USA : La « Self Defense » s’organise
La police américaine tue en moyenne 400 personnes par an, pour une grande majorité des afro-américains ou des hispaniques. Le 17 juillet, Éric Garner s’est retrouvé plaqué au sol, avant de subir une clé d’étranglement qui lui a été fatale. Son interpellation et sa terrible agonie ont été filmées par des témoins sans qu’aucun secours ne lui soit prodigué. Le 9 août, dans la ville de Ferguson, Michael Brown, 18 ans, est mort après qu’un flic lui a tiré six fois dessus dont deux en pleine tête, alors qu’il se tenait à une dizaine de mètres de lui, les mains en l’air. Dès le lendemain des manifestations sont organisées dans tout le pays. À Ferguson, ville de la banlieue de Saint-Louis dans le Missouri (dernier État à avoir aboli l’esclavage) dont 63 % des habitants sont noirs et majoritairement pauvres, la révolte s’est organisée ; tous les jours et toutes les nuits pendant près de 15 jours, l’ensemble de la communauté s’est rassemblé dans la rue, appelant même les membres de gangs à abandonner la violence « des noirs contre les noirs » et à s’unir dans la lutte contre l’oppression. Du côté des flics, la répression des manifestations a été d’une violence inouïe, faisant apparaître aux yeux du monde entier les effets de la militarisation croissante de la police américaine : pistolets, fusils, mitrailleuses, usage massif de gaz lacrymogènes et de lance-grenades, véhicules blindés anti-mines… « Nous exigeons qu’il soit immédiatement mis un terme aux brutalités policières et aux meurtres des Noirs ». Tel était le point 7 du programme du Black Panthers Party for Self Defense. Près de 50 ans plus tard, celui-ci reste d’actualité : l’État capitaliste américain et sa police se comportent comme une armée d’occupation vis-à-vis de la communauté noire et en face, l’auto-organisation par la révolte collective s’impose à nouveau aux esprits comme la seule stratégie d’autodéfense valable contre l’oppression raciale et sociale.

 

> [ C H R O N I Q U E D E L ’ A R B I T R A I R E ]

Morts par la police
Le 29 juillet, une patrouille de la police municipale de Montgeron (Essonne) veut interpeller trois hommes éméchés accusés par les voisins de tapage nocturne (il est 20h !). Les flics leurs demandent de se coucher au sol : l’un d’entre eux refuse, qui aurait eu un tesson de bouteille de whisky à la main. Un baqueux hurle « attention arme tranchante ! » puis recule, trébuche et, se retrouvant par terre, tire une balle au milieu du thorax de l’homme de 41 ans qui meurt sur le coup. C’est ce que la maire de Montgeron a appelé de la « légitime défense » dans une « zone de non-droit », avant de faire part de ses « pensées pour le policier forcément affecté par ce drame ».
Loïc Louise, jeune réunionnais de 21 ans étudiant à Orléans, est mort le 3 novembre 2013 à la Ferté-Saint-Aubin après avoir reçu d’un gendarme une décharge de Taser durant 17 secondes. Le père a pu discuter avec un témoin direct de la scène : « (…) à aucun moment mon garçon n’a essayé de les menacer ou de les agresser. Oui, il était saoul et il ne savait plus ce qu’il faisait. Mais la bagarre était finie et il était retenu par un copain quand on a tiré sur lui. Il s’est alors réfugié dans les bras de ses cousines et le gendarme a continué la décharge électrique. Pour moi, c’est là qu’il est mort. » Les forces de l’ordre ont laissé Loïc au sol inconscient pendant 20 minutes avant qu’un de ses amis puisse s’approcher de lui et se rende compte qu’il ne respirait plus. Le procureur qui a déjà reconnu légitime l’utilisation du Taser a annoncé début août l’ouverture d’une information judiciaire.
Dernière minute : Paris, il menaçait de se suicider, les policiers l’en ont empêché à coup de Taser. Finalement, il est mort suite à son « sauvetage ». Encore une démonstration tragique du « maintien de l’ordre ».

