Communiqué du 12 décembre 2022 du Centre social anarchiste Manuel Gonzalez Prada, à Lima (Pérou).

 

Un nouveau crime a été perpétré

Un nouveau crime a été perpétré mais pas exactement contre Pedro Castillo [1]. Les victimes, bien sûr, sont toujours les gens ordinaires, trompés, qui croient aux politiciens. Il est bien connu que la bourgeoisie péruvienne est la plus rance et la plus raciste de ce côté de l’hémisphère. En ce sens, le mépris suprême pour les paysans et les pauvres ne date pas d’hier. Mais nous n’allons pas faire l’historique. Ce que nous devons faire en tant qu’anarchistes est d’exprimer notre position politique dans cette conjoncture sociale qui a ses nuances, mais qui est une constante de ces derniers temps.

Mais d’abord, jetons un bref coup d’œil en arrière. Pedro Castillo, l’ancien président, est issu des rangs du Sutep, le syndicat réformiste de l’éducation, l’un des rares qui existent en Amérique du Sud. Homme de la campagne et enseignant rural, il s’est fait remarquer en tant que leader national lors de la grève des enseignants de 2017, puis s’est présenté à la présidence du Pérou en 2021. Dès le début de son mandat, Pedro Castillo a été la cible d’une attaque systématique de l’ensemble de la droite et de ses journalistes mercenaires, raison pour laquelle il était clair que ses jours en tant que président étaient comptés. Ses détracteurs on fait valoir qu’il n’était pas apte à occuper un poste aussi élevé. Keiko Fujimori, représentante de la bourgeoisie archaïque et éternelle perdante des élections, est sortie avec toute sa batterie politique et médiatique pour  » dénoncer  » la fraude électorale. Acculée par les multiples accusations de corruption dont elle fait l’objet, elle a joué toutes ses cartes pour annuler les élections. C’était la troisième fois que le gouvernement leur glissait entre les doigts. Avec son père en prison pour crimes contre l’humanité et corruption, la fille du dictateur a miné les chances de Pedro Castillo. Elle a fait de même lorsqu’elle disposait d’une large majorité au Congrès contre le lobbyiste corrompu Pedro Pablo Kuczynski en 2016 et Martín Vizcarra, son successeur.

D’autre part, le pays vit dans une pauvreté extrême qui dure depuis des décennies avec un salaire minimum d’à peine 1 025 soles (260 USD), les prix des produits de première nécessité et des denrées alimentaires qui s’envolent, ainsi que les prix du gaz et du carburant les plus chers d’Amérique du Sud alors même que le Pérou est un pays exportateur. De plus, la corruption est généralisée à tous les niveaux de l’État avec des juges et des procureurs qui sont des criminels promus par le pouvoir politique et économique. Avec des journées de 10 à 12 heures de travail, la population en a tout simplement assez des politiciens, et ce, bien que ce scénario soit favorable aux politiciens et aux opportunistes pour vendre leurs panacées démocratiques.

En tant que politicien, Castillo était naïf et maladroit, en proie au sale jeu de la politique et à la sale trahison de la « gauche« , mais surtout en proie à sa propre politique marquée par l’intérêt personnel et partisan. En tant qu’anarchistes, nous voyons ces événements (ce qu’ils appellent « auto coup d’état » ou « coup d’état« ) comme un mouvement du vrai pouvoir qu’ils veulent sauvegarder :   le pouvoir économique ; toute cette classe pourrie de l’argent et des affaires qui essaie de maintenir le statu quo afin de préserver et d’élargir ses intérêts contre tout gouvernement et, surtout, contre un « gouvernement de gauche ».

Nous ne savons que trop bien que la successeure, Dina Boluarte, représente désormais clairement, comme l’autre « gauchiste » Ollanta Humala et Castillo lui-même, les intérêts de leurs maîtres. Parce que la gauche n’a rien de révolutionnaire, elle ne vise que l’État comme butin de ses ambitions personnelles et partisanes. Des politiciens qui en fin de compte n’hésiteront pas à tuer lorsqu’ils ou elles seront au pouvoir, c’est ça la « politique » qui les définit : arriver au pouvoir et être ensuite utiles au système qui les nourrit.

 

  • En tant que révolutionnaires et anarchistes, nous lançons un appel général à tous ceux et celles qui veulent s’opposer à ce système néfaste qui crée ces politiciens et ces compromis, établissons une véritable dissidence contre ces politiciens qui recommencent déjà à faire taire les manifestations avec des balles et des bombes.
  • Unissons-nous, communautés, organisations, individus, travailleurs, et peuple en général, pour canaliser la véritable lutte contre le capital et l’État.
  • Contre tous les politicien-ne-s, de gauche ou de droite, parce que quiconque assume le rôle de politicien (quelle que soit sa couleur de peau ou son origine) devient un-e parasite et un misérable assassin.
  • Encourageons l’autonomie et l’auto-organisation face à ce panorama méprisable qui tend à se répéter encore et encore ; mais surtout, assumons la rébellion comme un acte contre toute injustice afin de créer des organisations sans la logique du capitalisme.

 

Centre social anarchiste Manuel González Prada
12 décembre 2022,  Lima

(Communiqué original publié sur Instagram : https://www.instagram.com/p/CmExjYxLYZA/)


Notes

[1Ancien président récemment destitué