Je fais de mon mieux
(y compris pour l’écriture inclusive)
et chacun.e fait de son mieux avec son bagage de la vie.

C’est cette pensée qui me permet de développer ma compassion :
“Il n’existe pas de méchants, uniquement des souffrants”.

Ce témoignage me permet de m’occuper de mon soin à moi-même, de regarder la douleur en face, pour m’avancer vers mon sourire grand format.

Mais merde les agressions.

Après une gestion de diverses agressions qui se sont déroulées à la ZAD du Carnet dans les premiers jours où je suis arrivée, j’ai vécu les ressorts de la société patriarcale et de la culture du viol ainsi que plusieurs tentatives de mise sous silence après une agression sexuelle qui m’a concerné directement cette fois.

C’est pourquoi je viens porter ma voix sur ce sujet. Je veux être partie de la ZAD du Carnet en apportant un message important à mes yeux :

La lutte contre le Capitalisme est indissociable de la lutte contre le Patriarcat.

Pour vous raconter, en arrivant à la ZAD du Carnet, je souhaitais de la sincérité et de l’horizontalité. J’avais besoin d’autant plus de soutien et de compréhension face à mon état de victime d’agression sexuelle.

Maintenant, à la Zone à Défendre du Carnet, j’ai été appelée exigeante parce que je veux ce que je veux,

J’ai été appelée égoïste parce que je souhaite que l’on s’empare collectivement du sujet qu’est la place de la Femme et des minorités de genre en milieu militant.

J’ai pu voir une personne qui a réalisé son mémoire dessus d’ailleurs.

Je suis en apprentissage de mes besoins propres depuis un an, après avoir vécu de la violence conjugale durant plusieurs années.

Je m’apporte mon soin à moi-même et apprends à recevoir de l’aide.

Cette fragilité émotionnelle, j’en ai discuté avec plusieurs personnes de la ZAD du Carnet dans les premiers jours qui ont suivi mon arrivée. Maintenant, impossible de « prévenir » tout le monde tant nous sommes nombreux.ses.

J’adoptais à la base une posture très contrôlante depuis mon arrivée en Zone à Défendre, pour ne pas montrer que je me sentais en insécurité sur ce sujet.

Je n’en ai pris conscience que plus tard.

J’ai, néanmoins, posé mes limites par rapport à l’alcool dès le départ :

“c’est OK, chacun.e. est dans son processus et détient sa propre réalité; maintenant, je ne souhaite pas cela pour mon espace.”

Je l’ai dit à plusieurs reprises et puis un jour, pour des questions de place pour dormir, je ne me suis pas sentie respecter dans mes limites parce que, un homme cisgenre m’a demandé :

« En quoi cela te dérange de dormir à côté d’un mec bourré ? »

(La personne qui m’a posé cette question, à mon sens violente et intrusive, s’est excusée quatre semaines après.).

Et là c’était trop pour moi.
Face à ce que j’interprétais comme une remise en question de mon vécu, j’ai fait une crise d’angoisse, chose qui m’était arrivée une fois par le passé quand j’avais été face à un choc émotionnel fort.

Les sons ne sortaient plus de ma bouche, mon corps était paralysé puis s’est mis à trembler. J’étais en état de choc car ramenée à mon passé sans l’avoir désiré.
Je vous laisse en déduire que je n’étais plus en capacité de comprendre ce dont j’avais besoin à ce moment-là, à la ZAD du Carnet.

C’était vraiment compliqué dans ma tête car je ne comprenais pas encore, sur le moment, les traumatismes ravivés par la situation.

Je suis arrivée à la Zad du Carnet avec une fragilité dont j’avais à demi conscience, mais pourquoi est-ce que cela m’aurait empêché de prendre part à la lutte ?

Tout le monde fait comme il peut, avec ses croyances, ses peurs, son éducation, sa socialisation etc. Maintenant, j’avais peur par rapport à mon passé de revivre de la violence et c’est toujours quelque chose qui peut me stresser lorsque je me sens en insécurité, revivre de la violence passée.

Là en l’occurrence, à la ZAD du Carnet, un homme cisgenre durant ma crise d’angoisse au milieu du collectif, m’a exprimé que je pouvais venir dormir dans son espace de vie si besoin. Les nuits étaient froides et l’endroit où il dormait était chauffé, j’ai accepté.