L’État assassine et la police s’en donne à cœur joie
Abdelhak est algérien. Charmant lui est congolais. Tous deux sont sans papiers depuis plusieurs années et pères d’un enfant né en France. Cependant ils connaîtront tous les deux l’acharnement étatique et les violences policières qui rythment le quotidien des sans-papiers retenus ou pas. Ils subiront plusieurs tentatives d’expulsion auxquelles ils réussiront à échapper au prix de violences extrêmes. Charmant appelle à l’aide, voir http://larotative.info/quand-l-etat-s-acharne-a-expulser.html. Abdelhak est mort le 21 août à Roissy sous escorte policière musclée par « asphyxie et régurgitation gastrique ». Suite à son décès des coretenus avaient lancé une grève de la faim pour dénoncer les conditions de rétention et les violences policières qu’ils subissent au quotidien. Aucun des policiers concernés n’a été inquiété à ce jour…

Plus jamais ça ?
En Tunisie, la « transition » n’a pas d’effet sur la police. Pour les trois dernières années, les arrestations et détentions arbitraires avec tortures, jusqu’aux assassinats, se comptent par dizaines. Les habitant-e-s de quartiers populaires et militants pour la justice sociale sont les premières cibles. Parmi d’autres, l’histoire d’Amani Youssefi : à 19 ans, elle vend du prêt-à-porter à la foire de Sfax, c’est une militante de la Ligue des droits de l’Homme. Le 21 juin, deux flics contrôlent ses papiers, l’insultent, la tabassent et l’embarquent avec un ami à elle au poste de police, où ils continuent à la torturer. Elle résiste et s’évanouit, crachant du sang, puis est emmenée à l’hôpital, où sous la pression d’un flic elle renonce au certificat médical prouvant son agression. Enfin, après deux jours de garde-à-vue et un en prison, elle prend un mois avec sursis pour outrage et violence à agent… le 25 juillet elle retourne au commissariat pour récupérer les marchandises et les 650 dinars qu’on lui avait confisqués. Face au refus, elle s’immole devant le poste. Des manifs ont lieu les jours suivants, exigeant l’arrestation des flics.

La Cantine hors les murs
Le 11 août, la Cantine des Pyrénées (331 rue des Pyrénées, Paris 20e) a été expulsée et murée dans la foulée. Ce squat ouvert début 2013 dans un ex-bar tournait autour d’une cantine tenue tous les midis du lundi au vendredi, proposant menu complet et boissons pour quelques euros. Très vite se sont ajoutés des ateliers toujours gratuits (cours de français et autres, permanence d’entraide pour les sans-papiers, permanence du collectif des Mal-logéEs révoltéEs, cinéma, repas ponctuels de soutien à diverses luttes de la région parisienne…). Une manif d’une centaine de personnes a eu lieu le lendemain de l’expulsion. Et depuis, un repas est organisé devant les locaux murés tous les samedis midi, pour exiger sa réouverture.

Les postiers des Hauts-de-Seine
ont lutté contre les politiques postales de précarité et de suppression d’emplois du 29 janvier au 18 juillet et ont réussi à gagner la sympathie et le soutien de nombreux travailleurs bien au-delà de La Poste par leur combativité exemplaire (prises de parole dans les centres postaux non grévistes, actions et AG quotidiennes, occupations…). Mais c’est cette même combativité qui a fédéré tous les pouvoirs contre elle, des dirigeants de La Poste aux instances gouvernementales et policières. Ainsi 13 postiers, grévistes du 92 et soutiens parisiens, ont été traduits dans des conseils de discipline qui votèrent systématiquement leur licenciement, licenciement à chaque fois refusé par l’inspection du travail, sauf pour un collègue qui n’avait pas de mandat légal le protégeant, Thibaud, et qui demande aujourd’hui sa réintégration aux prud’hommes. Des militants de la grève furent aussi convoqués dans les commissariats, parfois placés en garde à vue sur des accusations totalement infondées d’agressions et de violences physiques – et même de vol ! À l’heure où nous publions, deux camarades parisiens attendent toujours la décision officielle prise à l’issue de leur conseil de discipline, et trois autres postiers militants comparaîtront encore en conseil de discipline.

