Manifestations du 11 et 16 février. Dispersé.es aux quatre vents ou nassé.es tou.tes ensemble : faire dérailler la préfecture en toutes circonstances
Category: Local
Themes: RépressionRetraites 2023
Places: Rennes
Compte-Rendu de la stratégie de rue et de la répression à Rennes
Samedi 11 février
Revenons d’abord sur la journée de ce samedi 11 : en tête de cette manifestation à l’affluence rarement égalée à Rennes, se constitue un cortège de plusieurs milliers de personnes refusant de se soumettre à l’encadrement préfectoral et syndical.
Après un début de parcours tranquille, l’arrivée à République par le quai Zola est perturbée par une charge de la police, procédant à une première interpellation. Solidaire et déterminé, le cortège persiste et finit par atteindre la place. À l’initiative du comité d’action de l’AG de Rennes 2, la tête de manif stagne sur Répu pour obliger le dispositif policier à se redéployer, laissant le champ libre vers le sud. S’en suit une longue séquence d’affrontements à Répu, pendant laquelle une bonne partie de la tête de manif continue son chemin vers place de Bretagne, et se retrouve isolée par les salves de lacrymos. L’ampleur du cortège continuant à affluer sur République et se répandant dans les rues adjacentes contribue à mettre les flics en difficulté, chassant notamment la BAC de sous les arches, son repère habituel.
Suite à cette séquence, une partie importante du cortège quitte la place et prend la direction du sud vers le centre commercial Alma, afin d’y rejoindre une action appelée par l’Assemblée Générale de lutte Interprofessionnelle (AGI). Un demi-tour en catastrophe des camions de flics boulevard de la Liberté prend de vitesse les manifestants, découpe le cortège au passage de la rue Joffre, donnant lieu à une dispersion désordonnée de la centaine de personnes se retrouvant isolées à Charles de Gaulle.
Malgré plusieurs interpellations pendant la dispersion et l’échec de la tentative de rejoindre Alma en cortège, cette séquence marque la capacité de la manif à ouvrir des failles dans le schéma du maintien de l’ordre prévu par la préfecture. Tandis que de nouveaux affrontements reprennent place de la République et bientôt place de Bretagne, plusieurs dizaines de manifestants parviennent à atteindre le centre commercial et y mobilisent une partie du dispositif habituellement réservé pour le centre-ville : une dizaine de camions de la police anti-émeute de Rennes, dont l’un des canons à eau !
Le dispositif policier, désormais extrêmement étiré dans l’espace, finit par rompre, et un cortège de plusieurs centaines de personnes réussi à s’engouffrer dans le centre ville et à y défiler, allumant de nombreuses barricades dans son sillage. Arrivés place Sainte-Anne après l’envahissement du centre commercial La Visitation, un bref passage devant la Maison du Peuple permet à quelques camarades de symboliquement en rouvrir les portes et de monter sur le toit. Puis les affrontements reprennent de plus belle sur la place, et ce jusqu’au coucher du soleil, où la manifestation prend fin.
À la suite de cette journée la préfecture a annoncé l’interpellation de 23 personnes. De notre côté, nous pouvons confirmer que 5 d’entre elles ont fait l’objet de poursuites. Les chefs d’inculpation deviennent habituels : refus de signalétique, rébellion, violence sur policier et port d’artifice non-détonant.
– 1 composition pénale pour refus de signalétique – 1 procédure accélérée de CRPC pour rébellion (à ce sujet, voir notre compte-rendu de la manif du 31 janvier) avec une peine relativement lourde : interdiction de manif pendant 6 mois, 105 heures de TIG et 500€ de dommages et intérêts pour les flics (parties civiles) – 2 passages devant un Juge des Libertés et de la Détention (JLD) pour une convocation début mars devant le tribunal correctionnel, pour violences et refus de signalétique, avec en attendant un Contrôle Judiciaire (CJ) : interdiction de manifester dans le 35 – 1 comparution immédiate (CI) pour violences sur policier avec arme, transport d’artifice non détonant et refus de signalétique, la camarade a demandé un délai pour préparer sa défense (ce que nous recommandons), et s’en sort avec un CJ en attendant son procès (en mars) : pointage hebdomadaire au commissariat, interdiction de manifester et interdiction de port d’arme
Jeudi 16 février
La préfecture a annoncé le chiffre de 57 interpellations, un record national depuis le début du mouvement. Ce chiffre cache en réalité une tentative de fichage de masse ayant lamentablement échoué.