Je me sentais en confiance avec sa proposition.
Je me sentais en confiance avec lui.

Seulement, après m’avoir réconforté avec mon consentement : sa main pour me réchauffer dans mon dos et ses mains sur mes mains, cette personne m’a touché une première fois à l’intérieur de ma cuisse gauche, ensuite sur le bas de mon ventre puis elle m’a touché sur mes seins.

Dans la nuit du 10 au 11 novembre 2020, j’ai été réveillée à trois reprises car touchée dans mon intimité à trois reprises sans mon consentement.

J’ai été surprise, sous le choc.

“Il se passe quoi ?”, Je me suis demandée dans ma tête.

“Je peux pas le croire, ce qui est en train de se passer c’est irréel, pas possible.”

Je ne savais pas s’il dormait. Si c’était le cas, j’avais peur de vivre un sentiment de rejet si je le réveillais; j ’avais peur d’être rejetée de chez lui et de me sentir encore plus en insécurité. J’ai attendu que cela passe.

Je ne bougeais pas.

J’avais peur de sa réaction si je lui disais d’enlever ses mains.

J’avais peur de la gêne qui se serait installée. J’étais sous le choc. “Qu’est-ce que je fais ? Il fait deux fois mon gabari.“

Dans un demi-sommeil, j’essayais de réfléchir sur mon ressenti et comment me sentir en sécurité malgré tout.

Je me suis dit que je discuterai de ce qu’il s’était passé avec lui le lendemain.

Le lendemain matin, j’ai repoussé à plus tard la conversation que je souhaitais avoir, faisant comme si de rien n’était devant lui.

Je me sentais mal à l’aise. Je ne savais pas comment aborder le sujet. Je savais que quelque chose n’allait pas dans ce qui s’était passé la veille, mais je ne savais pas comment qualifier cela.

Je voulais croire qu’il serait à l’écoute, et pourtant je n’arrivais pas à lui parler de comment je me sentais suite à ce qu’il s’était passé.

Les jours qui ont suivi ont été complexes car je n’arrivais pas, au début, à mettre des mots sur ce qui s’était passé comme je l’ai dit.

En parler était assez compliqué puisque je m’entendais bien avec cet homme cisgenre, qui m’avait touché sans mon consentement, pourtant.

Durant ces jours, je repoussais les questions qui me venaient à l’esprit, par peur de voir la perception que j’avais de quelqu’un que j’appréciais, mais qui m’avait touché sans mon consentement, changer.

Ce sont six jours après mon agression sexuelle, que j’en ai discuté avec une copaine qui m’a rappellé “Si tu ne veux pas, il n’a pas à toucher ton corps”. Et c’est à ce moment là que je me suis rappelée que cela n’était pas consentir que céder. Le groupe de mots “agression sexuelle” a commencé à me venir en tête.

Je me suis, de plus, rappelée que c’est cette phrase “Céder n’est pas consentir”,

qui m’avait permis de mettre des mots sur une précédente agression sexuelle plusieurs années auparavant.

Cet homme cisgenre-là, dans la situation présente à la ZAD du Carnet, m’avait touché sans mon consentement dans mon intimité. C’était un fait.

Il fallait que je l’accepte, pour moi. L’accepter, c’était, pour moi, d’autant plus me connecter à une mémoire collective importante qu’est la mémoire des femmes qui ont lutté pour la cause Féminste, et celles qui ont lutté contre les agressions sexuelles et les viols.

Sortant de mon état de déni, ce sont plusieurs jours après que j’ai pris mon courage à deux mains.
J’ai voulu en parler d’humain à humain avec lui, qui avait eu ce comportement d’agresseur, en conversation interpersonnelle, tous les deux uniquement.

J’ai parlé calmement, expliqué mon ressenti, légitime de vouloir lui verbaliser.
Il m’avait touché sans mon consentement, je m’étais sentie surprise, angoissée, triste. Je ressentais le besoin d’en parler avec lui. Il m’a assuré qu’il dormait.

Néanmoins, pour des raisons personnelles et sur la défensive, il ne souhaitait pas davantage verbaliser la chose. Cela m’a affecté. Énormément. Cela m’a affecté que, face au terme d’agression sexuelle, qui pourtant jusqu’à juridiquement est une atteinte sexuelle sans consentement, nous n’arrivions pas à discuter constructivement.

