Tu veux quoi, un titre ?! (Rue des Pannoyaux, 4 me jour d'occupation...) Le 7 octobre dernier, un vigile, loin de se douter de ce qui se tramait dans son dos, faisait son office. Il entrait vers 15h30 au 6 rue des Pannoyaux dans le quartier de MŽnilmontant, faisait sa tournŽe, vŽrifiant qu'aucune des portes posŽes par la SIEMP pour barricader des appartements vides n'avaient ŽtŽ forcŽes. Auparavant, il avait dŽjˆ dŽbarquŽ plusieurs fois, la nuit tombŽe, avec quelques collgues, histoire de dŽgager ˆ coup de pied des gens qui s'y Žtaient installŽs. Mais ce jour-lˆ il ressortait trois minutes plus tard, satisfait. Le vide Žtait toujours le vide. L'immobilier est un de ces rares domaines o le vide est parfois plus supportable au plein, on l'appelle alors "projet". Quand on pense aux gens qui font ces projets, on pense ˆ des bureaux enfilŽs quelque part dans des tours immenses aux Žtages inatteignables, on pense ˆ des gens qui n'existent peut-tre mme pas, puisqu'on ne peut ni les toucher ni les voir. On voit pourtant les circulaires, les dŽcrets, les dŽcisions prises ˆ l'unanimitŽ des gens prŽsents, on voit pourtant les politiques et les plans, mais seulement quand on les prend dans la tte. Et c'est alors comme si tout cela venait de l'Žther, du vide, ou du hasard. Mais lˆ, dans chacun de ces faits, une machine avance doucement ses pions. Et bient™t nous voilˆ, ˆ penser tout devenu impossible, intouchable, inaltŽrable. Pourtant une grve Žclate, un mur tombe, une serrure change, une maison vide s'habite, un milliard de bourses s'effondrent ; les choses apparaissent plus brutalement, quoi. Ils disent Ç rŽhabilitation È, Ç embellissement È, Ç progrs È, Ç compŽtition È ; des mots produits dans des fabriques de berceuses tellement on en dort. Ce qu'ils veulent dire ? Expulsions, isolement, exploitation, flics, prisons, et cancers, aussi. Il parait qu'on aurait tort de lier les choses entre elles, qu'elles n'ont pas de rapport. Que a fait juste des vagues. Mais le rŽveil, certains matins, est trop violent. Leur bon c™te du manche Žtripe, et leurs mauvais c™tŽs se soignent en chimiothŽrapies. Peut-tre qu'ˆ force d'observer tous ces c™tŽs-lˆ on sent pousser la rage, plut™t, et qu'on laisse tomber le verbe avoir pour le verbe tre...qui sait. Toute machine cherche ˆ Žclaircir le mystre, ˆ changer le vide en plein, en projets, en applications. C'est que toute machine suit un plan. Le vigile fait partie des plans de celle-ci, comme la police, les procs, les expulsions sauvages. Les embellissements, les rehabilitations ? Des miettes. Alors nous sommes lˆ, faufilŽs par des interstices, et nous sommes lˆ-bas aussi, en mme temps. Mais peut-tre aussi plus loin, et peut-tre encore en bas de cet autre endroit qui sert de dortoir. La machine ne sait pas cela, et nous ne lui diront pas plus que ceci: Quelques personnes encore vivantes ont, il y a quelques jours de cela, occupŽ cet endroit vide. Elles rangent encore ce que l'absence de vie y avait rongŽ, mais le cafŽ comme les amis y passe dŽjˆ rŽgulirement. Elles vont y vivre, et qu'on ne s'avise pas de les dŽloger comme on applique un paraphe au bas d'une page, parce que peut-tre que ce sont des chiens, ceux que le vide enfermŽ des hommes dŽgožte; oui, peut-tre que ce dŽgožt-lˆ a fait d'eux des chiens. ?? ?? ?? ??