En amont de la journée de mobilisation de jeudi dernier, une action d’envahissement des voies ferrées avait été décidée en comité d’action de l’AG de Rennes 2. Pour mener à bien cet objectif, le cortège s’engage rue Saint-Hélier au lieu de suivre l’avenue Janvier, prenant de court la flicaille postée un peu plus loin, qui avait prévu d’intervenir au niveau du lycée Zola pour découper le cortège, comme cela se faisait déjà en 2019. Ce mouvement a laissé les flics le bec dans l’eau pendant un long moment, laissant le temps aux camarades d’atteindre la zone de fret ferroviaire. En effet, le dispositif, bloqué par de nombreuses barricades de poubelles, n’a pas pu empêcher le cortège d’atteindre les rails. Les flics de la CDI, arrivés trop tard ont dû se déployer en urgence pour empêcher les manifestant.es, avançants sur les rails, d’investir la gare.
Cette action n’a duré que quelques minutes mais a permis de bloquer la circulation des trains pendant près de 2 heures. Lorsque le cortège a quitté les rails, les flics ont profité d’un moment d’incertitude quant au trajet à emprunter pour effectuer une manœuvre confuse sur le pont de Saint-Hélier. Cela a eu pour effet de faire fuir une partie du cortège et de former une nasse autour du morceau restant.
Suite à une discussion dans la nasse, la majorité des camarades ont donné le nom collectif « Camille Dupont », et ont gardé le silence pour TOUT LE RESTE, dans la nasse comme au comico, y compris face aux petites provocs dans les couloirs. Ils et elles n’ont pas donné leurs empreintes digitales. Stocké.es comme du bétail dans le parking extérieur du commissariat, pris en photo avec un numéro et leurs affaires répandues sur le sol, ils et elles ont été emmené.es un par un dans les bureaux d’OPJ désemparés, qui ont tenté tous les mythos possible pour les menacer de gardes-à-vue. Les camarades n’ont pas cédé. Résultat: zéro identité, zéro fichage, zéro poursuite ! À notre connaissance, parmis les arrêté.es de ce 16 février, seules 3 personnes, arrêtées en dehors de la nasse, sont sorties avec convocation, résultat :
- 1 composition pénale pour refus de signalétique (camarade interpellé dans le cortège et placé en garde-à-vue suite à une accusation bidon de feu de poubelle, fautes d’éléments les flics ont dû se rabattre sur le classique refus de signalétique)
- 1 composition pénale pour port d’arme (suite à une arrestation préventive avec fouille de sac)
- 1 pour laquelle nous n’avons pas d’informations (si vous en avez n’hésitez pas à nous contacter)
N’oublions jamais de vérifier le contenu de nos sacs avant de partir en manif : les fouilles préventives aux abords du départ de la manif, ou une arrestation au pif lors d’une charge peut déboucher sur des poursuites pour un banal oubli (carnet de notes, opinel utilisé au quotidien, stupéfiants…) Retourner la nasse à notre avantage ? La nasse comme une forme de blocage La nasse est une technique d’intervention de la police mise en place lorsque l’encadrement classique de la manifestation échoue, par exemple lorsque le cortège sort du parcours préfectoral ou que des actions offensives sont menées sur son trajet. Lorsque le dispositif est dépassé de cette manière, il doit se réajuster en urgence, par exemple au travers d’une nasse, destinée à immobiliser la partie du cortège considérée comme responsable des débordements. Or, être immobile est parfois à notre avantage ! Nous pouvons poser la question d’utiliser la nasse comme une forme de blocage efficace : si nous nous faisons nasser sur les rails (en étant très nombreux), ou au milieu d’une rue très passante, sur une rocade, dans une zone industrielle, nous pouvons imaginer que notre position aura un impact sur l’économie qui nous entoure. De manière générale il vaudrait mieux se faire nasser dans ce genre de situation (dans un espace public et/ou utile à l’économie) que dans un quartier