Il n’y a pas de consentement sans communication, pourtant.

J’attendais de lui qu’il prenne sa responsabilité, qu’il reconnaisse ce que son corps a fait, ce qu’il a dit. Je souhaitais qu’il reconnaisse ce qu’il n’avait pas dit/demandé.

Le lendemain de cette tentative de discussion calme de ma part, un de ses amis proches est venu me dire qu’employer ces termes d’agression sexuelle, ainsi que mon comportement, étaient un danger pour l’image de notre collectif, la ZAD du Carnet, que c’était ma “condition de Femme” , que c’était “commun”, je cite.

“Il ne veut plus te voir alors tu devrais prendre tes affaires…” m’a-t-il dit également.

D’autres m’ont littéralement dit ou fait comprendre que c’était l’homme cisgenre qui m’avait agressé qui était la victime.

Ce dernier a d’ailleurs verbalisé par la suite, je cite, que j’avais “tout inventé” parce que je lui aurais “fait des avance” qu’il aurait “refusé”. Pour être transparente, cela m’a mis un coup dans le cœur d’entendre ses mots.

Finalement, la ZAD du Carnet était scindée en deux camps pendant un temps. Beaucoup, si ce n’est la majorité, par manque d’énergie et autre, en ont eu marre que je parle de mon agression sexuelle.

Ce sont leurs mots ou pour d’autres, une interprétation personnelle face à certains comportements ou dires :

Certain.e.s ne m’adressaient plus la parole, refusaient de me prendre dans leur voiture au retour des manifestations auxquelles la ZAD du Carnet participait. “J’ai l’impression que tu t’accroches beaucoup au terme d’agression sexuelle“ , “C’est toi tu t’es collée contre lui je suis sûr.e.”…

Entre-temps, j’apprenais les agressions physiques, verbales et/ou sexuelles, d’autres copain.e.s et certain.e.s prenaient de leur temps d’en parler avec moi. J’ai eu la chance de trouver des oreilles empathiques durant un temps.

On m’a généralement reproché d’avoir fait de mon histoire un problème collectif. Cependant, nous l’avons exprimé un soir durant la lecture publique d’un texte (rédigé en journée durant 8 heures), avec des femmes et des personnes transgenre : la lutte est déjà scindée en deux !

Je m’explique : il y a des personnes qui sont prêtes à entamer un travail personnel de déconstruction concernant leurs privilèges et d’autres non, pas encore.

Certain.e.s n’étaient pas prêt.e.s à recevoir ce message.

En effet, “cela me pose problème que tu t’asseois dans l’espace collectif suite aux histoires que tu as créé”, est par exemple, symbolique des nombreuses tentatives de mise sous silence silence dont j’ai été la cible.

Un.e zadiste vivant sur une autre ZAD m’a dit un jour : “tu sais l’ennemi le plus clair est l’instance policière et l’état pour nous, mais on oublie parfois que notre premier ennemi, c’est nous-même”.

A la ZAD du Carnet, iels ont majoritairement conscience que c’est un travail sur le long terme, pour en avoir parlé avec plusieurs personnes, de mon point de vue.

Maintenant, j’ai eu la sensation qu’on remettait en doute mon vécu.

Oui j’étais en colère, légitimement.

On m’a reproché ma colère, nourrie par les tentatives de mise sous silence et de remise en question constante de ma parole.

Je l’ai extériorisé, ma colère, avec les outils que j’avais à portée de main sur le moment. Maintenant, j’en fait un moteur pour visibiliser la place de la Femme et des minorités de genre en milieu militant.

Y a-t-il une bonne manière de réagir face à une agression sexuelle qui nous ravivent des souvenirs psycho traumatiques ? J’ai commencé à aborder la question dans mon podcast “Le Oh de Lola”.

Oui, j’étais en colère de voir que la personne qui m’a agressé ne soit pas venue à une soirée que quelqu’un.e.s organisaient sur le sujet des agressions sexuelles avec un arpentage et une projection de film féministes.

Plusieurs jours après ma forte démarche de visibiliser mon agression, la personne qui m’a agressé sexuellement a fait des excuses publiques, au début de l’Assemblée Générale de la semaine, et je l’en ai remercié.

