1 La méthode de la CE confédérale :

►La précipitation ne peut être imposée
●La CE Confédérale de la CGT, réunie le 16 avril, s’est engagée sur la « Position commune du 9 avril 2008 sur la représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme » issue de la dernière négociation du 9 avril. La CE a émis un avis favorable, jugeant les avancées positives ! ●Elle ne laisse que quelques jours aux organisations membres du CCN, et seulement pour « approuver » la position adoptée par la CE. Combien d’instances fédérales, combien de CE d’UD auront eu le temps de se réunir ? Pourquoi tant de précipitation ? Ce n’est pas parce que le patronat et le gouvernement nous sifflent qu’il faut accourir !

►La CE confédérale n’est pas légitime dans cette affaire
●A la lecture du texte il apparaît évident que le dossier ne fait pas qu’aborder la question de la représentativité. Cette « position commune » détermine plus largement notre stratégie syndicale et même notre conception du syndicalisme. La signature d’un tel accord aurait pour conséquence d’amener la CGT sur des engagements déterminants pour son devenir et plus largement pour l’existence d’un syndicalisme de classe en France.

●Dans son adresse à la CE confédéral du 16 avril Bernard Thibault notait que : « Sur le fond, le changement fondamental qu’induit le résultat de la négociation, ce que porte la philosophie de ce texte, c’est le changement concernant la relation des syndicats aux salariés, c’est ça le changement fondamental ». Il a tout à fait raison et c’est pourquoi nous estimons que les structures exécutives de la CGT ne sont pas habilitées à se positionner. Une CE exécute mais ne décide pas à la place des syndicats !

●La direction confédérale met les syndicats devant le fait accompli en précipitant les échéances de consultation. Les membres du CCN ont une semaine pour s’exprimer mais c’est la prochaine CE qui décidera. Cela est d’autant plus regrettable que notre confédération perd au passage tout crédit. Comment expliquer que cet accord va renforcer la « démocratie sociale » alors qu’en même temps on transgresse les statuts de la CGT et sa Charte de la Vie Syndicale ? On nage en pleine schizophrénie !

●Nous nous étonnons que la CE se soit exprimée à l’unanimité sur ce texte car il apparaît très clairement en rupture avec les positions historiques de la CGT concernant la « démocratie ouvrière ». Mais, plus grave encore, cet accord, s’il est transformé en loi, va pénaliser l’implantation du syndicalisme de classe dans les entreprises et au contraire favoriser celui du syndicalisme jaune.

Sur la méthode, le positionnement du CSR : Face à un tel enjeu seuls les organes souverains sont légitimes pour décider de l’avenir de la CGT : les syndicats de base ! Il est donc indispensable de convoquer un CCN extraordinaire afin que chaque syndicat ait le temps de mandater son délégué fédéral et son secrétaire d’UD à ce CCN.

Le positionnement de la CE confédérale pose problème sur la forme mais surtout sur le fond.

2 L’enjeu du texte

►La syndicalisation et le droit syndical :
●Les derniers congrès confédéraux n’ont cessé de souligner la nécessité de renforcer la présence de la CGT dans les entreprises et plus particulièrement les PME qui regroupent désormais la majorité des travailleurs. Or la « décision commune » est un véritable obstacle dans ce domaine prioritaire. Nous ne comprenons donc pas que la déclaration de la CE confédérale oublie de parler de cette question pourtant cruciale. Alors citons le texte de la « Position commune » pour souligner qu’il est pourtant très clair à ce sujet : « 1-4 – L’audience s’évalue, à partir du résultat des élections au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, dans les entreprises où elles sont organisées. Elle est prise en compte dans l’évaluation de la représentativité dans les conditions fixées à l’article 2 ci-dessous. » « 10-1- Dans les entreprises de 50 salariés et plus, elles peuvent désigner un représentant de la section syndicale remplissant les conditions exigées par le Code du Travail pour être désigné comme délégué syndical mais qui n’exerce pas ses attributions en matière de négociation collective. Ce salarié bénéficie de la protection contre les licenciements. Il dispose d’un crédit mensuel d’heures de délégation de 4 heures au titre de cette fonction. Si l’organisation syndicale qui a désigné le représentant de la section syndicale n’est pas reconnue représentative dans l’entreprise à l’occasion des premières élections suivant sa désignation, il est mis fin aux attributions de l’intéressé. 10-2- Dans les entreprises de moins de 50 salariés, elles peuvent désigner un délégué du personnel pour faire fonction de représentant de la section syndicale. 10-3 – Les organisations reconnues représentatives dans les entreprises de 50 salariés et plus peuvent désigner un délégué syndical qui est choisi parmi les candidats ayant recueilli individuellement au moins 10 % des voix aux dernières élections. »