résidentiel désert. La nasse pour embourber le dispositif policier Dans la rue, nasser plusieurs dizaines voire centaines de personnes nécessite de mobiliser un grand nombre d’effectifs policiers pendant un long moment. Au commissariat, mener les démarches pour vérifier l’identité de 60 personnes requiert un travail bureaucratique et répétitif, qui provoque la mise en pause d’une bonne partie des activités des flics, en plus de démoraliser des OPJ exaspérés par l’absurdité de la situation. Immobilisant toute une partie du dispositif mis en place par la préfecture, les nasses ouvrent potentiellement des brèches pour d’autres initiatives ailleurs. Prenons comme exemple celle de jeudi : elle n’a pas piégé l’entièreté du cortège, pourtant tous les flics de la CDI étaient là pour s’en occuper, la manifestation aurait pu continuer sans se soucier d’être suivie par ces effectifs habituellement très mobiles. Les issues judiciaires de cette manœuvre sont forcément très maigres : personne n’imagine le comico central capable d’accueillir 50 personnes en garde-à-vue, ils n’ont déjà pas été capables de vérifier l’identité des camarades de manière effective. La nasse comme isoloir géant Quand on est nombreux.ses, une nasse en fin de manifestation peut être saisie comme l’occasion de permettre à chacun.e de se débarasser de divers matériel, de prendre le temps de changer de vêtements, de cacher ses équipements de protections. C’est un moment beaucoup plus long qu’une planque sous un parapluie ou dans un hall d’immeuble quand les flics nous traquent pendant une dispersion. De manière générale, la fuite individuelle est rarement une situation bénéfique. Lors de la manif du samedi 11, la dispersion a donné lieu à au moins 6 arrestations (+ de 20 selon les chiffres de la préfecture) pour 4 poursuites judiciaires, contre 54 arrestations pour 0 poursuites ce jeudi ! La nasse comme espace de diffusion des pratiques de défense La meilleur manière de se défendre face à la police est l’action collective, quoi de mieux alors que de se faire « interpeller » avec 50 camarades ? Nous devons profiter des nasses en les investissant comme espace d’échange autour des techniques de défense en cas d’arrestation : donner des conseils aux camarades qui se font arrêter pour la première fois, se soutenir les un.es les autres, diffuser des stratégies qui sont efficaces si elles sont saisies par la plus grande partie du mouvement : le nom collectif, le rien à déclarer, le refus de signalétique… Il est certain que la balade au comico de jeudi dernier, qui était la première pour beaucoup de camarades interpellé.es, au lieu d’intimider a plutôt donné la force à tou.tes de se dire « la prochaine fois, quand on sera seul.e, ou moins nombreux.ses, on pourra faire face ». Transformons la nasse en bourbier pour les flics et la justice, en isoloir qui permet de s’échanger vêtements et affaires, en espace pour prendre le temps de discuter, et en lieu de transmission de l’expérience collective sur la répression et comment y faire face. CES DEUX INTENSES JOURNÉES DE MANIF NOUS DONNENT DES PERSPECTIVES POUR LA SUITE
- De la rue au commissariat, même entre de mauvaises mains, on a souvent l’occasion de diffuser les pratiques et les connaissances pour faire face à la répression collectivement, et construire une solide culture de la défense et de la lutte
- En s’organisant les manifestant.es peuvent ouvrir des brèches dans des cortèges encadrés et des trajets verrouillés, et ainsi libérer les initiatives de tous ordres pour que le mouvement prenne de l’ampleur et de la force
POST-SCRIPTUM : Nous avons appris par voie de presse l’ouverture d’une enquête criminelle visant le jet de cocktails molotovs lors des affrontements à République le samedi 11 février. Nous n’avons connaissance d’aucune suite à cette enqupete à ce jour.
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