J’étais déboussolée par ce revirement. Cela faisait une semaine que je me battais pour que mon vécu soit visible et nonenterré.

Je me suis également excusée à l’occasion de sa prise de parole pour la manière dont j’avais exprimé ma colère, en lui criant dessus, lorsqu’il avait exprimé que je mentais.

Mais vous voyez, lorsque la personne qui m’avait agressé a exprimé devant le collectif, je cite : “pour elle c’était une agression, moi j’ai une perception un tout petit peu différente”,c’était vraiment difficile à avaler. En ce qui concerne sa perception, il m’a ensuite dit en conversation interpersonnelle : “je ne me sens pas agresseur.”

Le bruit courait que “ça y est, c’est fini ».
Sauf que non, ce n’était pas fini. Ce n’était pas finit car, sur le long terme, qu’est-ce qui était proposé pour entamer un travail de déconstruction avec cet homme cisgenre ? Et un travail de reconstruction pour moi ?

Suite à mon agression et celle d’une copaine transgenre, j’ai tagué #BalancetonZadiste. Quelqu’un a voulu effacer mon tag car “trop visible dans l’espace public” et qualifié de “violence classiste”. La bâche a fini par être dissimulée et remplacée, retrouvée par une copaine dans un tas de matériel entreposé dans la ZAD Du Carnet.

Ma parole à tenté d’être silenciée et j’ai ressenti un manque de bienveillance, tout comme d’autres on pu le ressentir avant moi.

Une copaine a écrit un article concernant son agression transphobe à la ZAD du Carnet également.
Il s’intitule ZAD DE MERDE, publié sur IndyMedia. https://mob.nantes.indymedia.org/articles/54252

J’aurais pu écrire certaines phrases, qu’une part de moi ressent encore parfois : le manque de bienveillance en milieu anti-autoritaire (avec la notion d’accueil).

C’est la Nature qui m’a accueilli à la ZAD du Carnet et qui m’a fait me sentir chez moi.

Maintenant, mon intention là tout de suite et depuis le début, était et est de visibiliser qu’en ZAD, nous arrivons tous avec nos conditionnements extérieurs et faisons donc des erreurs.

Néanmoins, ne pas prendre en considération collectivement les plus petits outrepassements de limites jusqu’aux agressions sexuelles à court, moyen et long terme, c’est être OK avec.

Ne pas prendre position, c’est se rendre complice des comportements d’agresseurs.euses que le système capitalo-patriarcal nous a apportés.
C’est encourager le système capitalo-patriarcal, que pourtant je ressens que nous combattons tous avec passion au Carnet, que de prioriser “l’image de la ZAD” aux soins aux victimes.

Une ZAD ne peut être que Féministe.

En tant que Femme dans un état de victime en recherche de réparation là bas, je ne trouvais plus ma place. Je me suis auto-exclue pour me protéger, et avec l’envie que cette histoire serve.

S’il y a viol à la ZAD du Carnet aujourd’hui, qui se sentirait légitime de parler après cela ? Et les auto exclusions, combien de temps vont-elles continuer ?

Le débat sur la gestion des agressions sexuelles à l’intérieur des communautés anti-autoritaires évolue constamment, il commence enfin à être porté au grand jour.
Ne nous arrêtons pas en si bon chemin.

On ne peut pas traiter les agressions par ordre d’affinité ou d’opinion. C’est pourtant cette logique que j’ai ressenti que la ZAD du Carnet m’apportait.

Je ne cauchemardais plus d’expulsion, je cauchemardais qu’on me huait parce que je parlais ‘trop fort’ de Féminisme.

Oui et encore oui, mon message a fini par être mêlé à de la colère car oui je l’avoue en toute vulnérabilité, la douleur était forte de voir que moi-même je finissais par douter de ce que j’avais vécu.

La mise sous silence peut être puissante, mais pas au point que je me perde moi-même. Heureusement que je suis la personne qui m’accompagne tous les jours.

Aujourd’hui, cela fait deux mois que je suis partie de la ZAD du Carnet et un mois que j’ai commencé à rédiger cet écrit.