●Si ces articles sont légalisés cela revient à généraliser la délégation unique en l’appliquant désormais dans les entreprises de plus de 50 salariés. C’est dire qu’entre deux élections, il ne sera pas possible de désigner un délégué syndical, c’est à dire de faire reconnaître la section syndicale avec les droits de négociations qui vont avec. Le « Représentant syndical » avec ces 4 heures de mandat mensuel aura donc toutes les chances de ne servir que de caution et de montrer ainsi l’inefficacité de l’action syndicale. Alors le jour des élections le bilan risque d’être dramatique. Tous les militants actifs dans leurs entreprises et dans les UL savent l’importance des DS dans la construction du rapport de forces et dans la pratique du syndicalisme CGT. Les stratégies actuelles de réimplantation d’un syndicalisme CGT combatif dans les déserts syndicaux passent immanquablement par la création d’une section syndicale. D’abord clandestine, elle se réunit à l’UL, élabore son cahier de revendications, recrute, se forme puis désigne démocratiquement son DS. Quand elle est prête, l’UL envoie le courrier de désignation au patron et la lutte démarre…avec le soutien interpro. C’est le début de la conscience de classe ! Alors comment accepter la perte d’un militant mandaté et « protégé » dans chaque entreprise, sans compter ses heures si utiles pour les tournées ?

●Les patrons auront désormais tout intérêt à provoquer des élections DP en incitant quelques jaunes à se présenter dans leur entreprise afin d’empêcher de fait pendant 4 ans la création d’une section syndicale !

●En ce qui concerne les petites entreprises, nous n’avons rien obtenu, pas même le droit d’organiser des élections sur un même site ou dans une même branche.

►Démocratie ouvrière ou démocratie bourgeoise ?
●Dans son texte rédigé le 16 avril le camarade Thibault fait justement remarquer que la CGT se bat pour la « démocratie sociale ». Mais en lisant l’accord on ne voit pas très bien ou se trouve la démocratie sociale. Toute la représentativité et le droit syndical reposent désormais sur des élections inscrites sur la délégation de pouvoir. Une fois élu, pendant 4 ans un DP négocie et revendique au nom des salariés, mais avec quel mandat ? Avec quel espace de démocratie ?

●La revendication historique de la CGT c’est la liberté de chaque travailleur à militer syndicalement dans son entreprise, et élargir la pratique syndicale au plus grand nombre. La « Position commune » dit tout le contraire. L’existence de la section syndicale, représentée par son DS, disparaît pour ainsi dire. Tout le pouvoir sera désormais centralisé au niveau des élus.

●Dans les formations Premier Niveau de la CGT nous apprenons que la démocratie ouvrière est en opposition avec la délégation de pouvoir. La démocratie ouvrière pratiquée par la CGT a toujours reposé sur le fédéralisme (article 21 des statuts confédéraux) et le représentant mandaté par les syndiqués.

Alors à quel moment cet accord renforce t-il les droits des syndiqués ? Ils ne peuvent désormais plus mandater un des leurs pour les représenter dans l’expression des revendications et les négociations. Il n’y aura désormais plus aucun contrôle démocratique sur les délégués élus tous les 4 ans. Et si ce modèle est supposé renforcer la « démocratie sociale » comment expliquer que désormais la majorité des ouvriers et employés ne se déplacent pas pour voter lors des élections politiques qui servent de modèle à l’accord proposé ? La délégation de pouvoir, cela renforce les logiques individuelles, le clientélisme et la démagogie mais absolument pas la démocratie et l’action collective des travailleurs.

