Peaux blanches, traite des noires
_ Yves Rocher, négrier !

La main d’œuvre du tiers-monde ne coûte pas cher. Les plus cyniques des patrons diront qu’elle ne vaut pas cher non plus. D’autres laissent leurs préjugés au fond de leurs comptes d’exploitation, et font marner sans scrupules ces salarié-e-s lointain-e-s. Mais faudrait quand même pas que ces minables se permettent de revendiquer quoi que ce soit. Pour avoir voulu se syndiquer, les petites mains d’Yves Rocher au Burkina ont purement et simplement été lourdées. En bloc. Comme dans d’autres villes, une action de protestation a été menée devant un magasin Yves Rocher.

A Nantes le 2 novembre dernier, devant la boutique du centre, 7, rue Boileau. La CNT interco nantaise a distribué quelques tracts, installé des pancartes, et discuté avec clientes et passant-e-s. La tenancière de la boutique a appelé les flics qui ont constaté que la poignée de manifestant-e-s était bien sur la voie publique, et qu’il n’y avait rien à redire. Une autre intervention est prévue, samedi 26 novembre à 14 heures.

Le vendeur de cosmétiques Yves Rocher fait dans le slogan caressant l’idéal machiste dans le sens du grain de la peau : « Un groupe et des marques unies par une même passion : rendre le quotidien de la femme plus agréable. » Yves Rocher bichonne l’épiderme des femmes occidentales et a eu la peau des burkinabées qu’il exploitait près de Ouagadougou. Présentée comme une BA de développement, un pur geste humanitaire, la création au Burkina d’une filiale du groupe cosmétique Yves Rocher s’est vite transformée en enfer pour les ouvrières. Une fois syndiquées, elles ont été aussitôt licenciées.

Pendant neuf ans, le géant de la recherche et de la distribution de cosmétiques a exploité des femmes sous le couvert d’un projet de développement, avant de les licencier lorsqu’elles ont voulu défendre leurs droits.
Yves Rocher a lancé en 1996 un projet de développement pour le Burkina, à grand renfort de subventions publiques locales, pour « aider à l’essor économique d’un des pays les plus pauvres du monde en promouvant des initiatives économiques locales », selon le groupe cosmétique. Filiale à 97 %, la société La Gacilienne (La maison mère est basée à La Gacilly, en Morbihan, à 15 bornes au nord de Redon, faut bien renouer avec le paternalisme colonial) est créée en banlieue de Ouagadougou. 133 ouvrières sont embauchées pour fabriquer des sachets de plastique et des rouleaux de tombola que le groupe distribue à ses clientes. Un bol d’air économique dans un pays à la ramasse. Le bol d’air s’est vite révélé vicié.

Déjà, elles travaillent dans un entrepôt sans aération, mal éclairé. Les pratiques patronales sont dignes de l’époque coloniale. D’abord un paiement à l’heure et non au mois, ce qui est contraire au droit du travail burkinabé. Une dizaine d’heures de travail par jour, avec interdiction de parler, de s’étirer, de bailler sinon elles se font sucrer une demi-journée de salaire.
A L’Humanité qui a consacré un article, la chargée de com du groupe Yves Rocher explique y va sans vergogne d’une justification raciste : « Il faut relocaliser le contexte : dans ces pays, là-bas, il existe une culture du bavardage qu’il faut contenir pour maintenir une certaine productivité ».

Le moindre retard de quelques minutes, elles risquent une mise à pied de sept à dix jours. Et pour la plus grand confort flexible du groupe Yves Rocher, le recours au chômage technique, bien évidemment impayé, pendant des semaines, des mois parfois. En moyenne donc, la rémunération n’excède pas 15 euros par mois, soit un tiers du salaire minimal burkinabé. Le tableau n’est pas complet : pas de congés maternité, pas de visite médicale, pas de prise en compte des heures d’allaitement dans le paiement des salaires, et pour couronner le tout, des cadences infernales. Les travaux demandés à l’origine en six mois sont vite exigés en deux mois. En 2004, des membres de l’association française Coordination Femmes Égalité rencontrent ces ouvrières. Dans le même temps, plus de la moitié du personnel de La Gacilienne décide de se syndiquer.
Le 1er août 2005 (suite à 2 mois de chômage technique), la filiale du Groupe Yves Rocher a licencié en bloc toutes les ouvrières en fermant l’usine. Sans explication, sans préavis. Allez ouste !

Les ouvrières revendiquent des indemnités de licenciement mais aussi des dommages et intérêts pour licenciement abusif et pour tous les dommages qu’elles ont subis pendant 9 ans. La Société a actuellement proposé 76 € d’indemnités de fin de contrat, 284 € des dommages et intérêts : c’est inadmissible qu’un Groupe Français qui fait 2 milliards d’euros de chiffre d’affaire par an propose une telle misère à des ouvrières africaines.