C’est avec les connaissances que j’ai accumulées sur le sujet des agressions sexuelles depuis neuf ans que je sais ce que j’ai vécu, aujourd’hui.

Dans nos relations humaines, nous mettons souvent en place des limites qui, la plupart du temps, ne sont pas verbalisées mais supposées, implicites.

Avoir réussi à nommer et assimiler que l’expérience que j’avais vécu était une agression sexuelle m’a permis de briser le silence. Généralement, lorsqu’on nomme soit-même ce type d’acte, on espère que la chose va être prise au sérieux et prise en charge par tou.te.s c.elle.eux qui en entendent parler.

Maintenant c’est dur, c’est dur d’avoir la sensation que les gen.te. s préfèrent mettre une agression sous le tapis par peur de voir leur perception des comportements d’une personne changer, à la ZAD du Carnet.

Selon moi, la personne qui a eu le comportement d’agresseur et moi-même en l’état de victime, avons, chacun de notre côté, lutté pour prouver que notre interprétation de la réalité est la “vraie”.

Le sujet de mon agression sexuelle a été transformé en concours de popularité.
Je sais que cela n’a et ne sera pas un cas isolé ni un à étouffer.

Le Patriarcat préexiste au Capitalisme et le Capitalisme le renforce. Le Féminisme Marxiste postule à ce sujet que le capitalisme est intrinsèquement lié à la division sexuelle du travail et permet actuellement l’exploitation du travail non salariés/ non rémunéré des femmes et personnes en minorité de genre, ce qui crée notamment une dépendance économique aux hommes – et de cette dépendance économique par exemple, naît la vulnérabilité (toujours dans le sens de dépendance).

Le Capitalisme Patriarcale est un ouvrage de Sylvia Federici que l’on m’a recommandé lorsque que j’ai parlé de mon expérience avec des médias éco féministes. Ce ne seront pas les seuls médias avec lesquels je débattrai haut et fort de la place de la Femme et des Minorités de Genre en milieu militant.

Je tiens à préciser d’un point de vue personnel :

j’estime que la lutte anti capitaliste ne peut être dissociée de la lutte anti patriarcale.

A la ZAD du Carnet, on m’a dit “reconcentre-toi sur la lutte” .

Mais comment, quand c’est ce système économico-capitaliste que la ZAD du Carnet valide à mon sens puisque des victimes d’agressions verbales, physiques et sexuelles en viennent à s’auto-exclure ?

Ma parole mérite d’être entendue.

Je le sais et je soutiens que, pour détruire le régime de la persistance du renforcement de la domination sous toutes ses formes, il faudrait, à mon sens, que l’on puisse en milieu militant, se mettre face à sa propre souffrance pour aller dans la direction de la soulager, pour s’entendre et se parler librement, reconnaître nos comportements agresseus.euses, ensemble.

Nous avons tou.te.s en nous des comportements d’agresseurs.euses dûs aux conditionnements extérieurs. De plus, la prédation est en nous.

Cela fait partie de nous mais cela ne nous définit pas en tant que personnes, en tant qu’êtres humains.

Nous méritons tou.te.s de nous autoriser à pointer les comportements sexistes, machistes, transphobes, classistes, etc, ensemble, et de faire de la désobéissance civile créatrice plutôt que destructrice :

Quand une personne sent que ses désirs n’ont pas été respectés, indépendamment de si un tribunal de justice trouverait qu’il y a assez d’éléments pour justifier des accusations d’agression sexuelle ou pas, il est nécessaire que toute personne impliquée dans la situation soit responsable pour elle-même des manières dont iels n’ont pas communiqué avec ou respecté l’autre.

C’est ce que je fais en écrivant mon témoignage, je prends ma responsabilité.

Moi-même je peux avoir des comportements d’agresseur.euse du fait d’exprimer ma colère auprès d’autres personnes qui ne sont pas prêtes à la recevoir.

En tout cas, je croirai chaque personne qui me dira qu’elle a été verbalement agressé par moi à la ZAD du Carnet, car c’est le ressenti des personnes victimes qui compte en priorité, selon moi.