●Cet accord risque de marquer l’alignement de la CGT sur les schémas les plus caricaturaux de fonctionnement institutionnels de la bourgeoisie : la délégation de pouvoir, le carriérisme, l’opportunisme et le clientélisme et la corruption. C’est tout ce qu’on peut lire aux articles 12 et 13 du chapitre 3 intitulés « développement des adhésions aux organisations syndicales » et « reconnaissance des acteurs » : on n’adhère plus à un syndicat dans la nécessité de créer et renforcer un rapport de forces face au patron, mais pour être le destinataire de « chèques syndicaux », « d’avantages conventionnels », de parfaits consommateurs… Que reste t-il de sa cotisation comme salaire socialisé ? Quant aux élus, les « acteurs », ils pourront valider, monnayer leur expérience syndicale dans leur parcours professionnel…en toute indépendance bien sûr ! Que reste t-il de l’action collective et fraternelle ?

●Et comment inciter les travailleurs à se syndiquer si de fait ce sont des non-syndiqués qui désignent les DP et donc le DS parmi eux ? Le but est de construire un syndicalisme de syndiqués ou un syndicalisme d’électeurs ? Un syndicalisme de lutte ou un syndicalisme institutionnel ? Le document d’orientation voté à notre dernier congrès confédéral répond à cette question : « III-13 Une vie syndicale fondée sur la place du syndiqué ».

►Renforcement du syndicalisme jaune :
●L’aboutissement de cette conception est l’acceptation d’une représentativité pour des élus ou des mandatés non syndiqués. Cette représentativité leur donnera le pouvoir de signer un accord engageant tous les travailleurs. En quoi cela est en accord avec les orientations du 48ème congrès confédéral ? Depuis quand la CGT cautionne t-elle les jaunes ? ●On essaie de nous rassurer en affirmant que ce n’est pas trop grave car tout cela va être encadré par les branches !! Qui est assez naïf ou coupé de la réalité pour croire que l’on obtiendra de façon isolée dans les branches et entreprises ce que l’on a perdu dans l’interpro ? C’est un chèque en blanc donné aux patrons dans les boites qui ne vont pas se gêner pour faire pression sur ces élus et mandatés. C’est un vrai recul, totalement contraire avec les orientations de la CGT. C’est valider une des revendications essentielles du patronat.

►L’abandon de la représentativité CGT
●En 1950 la loi fixant le droit syndical reconnaît la légitimité des syndicats de salariés actifs dans la Résistance. La CGT impose, après 55 ans de combats, sa représentativité autonomique face au patronat. Aujourd’hui allons nous l’abandonner ? Ce droit n’était pas lié directement à la question de la validation d’un accord. Mais le patronat a réussi à faire glisser la question du « dialogue social » en faisant imploser au passage le droit syndical. ●Certains camarades font entendre qu’un seuil de 10% serait facilement atteignable pour la CGT. C’est être bien naïf et ne pas étudier la stratégie du patronat. Lors des précédentes négociations de 2006 les représentants du patronat n’avaient pas caché que les seuils de représentativité partiraient de bas pour ensuite être relevés. Pourquoi ? Ils donnaient la réponse dans leurs contributions : afin de laisser le temps aux syndicats de fusionner entre eux, c’est à dire de laisser le temps aux syndicats de collaboration de classe de se regrouper pour marginaliser la CGT. Et pourquoi pas d’imposer à la CGT de s’intégrer dans grande centrale institutionnelle. Car le modèle c’est bel et bien celui des USA, pays dans lequel un syndicat ne peut exister dans une entreprise que si 50% des salariés s’expriment favorablement lors d’un vote. Ce qui rend évidement difficile le fait de mener campagne sans section syndicale. Alors oui 10% c’est bas, mais c’est un principe qui permet de justifier ensuite les 30%, voire plus ! Que tous les syndicats puissent se présenter au premier tour des élections, on peut le comprendre, mais que cela ne se fasse pas par une grande remise en cause des acquis historiques de la CGT.