« Violence en réunion avec flashball »
Le 8 juillet 2009 à Montreuil, suite à l’expulsion d’une ancienne clinique occupée, les flics tirent au flashball, sans sommation et à hauteur de visage. Ils touchent six personnes, Joachim, atteint à l’œil, s’effondre devant eux (voir RE no 78). Début juillet 2014 la juge d’instruction a décidé le renvoi devant le tribunal correctionnel des trois policiers mis en examen.
« Le procès qui s’annonce est l’occasion de rappeler la fonction réelle des nouvelles armes de la police, qui repose sur la peur et la mutilation – en un mot la terreur. Et plus généralement de mettre en lumière les violences qu’exerce quotidiennement la police, et l’impunité quasi systématique qui les accompagne. »
Extrait du communiqué du collectif 8 juillet : http://collectif8juillet.wordpress.com/ contact : huitjuillet@riseup.net

Acharnement de la justice sur les manifestant-E-s du 22 février anti-ayraultport
Lors des procès des 19, 20 et 27 juin, et des 7, 10, 16 et 18 juillet, la condamnation à des peines de prison ferme « très lourdes pour des faits mineurs, montre encore une fois que les tribunaux fabriquent de la chair à prison sur la base de dossiers vides de preuve et de profils préconstitués par la DGSI (ancienne DCRI). Cette pratique n’est pas nouvelle, elle est couramment utilisée à l’encontre des populations en butte à l’injustice sociale. » Extrait du communiqué du Comité Anti Répression Issu de la Lutte Antiaéroport (CARILA) / «  Legal Team » http://zad.nadir.org/spip.php?article2572

La justice ordinaire
Un jeune homme de 23 ans est arrêté alors qu’il marche avec son petit frère et un ami à Barbès bien loin de la manifestation du 13 juillet en soutien au peuple palestinien. Ils avaient un keffieh autour du cou, « leurs traits étaient masqués ». Les flics, sous prétexte de « loi antiburqa », se sont jetés sur eux : « Ils m’ont plaqué au sol, ils m’ont étranglé. Ils m’ont dit : tu n’as rien à faire en France, si tu veux te battre pour la Palestine, va en Palestine. » La comparution immédiate qui l’attend finira le travail des pandores. La présidente du tribunal, face au jeune homme encore marqué au visage par les coups policiers, se moque de son nom de famille en préambule. Lorsque le jeune homme évoque les auditions de son petit frère ou de son ami « blanc » qui n’a pas été contrôlé, elle le coupe d’un ton sec : « Je lis les témoignages que je veux. » Conclusion : quatre mois fermes pour « rébellion » avec incarcération immédiate.

 

> [ R I P O S T E dans les quartiers populaires ]

Le 26 août Houcine Bouras, 23 ans, détenu de la prison de l’Elsau à Strasbourg, est abattu d’une balle dans la tête pendant son transfert vers un juge d’instruction de Colmar. Selon le procureur « on est dans le flou », « il y a peut-être eu un début de bagarre et un coup de feu est parti ». Mais selon un journaliste qui s’est rendu sur place, une large tâche de sang est visible sur la chaussée laissant penser que le coup de feu a été tiré en-dehors de la voiture. Sa famille et ses amis réclament la vérité : le 31 août une première manif a rassemblé 150 personnes, une deuxième devait avoir lieu le 7 septembre.

 

> [ A G I R ]

En juin 2013, Dorsaf et Walid, membres du comité Vérité et Justice pour Abdelhakim Ajimi, ont été condamnéEs à 4 mois de prison avec sursis et 300 euros chacunE de dommages et intérêts, pour « outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique ».
Rencontre autour du délibéré de l’appel de Walid et Dorsaf / Présentation du livre Permis de Tuer, Chronique de l’impunité policière, lundi 8 septembre à 19h à la librairie Transit, 45 bd de la Libération, 13001 Marseille.
Contact : comite_hakim_ajimi@riseup.net