J’ai participé à la manif contre le projet d’aéroport de NDDL à Nantes, samedi 22 février 2014.
Et ce qui m’a le plus choquée a été, une fois rentrée chez moi, la réaction des personnes non présentes et qui ne sont, pour la plupart, pas d’accord avec les revendications des manifestants. Ils ont bien sur écouté et regardé le résumé via la presse et se sont empressés de fustiger les débordements et de blâmer les fauteurs de trouble en disant qu’ils pourrissaient la belle ville de Nantes. Ceux là même qui le lendemain ont fait leur ballade du dimanche dans les rues de la ville, en curieux fouineurs, pour essayer de voir de leurs yeux d’éventuels traces de vandalisme, sujet de commérages par excellence ! Ces réactions me dérangeaient, me mettaient mal à l’aise, sans trop avoir d’arguments pour l’expliquer au départ. J’ai donc réfléchis un peu sur le sujet… pour comprendre
Moi, j’ai suivi le cortège autorisé, autant dire que nous n’avons pas marché beaucoup car la majorité du parcours déclaré à la préfecture a été interdit. Première fois qu’une manif était interdite de cité dans tout le centre ville de Nantes et même Cours des 50 otages. Ultime provocation, les barricades immenses des CRS et policiers, leur nombre démesuré, tout était fait pour inciter l’agacement général et faire monter la tension. J’ai moi-même été très agacée par cette démonstration de force et de nombre visant à impressionner ou énerver les manifestants au départ très joyeux et festifs. Surprise aussi de voir des hommes en jean, treillis, et capuches, « changer de camp » et rejoindre les CRS en mettant leurs casques et leurs brassards !
Mon point de vue durant la manif était : Quitte à arpenter les rues pour se faire entendre, autant le faire en chantant et en dansant ! L’ambiance était donc festive et joviale dans le cortège.

Mais pour la première fois, parmi les quelques manifestations auxquelles j’ai participé depuis une quinzaine d’année, j’ai dû subir les gazs lacrymo alors que je ne me suis pas éloignée du convoi officiel et autorisé en fille bien élevée, docile et rangée que je suis ! J’étais entourée d’amis, d’enfants, de retraités, de personnes comme tout le monde qui croient encore que marcher dans la rue est un droit, et que manifester fait partie d’un droit d’expression inaliénable.
Alors quand je suis rentrée chez moi, et que j’ai vu les commentaires et posts des bien pensants pourrir la manif en parlant d’inadmissible guerre civile et d’affrontements, je n’ai pas compris. J’étais d’abord dans le déni, je n’avais pas vécu cela moi…
Et puis je suis allée sur internet, car la télé… les infos, non merci.. J’ai regardé des vidéos officielles, et amateurs. J’ai vu et suivi les échanges de projectiles qui ont eu lieu. Car il y a une graduation dans tout et dans la violence, et à part voir des CRS choper quelques mecs par la gorge et les trainer, je n’ai pas vu de manifestants ou de CRS aller au contact ou attaquer au corps à corps qui que ce soit.

Donc violence de certains manifestants remontés par jet de projectiles contre quoi ? Les barricades des CRS, des murs de grilles et de plexi de 2 m de haut, eux derrière bien protégés par leurs boucliers et tout leur attirail de protection.
Les manifestants en colère balançaient des bouteilles vides, renvoyaient les lacrymos, et sur la fin se sont attaqués aux pavés car n’avaient plus rien d’autres ; ils ont utilisé du mobilier urbain, celui sous la main pour faire bouclier, ou feux, ou barricades eux aussi à leur tour, on ne va quand même pas se laisser faire sans rien dire ? ! Malgré tout, l’égalité des forces n’était pas là…

J’en suis venue à me dire que j’aurai aimé que les CRS aillent plus loin et charge la foule plutôt que de rester planqués. Là, on aurait eu droit, je crois, à une bataille rangée, une vraie cette fois-ci, car devant tant d’injustice, tous les manifestants ou presque se seraient indignés et beaucoup plus se seraient révoltés physiquement contre la tyrannie, l’absurdité et la provocation, enfin j’ose le penser !
Nous étions enfermés dehors, pas le droit de montrer nos revendications en ville, comme cela se fait toujours d’habitude.
J’ai donc après coup rêvé d’une insurrection populaire courageuse.
Car c’est ce que m’inspirent ceux que la plupart appellent casseurs… Certes, il y a eu des dommages collatéraux, des erreurs de cible peut être, à la marge ; mais exploser la vitrine de Vinci, je ne trouve pas ça dégueulasse, j’étais contente qu’ils l’aient fait, pour tous, pour moi, pour tous les autres qui n’auraient pas eu cette idée, ni n’oseraient le faire.