Aborder cette question de ma colère, ce n’est pas nier mon agression sexuelle, ni défendre que l’homme cisgenre qui m’a touché dans mon intimité dans mon sommeil a eu un comportement acceptable.
Au contraire, c’est exiger de reconnaître que nous vivons dans une société où l’agression est omniprésente, comme toutes les formes et les dynamiques qui la favorisent. Nous ne pouvons pas l’ignorer, ou prétendre que nous ne sommes pas capables d’en commettre une parce que nous avons nous-même été agressé.e.s, ou parce que nous travaillons à l’Anarchie dans tous les aspects de nos vies.

Le moyen de débarrasser nos vies des agressions, c’est selon moi de creuser ces questions et d’apprendre à nous connaître. Bien souvent, les auteurs ont été des personnes victimes eux-mêmes. Cela veut dire qu’il faut qu’on rende le fait de se dire publiquement agresseur.euse suffisamment facile pour que chacun.e d’entre nous soit capable de se confronter ouvertement, honnêtement, et avec une peur amoindrie, à tous ses actes depuis le plus petit manque de considération jusqu’aux outrepassements de limites les plus sérieux.

Et s’il faut que je passe de l’état de victimes à celui d’agresseuse dans un même écrit pour pour faire bouger les choses, qu’il en soit ainsi. C’est un fait.
Le ressenti des victimes est la priorité, selon moi.

J’ai été agressée à la ZAD du Carnet le 10 Novembre 2020, sexuellement, et c’est un fait.

En réaction, j’ai agressé verbalement des zadistes à la ZAD du Carnet.

Pratiquer le consentement et respecter les limites des autres est important à la fois dans les interactions sexuelles comme dans tous les autres aspects de notre vie : s’organiser ensemble, vivre en collectif, planifier des actions directes en confiance. Les relations non-hiérarchiques et consenties sont l’essence de l’Anarchie.
Peut-être devrions-nous mettre la priorité sur la recherche et la promotion du consentement dans toutes nos interactions ?

Même si j’ai toujours peur du regard que l’on peut porter sur ma démarche d’écrire mon témoignage et mes pistes de réflexions, je continuerai à participer à montrer la réalité de la place de l’Humain.e en milieu militant.

S’il y a bien quelque chose que le système juridique m’a appris mais que je ne pensais pas devoir me rappeler à la ZAD du carnet c’est : plus on se rapproche de la réalité, plus on a du mal à être cru.e.

Si la majorité des personnes de la ZAD du Carnet ne sont pas prêt.e.s à évoluer et à grandir avec moi sur ce sujet qu’est le Féminisme, c’est qu’on ne se correspond pas à l’heure où je vous parle.

Maintenant, mon rôle dans ce monde n’est et ne sera jamais de rester assise et de laisser la Lutte pour la Préservation de la Nature être moins que la meilleure version d’elle-même, déconnectée d’elle-même, de sa beauté, et de l’Etre-humain.e. J’insiste sur l’Etre de l’humain.e.

Qu’est ce que je retiens de m’être ‘auto-exclue‘ ? Pleins de leçons comme vous pouvez le voir. Je me suis auto-soignée par cette action.

Je pensais avoir fui, mais en réalité je me suis protégée après avoir vécu un outrepassement de limites délibéré, que je préfère au terme d’agression sexuelle après moultes réflexions.

Nous pouvons faire beaucoup pour briser le stigmate et la honte autour du sujet des agressions sexuelles en ouvrant le dialogue sur toute forme d’interaction non-consentie.
En développant nos capacités à communiquer sur nos histoires d’abus (subis et commis), nos histoires sexuelles et nos désirs, nous pouvons créer les espaces pour commencer à parler des zones de flou autour des questions de consentement.
Nous avons tou.te.s besoin de nous débarrasser des effets nocifs qu’il y a à vivre dans une société hiérarchique, et capitaliste.

Pour cela, nous avons besoin de travailler ensemble.

Maintenant, si on croit en nous quand personne ne le fait, on a déjà gagné.e.

La sécurité on peut la trouver en nous, on a ce pouvoir. Mais bien sûr, l’environnement dans lequel nous vivons est important pour notre équilibre d’Etre humain.e. Nous faisons partie d’un plus grand Tout et ce plus grand Tout fait partie de nous, nous détenons tous les possibles de la Nature, en chacun de nous.

Si on vous a dit, comme à moi, que vous étiez trop sensible, c’est faux. On ne sera jamais trop humains. Soyons humains. On en a besoin.