Depuis deux mois la répression s’est clairement intensifiée et les stratégies répressives à tous les niveaux (préfecture ; initiatives des flics ; parquet) se sont endurcies. La répression, c’est à la fois dans la rue et aussi dans les tribunaux. Étant donné toutes la violence policière complètement inacceptable, c’est important de parler de ce qui se passe dans la rue, mais ce n’est pas le but de ce texte qui va plus parler des suites judiciaires. On parle de plusieurs centaines de gardes à vues (même en ce moment plus d’une cinquantaine par semaine) et avec parfois des suites judiciaires lourdes.

On rappelle qu’on est avant tout un groupe de soutien anti répression, on n’a pas trop l’habitude de faire des comptes-rendus de la répression, mais ça nous paraît important de communiquer sur ce qu’il se passe et ce qu’on est capable d’analyser pour que chacun.e puisse se préparer en meilleure connaissance de cause.

Ce qu’on écrit ici sort de toutes les infos qu’on a pu avoir en soutenant des personnes qui ont subi la répression ces deux derniers mois sur Nantes. On entend pas avoir un point de vue global et complet ; et certainement il y aura des choses à revoir sur les prochains mois.

Enfin le texte est peut-être un peu compliqué, y a un lexique à la fin pour des mots techniques qui sont notés par une étoile *. On espère quand même qu’il est lisible et hésitez pas à nous contacter pour plus de détails et d’explications, voire tout simplement des conseils anti-reps (contacts plus bas).

LES SUITES JUDICIAIRES ET LES STRATEGIES DE POURSUITES* DU PARQUET

Le parquet c’est les procureur.es. Le rôle du parquet c’est de défendre « les intérêts de la société ». Comprendre, défendre les intérêts de l’État patriarcal bourgeois blanc validiste psychophobe etc. C’est ainsi les procureur.e.s qui décident des suites judiciaires quand on se fait choper après une garde à vue.

Le.a chef du parquet donne des directives générales (politique pénale), et ces directives peuvent évoluer en fonction des villes et des moments, et de qui est le.a procureur.e général.e.*

Par exemple ; lors des derniers mouvements sociaux on était habitué.es à des poursuites sous la forme de comparutions immédiates de manière quasi systématiques. Depuis ces derniers mois, même s’il y en a toujours, c’est moins systématique et il y a aussi beaucoup de mesures dites de «plaider coupable»

Qu’est ce que le plaider coupable ? C’est des procédures censées mettre moins cher qui sont basées sur la reconnaissance des faits. On en voit surtout deux dans le cadre du mouvement social, la composition pénale et la CRPC (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité). Le.a procureur.e propose une peine qu’on peut accepter ou non. Si on refuse, on s’expose à des poursuites classiques (convocation au tribunal ou comparution immédiate, etc…).

On note donc beaucoup de poursuites sous la forme de compositions pénales et de CRPC. On le rappelle, ces deux procédures sont possibles uniquement si la personne a reconnu les faits en garde à vue et a accepté la peine proposée par le.a procureur.e.

Vraiment beaucoup de personnes sortent avec des compositions pénales : souvent des peines présentées comme légères surtout que la peine n’est pas inscrite sur le casier judiciaire B2 (celui consulté par les employeur.euses). Attention néanmoins : la peine reste dans les fichiers de la justice et peut clairement servir de contexte pour des futures arrestations, ce n’est donc pas « rien ». La CRPC c’est le même concept mais pour des infractions plus graves. On peut risquer la prison et la la peine est inscrite au casier.

Étant donné les conseils anti-rep issus de mouvements sociaux précédents, on peut penser que parce qu’on ne passe pas en comparution immédiate, les peines seront moins lourdes, mais ce n’est pas toujours le cas. Il y a déjà un exemple à Nantes d’une personne déférée* dans le cadre d’une CRPC qui a été condamnée à du ferme.

Attention, ces procédures n’ont pas été créées dans le but de mettre moins cher, mais pour désengorger les tribunaux et accélérer des procédures. Ce ne sont pas des cadeaux ! Les peines proposées ne sont pas obligatoirement plus légères que celles qui auraient pu être prononcées par un tribunal. De l’avis de certain.e.s avocat.e.s, elles sont même particulièrement lourdes en ce moment dans le cadre du mouvement social. Et il est assez souvent opportun de refuser afin d’avoir plus de marge de manœuvre devant le tribunal. Une chose à avoir en tête, c’est que c’est plus facile de faire valoir certains arguments devant un tribunal que face à un.e proc dans un petit bureau ou dans les geôles du tribunal. Si ça paraît plus impressionnant, ça laisse la possibilité de demander des relaxes, une fois qu’on a eu le temps d’analyser le dossier, donc bien prendre conseils auprès des avocat.e.s qui connaissent bien les procédures militantes.