Oui, il ne faut pas se voiler la face, tout le cortège qui est passé devant l’agence de Vinci et l’a vu éventré a ressenti du plaisir, bassement humain, petite vengeance face à l’opération César, qui a ruinée la campagne il y a un an, enchanté que ce symbole est été mis à mal !
Il n’y a pas de révolte sans blessé, pas de guerre sans victime, pas d’insurrection sans perte dans les deux camps. Faut-il se revendiquer du pacifisme ? Faut-il condamner tout débordement ?

J’ai comme un doute.

Le soir même, on apprenait que Kiev avait fait tomber le dictateur et que les cercueils défilaient en hommage à la révolution.
Et là, le déclic dans ma tête. Oui je suis pacifique, oui je ne rêve que d’amour, et d’entente, mais force est de constater que certains sont obtus à ces notions, et même après maintes discussion et tentatives d’accord, il s’avère impossible de faire entendre raison à certains personnes.
Dans ces cas là, quand ces cons en question détiennent la force, le pouvoir, en usent pour faire passer ce qu’ils veulent au détriment du citoyen, de la planète et au profit de l’argent, quelle attitude choisir face à eux ?

La réponse m’est arrivée d’elle-même ! J’aurais dû, moi aussi, aller balancer des bouteilles, renvoyer leurs lacrymos, desceller les pavés de la rue pour les envoyer dans leurs fortifications, leurs barrières, pour une fois visibles, matérialisées sous nos yeux ; pour bien nous faire comprendre que ceux qui n’acceptent pas le système, qui ne sont pas des moutons, sont indésirables et bons qu’à être réprimés.

1789 aurait-elle été un succès sans violence ? Comment changer les choses ? Construire de nouvelles, meilleures, certes, mais à un moment, il faut destituer le pouvoir despote. Et à l’intimidation, répondre par la révolte.

Moi aussi j’ai fais mon mouton hier, je suis restée dans les rangs de la manif organisée, j’ai écouté la voix dans la sono, qui disait : « Continuez votre chemin dans le cortège, laisser les anarchistes en colère faire des esclandres, nous continuons notre manifestation pacifique ». A ce moment là, un nanar d’une soixantaine d’année a empoigné l’homme qui tenait le micro et a crier son désaccord, sa colère, il estimait qu’il fallait monter aux barricades. Oui mais l’image du mouvement, les organisateurs, et les représentants des partis EELV par exemple, avaient peur pour leur image, leur crédibilité.
Va-t-on continuer de se laisser faire gentiment parce qu’on est contre la violence ?
Quand ils vont nous interdire de manifester, comme en Espagne, qu’allons-nous faire ?
Allons nous encore obéir, ou allons être révoltés, et du coup désobéir, ce qui amènera forcément aux affrontements et à la violence même si ce n’est pas ce que nous souhaitons au départ ?
La politique de la peur, et de la répression va-t-elle fonctionner si bien que nous allons nous laisser piller nos droits jusqu’aux plus fondamentaux sans rien dire, juste pour ne pas être violents ou dans la confrontation ?
Voilà les questions qui m’assaillent suite à ces événements et qui je pense méritent réflexion. Que ferons-nous, comment réagirons-nous quand ils passeront à l’étape suivante ? Le feront-ils tellement pas à pas (à pas de loup), au fur et à mesure, que comme la grenouille qui cuit doucement dans l’eau tiède puis bientôt bouillante qu’elle ne s’aperçoit pas qu’elle crève, nous allons nous aussi nous laisser étouffer sans nous en rendre compte ?

Je comprends mieux l’expression : « Mon pavé ne rentre pas dans ton urne »

Il ne peut y avoir de compromis avec des personnes qui ont des billets de banque à la place du cœur. Parce que si tu fais un compromis avec eux, la moitié de leurs billets pourrissent ton cœur, et pas l’inverse.

Milou, devenue anarchiste grâce au gouvernement, le 23/02/14