Le 17 janvier 2018, le gouvernement français annonce l’abandon du projet d’aéroport sur les 1 400 ha de la zone d’aménagement différée (zad) de Notre-Dame-des-Landes, à 20 km au nord de la métropole nantaise. La zone à défendre (zad) célèbre la victoire, fruit d’une lutte de longue haleine, initiée plus de 40 ans auparavant, réactivée au début des années 2000, ayant regroupé associations écologistes et citoyennes, syndicats, activistes radicaux. C’est également le début de la dislocation de la communauté de luttes, dont l’unité factice avait été nécessaire jusqu’alors pour tenir bon face à l’État. La discorde porte sur la légalisation des habitats et activités (agricoles, artisanales) mises en place par les occupant·e·s de la zad au cours de la lutte.

Un affrontement binaire est alors mis en scène. D’un côté, celles et ceux qui sauraient gagner, c’est-à-dire poursuivre la victoire par la légalisation de la zone. Le groupe des « gagnant·e·s » le plus organisé défend son point de vue et ses actions via des textes largement diffusés dans la communauté de lutte et au-delà. En convoquant au besoin une imagerie révolutionnaire et le communisme, les gagnants y fustigent les loosers, radicaux rigides accros à la défaite. En retour et en ordre dispersé, celleux-ci pointent l’autoritarisme des gagnant·e·s et la normalisation inévitable due à la légalisation. La discorde est réduite à une série d’affrontements binaires et identitaires, entre gagnant·e·s et perdant·e·s, enfiché·e·s et sans fiches, collabos de l’État et anti-collabos, autoritaires et anti-autoritaires…

En toile de fond de cet affrontement, il y a des individus qui se sont installés dans le bocage et s’y sont trouvés bien. S’est greffée sur cette situation matérielle la volonté de faire perdurer la zad, qui, loin d’être une oasis alternative à la sauce colibri, proclamait ouvertement lutter contre l’aéroport et son monde. Dans son combat contre le monde de l’aéroport, la zad s’est heurtée à des limites qu’elle a cherché à enjamber par un volontarisme forcené, en mythifiant une zone de non droit hors du capitalisme et en faisant la promotion d’une légalisation inédite (un « manteau juridique » protégeant une base arrière des luttes et un embryon de communisme déjà-là).

Ce texte n’est ni un « que faire ? », ni un « qu’aurions-nous du ou pu faire ? ». Plutôt une modeste critique (parmi bien d’autres) de la zad et de ses idéologies dominantes, critique qui ne relève ni d’une passion pour la défaite, ni d’un réalisme surplombant. Il est vrai cependant qu’il faut prendre du recul, pour sortir des récits existentiels et zadocentrés. Sortir la zad de l’inédit et la remettre à sa place (ni plus bas que terre, ni au firmament), la questionner : la zad a-t-elle vraiment été une zone de non droit ? Pourquoi devrait-elle continuer à exister ? La lutte a-t-elle révélé un commun(isme) déjà-là ? Peut-on sortir du capitalisme localement, ou par un réseau de zad ? Les luttes d’aujourd’hui manquent-elles d’organisation, ont-elles besoin d’une base arrière ?