Ça reste difficile de donner des conseils généraux sur ces procédures et est-ce qu’il vaut mieux accepter ou pas la peine proposée par le.a procureur.e. Ça dépend du dossier, du casier etc. et on peut s’exposer à des poursuites au tribunal comme on le disait. Mais comme elles sont beaucoup utilisées en ce moment c’est important de s’auto-former collectivement dessus. C’est un travail qu’on essaie de faire en ce moment ; on est ouvert.es à toutes les suggestions sur ce sujet hésitez pas à nous écrire pour qu’on vous donne des infos ou pour que vous nous en donniez.

Au delà des suites judiciaires, un grand danger de ces procédures, c’est que les keufs et même parfois les avocat.e.s, manipulent les gen.te.s afin qu’iels avouent et puissent « bénéficier » de ces procédures, encore une fois présentées comme plus légères qu’une comparution immédiate. Il y a l’air d’avoir beaucoup de pression du style si tu avoues, tu pourras avoir une compo pénale, tu prendras moins cher, etc.

Mais de un ce n’est pas le cas, les peines peuvent être sévères et de plus ça incite à avouer alors que potentiellement il n’y a rien dans le dossier à part ces aveux.

Donc en garde à vue, tant que personne n’a pu voir le dossier (ni la personne gardée à vue, ni l’avocat) faut pas croire les flics, ni toujours les avocat.e.s comi.e.s d’office, et rester sur garder le silence le plus possible. Faut pas oublier que l’objectif des flics en garde à vue c’est d’obtenir des aveux et que pour ça ils utilisent tous les moyens à disposition, notamment des fausses promesse de prendre moins cher ou de sortir plus tôt. En plus de ça, les flics n’ont pas la main sur le choix des poursuites et la sortie de garde à vue, c’est toujours le.a procureur qui décide, même si en vrai le.a procureur.e écoute beaucoup l’avis des OPJ* dans le choix des poursuites.

Enfin dernière chose, la multiplications des procédures de plaider coupable ne veut pas dire qu’il n’y a plus de comparutions immédiates ni de convocations à des dates ultérieures (parfois plusieurs mois) en tout cas pas mal de personnes ont eu des convocations. N’hésitez pas aussi à nous écrire pour préparer ensemble vos dossiers.

En tout cas il est nécessaire de renouveler collectivement les stratégies collectives et les formations anti-rep. En incluant des réflexions sur les compositions pénales et les CRPC.

LES FLICS SANS RETENUE

Les comportements des flics changent d’une manif à l’autre. On peut quand même constater beaucoup plus d’agressivité depuis quelques semaines. Par exemple l’attaques des bars à Bouffay, les charges par les bagnoles directement dans la foule et sur les gentes ; les interpellations vénères qui se multiplient…

Les flics « chopent » des personnes souvent visées mais aussi parfois totalement au hasard, comme lors de la nasse du 15 mars ou toute les personnes présentes dans la rue ont été mises en garde à vue. Cela explique les très nombreuses sorties sans suite ou à base de « vous allez peut être être reconvoqués plus tard », ca contribue tout de même et à la répression et à l’intimidation.

En plus, les keufs se servent de ces gardes à vue pour alimenter leurs fichiers (prises d’empreintes et ADN quasi systématiques) et leurs infos sur le mouvement social. Ils utilisent ce temps pour faire des enquêtes, et c’est par parce que là on sort de garde à vue, que ça va pas tomber plus tard. D’ailleurs, parfois les flics ont prévenu les gen.te.s gardé.e.s à vue que leurs empreintes allait être comparée à d’autres dans le cadre d’enquêtes.

Sur les dernières manifs on a pu voir des keufs ramasser des pavés avec des gants dans la rue pour les mettre dans des enveloppes krafts. Il y a donc moyen qu’il y aient des enquêtes approfondies voir des instructions en cours ce qui change le schéma plus habituel du maintien de l’ordre dans les manifs à Nantes (basé en grande partie sur le flagrant délit).

En tout cas il faut toujours prendre toujours plus de précautions quand on fait des choses illégales, s’anonymiser, ne pas avoir de signes distinctifs etc. et surtout ne pas penser que parce qu’on s’est pas fait choper il n’y a pas d’éléments sur nous, pareil pour les caméras.