●Sur ce dernier point on peut répondre à la CE confédérale qu’elle n’a pas obtenu une victoire aussi importante que cela concernant les accords dérogatoires. Tout simplement parce que la loi de mai 2004 ne sera pas abrogée et que donc des dérogations aux Conventions Collectives Nationales seront possibles. De plus, et la déclaration de la CE confédérale ne s’en vante pas : le texte du 9 avril donne la possibilité de déroger tout de suite aux CCN sur les heures supplémentaires (article 17) ! La délégation CGT n’a pas obtenu la seule revendication (que l’on ne voit plus vraiment mise en avant par la CGT) qui vaille : le respect sans aucune dérogation au principe de faveur. Ce ne serait là que revenir à une situation plus favorable perdue peu à peu depuis 1982.

►La CGT, pour quoi faire ?
●Alors comment expliquer une telle retraite en rase campagne de la part de la CE confédérale. Depuis quelques temps, la CGT semble totalement désorientée. Suite à 20 années de reculs sociaux, de nombreux camarades perdent leurs repères et subissent la domination idéologique de la bourgeoisie. Cela peut expliquer que des sacrifices inacceptables soient demandés en ce qui concerne le droit syndical afin de favoriser la négociation d’accords.

●Mais le problème actuel de la CGT et de notre classe ce n’est pas la signature d’accords mais la construction du rapport de forces pour ensuite imposer des négociations victorieuses. Un syndicaliste ce n’est pas un professionnel de la négociation et du « dialogue social » à la mode paritaire. Depuis des décennies l’ennemi nous amène sur ce terrain afin de nous empêcher de mener notre travail d’organisation dans les entreprises et dans les quartiers. Et nous nous laissons berner et nous étonnons ensuite de nos lacunes ! Or c’est ce modèle, totalement étranger à la tradition de la CGT, que veut valider la « Position commune ».

●Nous ne comprenons pas ce recul au moment où la bourgeoisie traverse une réelle crise de légitimité, aussi bien au niveau du gouvernement que des divisions internes au MEDEF. De plus en plus de travailleurs se rendent compte que le capitalisme n’a pas grand-chose d’autre à leur offrir qu’une baisse régulière du niveau de vie, que le retour de la famine et de la guerre dans le monde et de la malnutrition au cœur même de l’Europe… et la destruction de l’environnement qui pose objectivement la question de la disparition de notre espèce.

●La CGT doit donc réaffirmer sa stratégie révolutionnaire face à un monde qui amène un peu plus chaque jour l’humanité vers sa fin. Cela est en contradiction avec la « Position commune » qui demande aux syndicats de faire allégeance au système politique en place.

●Dans les 7 critères retenus on note le respect des valeurs républicaines. De quelle république ? De celle de la concurrence libre et non faussée ? Celle de la Vème République gaulliste qui reconnaît le droit de propriété et le droit d’exploiter ? Pour faire bonne mesure, on tiendra compte du respect de la valeur de la tolérance. Notion idéologique : demain, le syndicat qui se revendiquera de la lutte des classes et de l’anti-capitalisme sera déclaré « intolérant ». Ceux qui disent le contraire sont des naïfs. On nous dira que cela a pour objectif d’empêcher les fascistes de créer leurs syndicats. Faux. On s’en remettra aux juges. Comment leur faire confiance ? On ne combat pas le fascisme dans les tribunaux mais par l’action de classe et le rapport de force. Pétain, Hitler et Mussolini sont arrivés au pouvoir par des manœuvres institutionnelles orchestrées par les mêmes courants politiques qui aujourd’hui nous demandent d’être « tolérants » et « républicains ».

Nous acceptons de fêter les 40 ans des victoires ouvrières de mai 1968
Mais nous n’accepterons pas de perdre nos sections syndicales… conquises en mai 1968 !

Nous appelons donc tous les syndicats CGT à se réunir au plus tôt afin de débattre collectivement de cette « Position commune » et de faire respecter leur droit de décision dans la confédération.

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