Les matraqueurs sont de retour dans Grenoble. Fiers et virils, les jambes arquées, ils encadrent en ce moment la zone Berriat – Gare – Traverse des 400 couverts, ainsi que les pourtours de Lakanal. Pour arrêter un col blanc liés aux octrois frauduleux de marchés publics ? Non. Pour mettre la main au collet d’un homme politique qui n’a pas tenu les promesses pour lesquelles il a été élu ? Foin. Alors, braves gens qui vivez aux premières loges, ne ratez pas une si belle occasion : ouvrez vos entrées d’immeubles cadenassées et accueillez les photographes ! Car ce tombereau de moyens est débloqué pour virer une poignée de jeunes non-violents d’un vieil hôtel abandonné et d’une traverse en jachère. Je vous jure, ma brave dame. Ils utilisent une débauche de moyens qu’on aurait aimé connaître pour défendre le bien public de Grenoble spolié par un quelconque Carignon, n’est-ce pas, mon bon monsieur. Baah, on le savait, la justice est aveugle et la force de l’ordre dépasse les borgnes. Mais je ne peux m’empêcher de sourire, tout de même, devant cette mise en scène pour expulser les 400 couverts, le seul lieu non universitaire ou on peut discuter de Bourdieu, de Castoriadis… grinçants aussi, ces minibus de CRS sur Jean Jaurès pour virer des gens dont l’une des marottes est la discussion sur les rapports de force. Pour le coup, le rapport de force est bien déséquilibré, ça fera un beau sujet de discussion quand, brûlants sur les tisons de l’enfer, les caciques actuels du pouvoir constateront en se tordant de douleur que ces jeunes, bourgeois ou pas, tâtaient de domaines de réflexion que les générations prochaines reconnaîtront comme fondamentaux. Couleront des larmes de ciment sur leurs os malaires lorsqu’ils constateront, depuis l’oubli dans lequel eux auront été relégués dès leur trépas, qu’ils ont mis des cadenas à ce qui était le plus florissant dans Grenoble.
Mais ils auront l’éternité pour ravaler leurs sanglots, tandis que passera devant leurs orbites blanchies, de main en main, la clé des champs qu’ils avaient eux-mêmes tenté de barbeler.
En attendant, l’histoire avance, la foule ouvre son oeil, encore vif, et tient des comptes.

PS : un truc que je ne comprends pas : il y a un poste d’observation flibustier sur le toit des 400, et ça agace les policiers. Pourtant, cela s’inscrit dans le plan « Vigie pirate », non ?
Ah bon

Richbool, Grenoble, 2 août 2005, 16 h 23