Bar attaqué à Rennes. Qui sont ces militants d’ultragauche qui revendiquent la violence ?

Antifas, autonomes, zadistes, black-blocks… Les groupuscules de l’ultragauche se retrouvent sous différentes appellations. À Rennes, ils sont plusieurs centaines maximum.

La terrasse du Webb Ellis, bar situé dans le cœur historique de Rennes, a été attaquée mercredi soir. Les militants d’ultragauche ciblaient une réunion de rédacteurs et de sympathisants de L’Etudiant libre, journal étudiant qui se revendique de droite conservatrice. Ces groupuscules de l’ultragauche se retrouvent sous différentes appellations. Mais qui sont-ils ? Que défendent-ils ? Quel est leur mode opératoire ? On fait le point.

Qui sont-ils ?
Antifas pour antifascistes. Autonomes, qui se surnomment entre eux les totos. Zadistes, que l’on retrouvait aussi dans la zone à défendre (Zad) contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Black blocks. Les groupuscules de l’ultragauche se retrouvent sous différentes appellations.

« La nébuleuse », disent souvent les forces de l’ordre, est montée en puissance depuis 2016 et les manifs contre la loi Travail, dite Loi El Khomri, du nom de la ministre du Travail Myriam El Khomri. Avec une nouvelle jeune génération, peu structurée mais organisée, et où la place des femmes est plus importante qu’autrefois. Samedi dernier, lors d’une manifestation nocturne et interdite* en centre-ville, s’étant soldé par plusieurs dégradations, elles étaient en première ligne, au sein d’un collectif de féministes « énervées » et révolutionnaires.

Que défendent-ils ?
Leur credo, c’est la lutte contre le fascisme, contre le capitalisme et la marchandisation du monde, contre le gouvernement, mais aussi le soutien aux immigrés, la lutte contre les prisons… Leur adversaire désigné ? L’extrême droite**, ou tout mouvement qu’ils considèrent rattachés à cette sphère politique.

Le recours à la violence ? Il est revendiqué comme moyen d’abattre l’État, mais aussi de fédérer une contre-société. Leur militantisme s’exprime aussi sur les réseaux sociaux. Mercredi soir, dans la foulée de l’attaque sur la terrasse, la page du Webb Ellis sur site internet de notation TripAdvisor a été gratifiée d’un commentaire titré « Bar accueillant des fascistes ».

Combien sont-ils ?
Difficile à dire. Quelques centaines au maximum à Rennes. Un noyau de militants issus de quelques squats, mais comptant aussi des étudiants, voire des actifs. On en retrouve régulièrement une partie en tête de cortèges des manifestations rennaises, encagoulés et cachés derrière des parapluies, pour ne pas être photographiés, et des bâches rigides pour repousser les gazs lacrymogènes. Ils lancent des bombes de peinture, renversent des poubelles qui finissent parfois enflammés et sont même craints de certains dirigeants syndicaux, qui ne soutiennent pas cette montée de violence.

Seulement des Rennais ?
Tous ne viennent pas nécessairement de Rennes. Certains se sont fédérés autour de la zone à défendre (Zad) de Notre-Dame-des-Landes. Peu à peu, manifestation après manifestation, ces activistes « importés » ont fait des petits à Rennes, certains recrutés presque naturellement dans les rangs de membres ou sympathisants d’associations étudiantes de l’université Rennes 2 et de Sciences Po Rennes. Mais pas seulement. Dans leurs rangs, on peut également croiser des trentenaires ou des quadragénaires, plus ou moins proches ou carrément engagés dans des partis politiques ou des syndicats de gauche et d’extrême gauche. Enfin, certains sont mobiles, se déplaçant d’un lieu de résistance à l’autre.

Les trouve-t-on dans les manifestations « classiques » ?
Naturellement, ils se sont invités dans les défilés « classiques », comme ceux de la fête du Travail du 1er mai. Pas invités par les syndicats, pas rejetés non plus. Le 1er mai 2018, les 3 000 manifestants rassemblés place de l’hôtel de ville, avaient été rejoints avant le départ par 300 étudiants descendus du Campus de Rennes 2. La police avait recensé dans leurs rangs 60 personnes encagoulées. Lors des manifestations de lycéens et d’étudiants, des petits tracts sont distribués décrivant les techniques pour se protéger des gaz lacrymogènes ou comment se comporter ou quoi répondre à la police en cas d’arrestation. Avec les coordonnées d’avocats au recto du document.

Leur mode opératoire ?
Ils sont organisés, très rapides et mobiles, équipées de masques et de divers autres matériels de protection ou destinés à porter des coups. En 2016, Sophie, une jeune rennaise, s’était glissée dans un groupe de casseurs*** en centre-ville. Elle racontait « Quelqu’un criait une instruction et tout le monde suivait. Parfois, c’était juste un mot incongru, lancé comme un code secret : « kiwi », « tambour »… Dès qu’un type s’arrêtait pour casser, d’autres le protégeaient. »

Sophie notait qu’ils choisissaient leur cible, mais ne commettaient aucun vol. « Après une bonne heure de virée, quelqu’un a crié « tambour ». Des membres du groupe ont ôté leurs vêtements noirs en quelques secondes, les ont fourrés dans leurs sacs à dos, et hop ! Ils se sont dispersés d’un coup. En une poignée de secondes, les casseurs étaient mêlés aux clients des bars de la place. Le calme est revenu instantanément. »

* : https://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/rennes-des-degradations-apres-une-manifestation-nocturne-et-interdite-6622782
** : https://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/info-ouest-france-bar-attaque-par-des-activistes-rennes-ce-que-l-sait-6629153
*** : https://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/temoignage-jai-suivi-les-casseurs-dans-rennes-4229830