Il est intéressant de voir que dans ce tract, la marche pour l’égalité est devenue la marche pour l’égalité des droits. Assisterait-on là à une relecture de l’histoire à travers le prisme citoyenniste ? Le mystère reste entier…

Toujours est-il que cela fait plusieurs fois que nous participons à des manifs organisées par ce collectif et qu’elles sont d’un ennui mortel. On parcourt toujours les mêmes rues piétonnes de l’hyper-centre, on est toujours vues par les mêmes gens des mêmes classes sociales, on gueule un peu (pas trop), on agite les drapeaux, on prend 2-3 photos, on diffe quelques tracts et on rentre à la maison avec la conscience soulagée. Bref le cérémonial militant dans tout ce qu’il a de plus lourdingue.

Ainsi donc, hier après-midi, nous nous sommes rassemblées au départ de la manif mais nous avons choisi de ne pas participer à la marche de zombies qui s’annonçait. Nous avons préféré rester sur place, exhiber notre banderole (où il était écrit « À bas l’État raciste et tous ses collabos ! ») et distribuer notre tract (ci-joint) à la foule nombreuse venue s’enivrer de l’atmosphère de Noël©.

Solidarité avec les migrant.e.s ! Sabotons la machine à expulser !

Poitiers, le 8 décembre 2013

 

Texte du tract :

À bas l’État raciste et tous ses collabos !

S’il est une évidence pour tou.te.s les socialistes dignes de ce nom, c’est que les oppressions, les exploitations, les inégalités et les injustices sociales ne viennent pas des humains nés au-delà de frontières tracées par les États, mais des classes dominantes qui nous asservissent de par le monde entier !

La gauche gouvernementale dite « socialiste », comme tou.te.s les aspirant.e.s au gouvernement autoritaire des humains, défend l’État, ses frontières, et le mythe d’une union qui serait fondée sur la nation, dans laquelle il faudrait « s’intégrer » comme il faudrait se conformer au modèle capitaliste. De ce fait, la gauche participe elle aussi à maintenir le rideau de fumée sur les inégalités sociales bien réelles. L’histoire de la gauche au pouvoir est jalonnée, tout autant que celle de la droite, de politiques racistes. Il faut croire que l’ignominie raciste n’indigne la gauche que lorsqu’une ministre d’État en fait les frais !

Alors petits rappels : colonisation au XIXè siècle prônée par la gauche, au nom du « droit des peuples supérieurs à civiliser les peuples inférieurs » (Jules Ferry). Appel à l’union sacrée contre les « boches » en 1914-18 par la gauche politique et syndicale. Premiers camps de concentration ouverts par le front populaire pour parquer les républicain.e.s espagnol.e.s en 1938. Pleins pouvoirs accordés par la SFIO à Pétain en 1940. Pouvoirs spéciaux donnés à l’armée pour la répression coloniale sanglante en Algérie (Mitterrand le guillotineur). Centres de Rétention Administrative fondés par Mitterrand en 1981 pour une gestion « plus humaine » des immigré.e.s. Répression sanglante de militants Kanaks. Perpétuation de la Françafrique (Mitterrand, et Hollande). On continue ?

Les propos immondes tenus sur les Roms par le sinistre Valls, qui refuse le récépissé de contrôle d’identité et s’enorgueillit d’expulser au moins autant que sous Sarkozy, sous couvert d’une directive foireuse entérinant les expulsions sous un vernis de posture humanitaire, ne sont que la continuité honteuse de la permanence d’un racisme structurel de l’État, qui dépasse les clivages gauche-droite. Il n’y a qu’à voir comment les partis claironnent le « produire français », de l’extrême-doite à l’extrême-gauche en passant par Montebourg. C’est bien simple, tout parti qui exerce un pouvoir administratif finit par employer les mêmes recettes : voir ces mairies écolos ou Front de gauche, qui expulsent des campements de Roms à Montreuil, Bagnolet ou Saint-Ouen. Il n’y a décidément rien à attendre d’une « autre » gauche quand elle postule au pouvoir…

À Poitiers (mairie PS) comme ailleurs, ce sont les mêmes discriminations administratives entre « Français » et « étrangers » avec leur lot de tracasseries ubuesques, les mêmes harcèlements policiers dans les « cités », les mêmes contrôles d’identité au faciès, les mêmes politiques urbaines de ghettoïsation et de gentrification, les mêmes expulsions qui brisent des vies, les mêmes répressions des antifascistes. Les flics arrêtent des êtres humains qui veulent juste vivre en paix, mais que l’État a décidé de cataloguer « étrangers illégaux ». Les squats de Roms sont expulsés, les mômes avec, au petit matin en plein froid juste avant l’école, et les familles sont atomisées aux quatre coins de la Vienne, sur la demande de la mairie ou de son officine Logiparc. Nous sommes en 2013, sous la « gauche ».

Le racisme développé par les États colonialistes imprègne la société, arme de division redoutable aux mains des dominant.e.s, politicien.ne.s, capitalistes et baron.ne.s des médias. Mais les discours dégueulasses de ces cols blancs cyniques aux mains manucurées seraient du vent, s’il n’y avait tou.te.s les exécutant.e.s serviles de leurs lois injustes, tou.te.s ces procs, juges, flics et fonctionnaires divers.e.s assumant servilement de « gérer » l’immigration à coup de charité bidon, de menottes et de barbelés. Plus largement, c’est sur nos lâchetés quotidiennes vis-à-vis de ces politiques répugnantes que prospèrent les dominant.e.s de tous les pays, qui s’enrichissent et décident sur le dos de tou.te.s les prolétaires, quelle que soit leur « origine ». Ce sont les mêmes qui nous exploitent et nous dominent, qui désignent partout les « étrangers » comme différents, comme boucs-émissaires à la misère commune… et les collabos peuvent être actifs ou passifs.

Face au racisme, la solidarité de classe est notre seule arme. Une solidarité inconditionnelle, d’émancipation entre dominé.e.s de toutes « origines », qui ne se contente pas de s’indigner en agitant des drapeaux avant les élections, qui ne parle pas au nom des concerné.e.s, qui ne récupère pas leurs luttes. Nous sommes plus proches des prolos africain.e.s, roms ou chinois.e.s, que des patron.ne.s et des politicard.e.s né.e.s en territoire contrôlé par l’État français. Frontières, tracasseries préfectorales, harcèlement policier, centres de rétention et expulsions nous font gerber. Nous ne croyons pas aux illusions électoralistes. Nous ne nous satisfaisons pas de micro-victoires juridiques dans un carcan légal par essence discriminatoire. Nous luttons pied à pied contre les larbins zélés du racisme d’État, qu’ils aient des crânes rasés, des képis, des écharpes tricolores ou des cravates ; renvoyons-les à leur fosse septique. N’acceptons plus l’inacceptable !

des apatrides