaire » selon la catégorie officielle. Elle est alors expérimentale. Le policier volontaire pour tester cette arme en avant-première a ajusté délibérément son tir dans mon visage. Contrairement au flashball de première génération, cette arme perfectionnée donne la garantie au tireur d’atteindre précisément l’endroit qu’il vise.

Depuis, les ministres de l’Intérieur successifs ont offert des centaines de ces armes aux policiers. Les mutilés se sont multipliés. Aujourd’hui, les socialistes sont en train de généraliser le Lanceur de Balles de Défense, de multiplier son utilisation.

Pour la première fois depuis des décennies, la police se remet à tirer sur des manifestants. Cette arme, comme les grenades, permet de blesser à distance, de marquer les corps.

Les nouvelles armes de la police : une genèse nantaise ?

En novembre 2007, le Préfet en poste à Nantes, celui qui donne l’ordre de tirer sur des lycéen-ne-s avec cette arme expérimentale est Bernard Hagelsteen. C’est ce même Préfet qui supervise le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : il accorde la déclaration d’utilité publique à Vinci. Il est aujourd’hui à la tête d’une filiale de cette multinationale.

Il est éloquent de constater que les armes que Bernard Hagelsteen a fait expérimenter -en tant que préfet – sur des lycéen-ne-s en 2007 sont utilisées quelques années plus tard pour mater les opposant-e-s au projet qu’il contribue à mettre en place – en tant que chef d’entreprise – . La boucle est bouclée.

A l’automne 2012, le gouvernement donne l’assaut contre les occupant-e-s de la ZAD. Un dispositif militarisé de centaines de casqués envahit le bocage. Ceux qui résistent – que ce soit de façon pacifique ou directe – subissent la violence policière. Des dizaines de personnes sont blessées par les armes de la police – grenades, flashball, Lanceurs de Balles de Défense – parfois gravement.

Le 22 février 2014 c’est au cœur même de la Métropole que la violence policière s’exerce. Ce qui se passe à Nantes ce jour là est sans précédent. Sur une petite surface, en plein centre ville, en quelques heures, plusieurs dizaines de personnes sont fauchées par des tirs de flashballs, de Lanceurs de Balles de Défense, de grenades. La police a dégainé son arsenal militaire contre des manifestant-e-s désarmé-e-s.

Grand-mère piétinée, journaliste visé à bout portant, manifestants mutilés, enfants blessés, hôpital interdit d’accès pour certains… les témoignages continuent d’affluer. Cette journée a mis à nu la barbarie de la violence d’État.

Le LBD, qui a été expérimenté à Nantes, inauguré par ma blessure en 2007, mutile à nouveau à l’œil deux personnes dans la même ville.

« J’étais là pour manifester, pas pour faire la guerre »

C’est la remarque de Quentin, touché à l’œil par un tir policier. Car oui, le 22 février, la police nous a fait la guerre. Peut-être aurais-je pu faire la même remarque sur mon lit d’hôpital en novembre 2007. Elle souligne à juste titre que la violence vient des forces de l’Ordre.

Ceux qui sont en guerre le 22 février, ce sont les policiers. En guerre contre qui ? Contre quoi ? Contre une manifestation créative, festive, offensive, solidaire, comme rarement le pavé nantais n’en a connu.

Mais la guerre qui nous est faite par la police ne se limite pas au domaine physique. Les jours qui suivent la manifestation se déchaine une véritable guérilla médiatique.

La presse à l’unisson s’apitoie sur les quelques vitrines esquintées, sur la peinture qui a coloré pour une journée les artères de la métropole. La Préfecture, responsable de dégâts humains considérables, invente alors un mouvement armé, les promoteurs de l’aéroport fantasment sur un Black Bloc. L’évènement central du 22 février – outre la beauté de la manifestation – c’est le saut qualitatif et quantitatif extraordinaire de la violence policière.

Pourtant les blessures infligées aux manifestant-e-s, aux passant-e-s, se dissipent dans un silence de mort.

Nos blessures ne sont pas des bavures

Les évènements du 22 février sont une démonstration extrême du caractère systématique et industriel de la violence policière. Si la police a tiré des milliers de grenades lacrymogènes, des dizaines de munitions de flashballs, de Lanceurs de Balles de Défense et de grenades de désencerclement, c’est parce qu’elle avait ordre de terroriser les manifestant-e-s.

Les blessures, les mutilations, les traumatismes causés par ces armes se multiplient depuis plusieurs années -essentiellement dans les quartiers -, à Trappes, à Grenoble, à Mayotte ou Montreuil, de Toulouse à Villiers-Le-Bel, de Notre-Dame-des-Landes à Audincourt ou Montpellier, de Villemomble à Corbeil-Essonnes… La longue série des mutilés par la police ne s’arrête pas. Elle s’allonge à toute vitesse.

Le terrain d’action de ces armes, c’est la révolte. Il s’agit de marquer les individu-e-s dans les chairs pour frapper l’imaginaire de tous, terroriser l’action collective, la solidarité.

J’ai été gravement blessé par un lanceur de Balles de défense, j’ai vécu la procédure judiciaire contre le policier qui m’a tiré dessus. Et mon « affaire » n’est pas terminée.

La violence policière voudrait nous atomiser, nous faire baisser la tête, je m’adresse donc à tou-te-s les blessé-e-s du 22 février, et à leurs proches : vous n’êtes pas seuls.

Rencontrons-nous pour échanger, se former, s’informer, réfléchir, nous organiser, résister au terrorisme policier,

Pierre, blessé à l’œil par un tir de Lanceur de Balle de Défense le 27 novembre 2007 à Nantes

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