Des personnes identifiées sur la base de vidéos des manifestant.es ça arrive souvent et les keufs sont bien contents de s’en servir. Et ne pas oublier qu’il y a probablement des RT (renseignements territoriaux, ce qu’on appelait avant RG), notamment dans le cortège de tête. De la même manière on a pu capter que des brigades spécialisées intervenaient pendant ou après les manifs. On a vu une voiture banalisée avec une sirène de la gendarmerie parmi les voitures de la BAC ce qui laisse penser que le PSIG intervient avec eux. Le PSIG c’est une unité équivalente à la BAC mais chez la gendarmerie. Ils sont a priori autant agressifs que la BAC et encore mieux formés aux interventions musclées. Par exemple, c’est le PSIG qui est souvent chargé des interpels sur les mouvements d’occupation de type ZAD.

La répression policière est aussi particulièrement brutale, même si on en parle pas beaucoup dans ce texte ; des interpellations avec beaucoup de violences, du matraquage… de nombreuxses blessé.es par les matraques mais aussi l’utilisation des armes LBD, désencerclantes, GM2L etc.

COMMENT SE DÉFENDRE

Même si on a l’impression d‘être submergé.es par la répression, on rappelle quelques conseils de base :

– garder le silence : le plus possible ne rien déclarer aux flics pendant les gardes à vue. Rappel la garde à vue c’est un moment d’enquête ou les flics établissent un dossier sur nous. Dans beaucoup de cas il est basé presque seulement sur nos auditions. Ne rien déclarer ça permet aussi de ne pas filer d’infos compromettantes sur d’autres copaines.

– Essayer d’avoir un avocat qui connaît la défense des manifestant.es. On conseille Huriet, Gouache et Vallée. Même si ils ne sont pas dispos au moment de la garde à vue, C’est possible de changer d’avocats quand on est emmené au tribunal.*

– Réfléchir en amont et le plus à nos stratégies de défense individuelles et collective. Par exemple dire à nos proches si on veut ou pas qu’iels réunissent des garanties de représentation et si oui leur expliquer comment les retrouver etc.

– Au vu des nombreuses compos pénales et CRPC, ne pas rentrer dans le jeu de la culture de l’aveu, en espérant prendre moins cher parce qu’on avoue.

Enfin comme on l’a dit il y a sûrement des enquêtes en cours, même si on a l’impression d’avoir échappé à la répression sur le moment on peut se faire choper plus tard ; on le répète quand on fait des choses illégales il vaut mieux être le moins identifiable possible (par exemple pour pas être identifié sur les multiples vidéos) et ça veut aussi dire mettre des gants pour ne pas laisser nos empruntes partout (important avec la présence des flics qui ramassent les pavés dans la rue)

Plus que jamais on a besoin d’être solidaires face à la répression

ACAB, APAB (all procureur.e.s are bastard)

LEXIQUE

Il y a plusieurs choses qui sont un peu simplifiées pour que ça reste lisible.

Poursuites : c’est la manière dont une personne soupçonnée d’avoir commis un délit ou un crime est traduite en justice. C’est le.a procureur.e qui décide des poursuites. Rappel (voir notre tract de sortie de garde à vue), les poursuites possibles après une garde à vue, c’est en général

– une sortie sans suite (pas de poursuites)

– une sortie sans suite mais avec un approfondissement de l’enquête (reconvocation plus tard chez les keufs par exemple)

– une sortie avec une convocation devant le tribunal plus tard

– une sortie avec une composition pénale

– une sortie avec une CRPC

– un déferrement* devant le tribunal pour une comparution immédiate

– un déferrement* devant le tribunal pour une CRPC

Procureur.e général.e : C’est le.a chef des procs à l’échelle de la cour d’appel. Encore plus important hiérarchiquement que les procs locaux (par exemple Nantes dépend de la cour d’appel de Rennes, donc le.a procureur.e général.e de Rennes a encore plus d’influence sur la politique pénale que les procs de Nantes)

Déferrement : C’est quand on est emmené au tribunal juste après sa garde à vue.

OPJ : Officier de police judiciaire. Ce sont des flics chargé.e.s des enquêtes et qui sont en lien direct avec le.a procureur.e. Par exemple, ce sont des OPJ qui sont chargé.e.s des auditions pendant les garde à vue.

C’est possible de changer d’avocats quand on est emmené au tribunal. Techniquement, à chaque renouvellement de garde à vue, nos droits sont aussi renouvelés donc on peut changer d’avocat à ce moment. Et quand on est déferré devant un tribunal, on peut aussi changer d’avocat. Les flics nous le rappellent pas systématiquement donc c’est bien de l’avoir en tête avant !

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