La défense de M. Le Cotillec s’appuie sur ses hautes responsabilités à un si jeune âge, son succès fulgurant qui lui aurait fait perdre la tête et sa méconnaissance des femmes. Il ne se serait pas rendu compte qu’il était en train de commettre des viols.

En effet ce jeune homme est devenu sonneur en chef du Bagad d’Auray à seulement 17 ans, ce qui fait de lui le plus jeune penn-soner de l’histoire des Bagadoù. Nous comprenons qu’effectivement le succès puisse être grisant et pour nous aussi la musique traditionelle a une grande importance. Mais les articles en question parlent d’un homme qui a vrillé, d’addictions à l’alcool, la pornographie et la violence, comme si la « star » locale avait abusé d’orgies délirantes dans des hôtels de luxe Californien. Nous ne sommes pas loin de la comparaison à la rock star internationale et nous pensons qu’il faut revenir à la réalité. De plus, même si M. Le Cotillec était réellement devenu une icône planétaire, ça ne serait en rien une excuse pour violer et agresser des femmes. Cet argument-excuse ne tient aucunement et est une insulte au visage des victimes, vu ici comme de simples dégâts collatéraux.

L’accusé dit également « ne pas connaître les codes » et à du mal à « décoder les filles ». Cette défense est insupportable ! Deux plaignantes indiquent clairement avoir exprimé leur refus d’avoir un acte sexuel, la 3ème était en train de dormir quand le viol a débuté. Pour rappel dans la législation française il n’y a pas d’obligation d’exprimer un refus clair avec un « non ». Tout acte sexuel commis avec violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Le cas présent est plus clair que jamais, ces femmes ont soit verbalisé leur refus d’avoir un acte sexuel, soit elles n’étaient pas conscientes ! Il n’y a pas de codes à connaître par coeur, même un animal comprend le sens du « non » ! En outre personne n’a « les codes » de naissance, heureusement qu’on ne se met pas tou.te.s à violer notre entourage pour les apprendre…

Les victimes énoncent des actes similaires commis par cet homme de 2 mètres : étouffements, tirages par les cheveux, rapports violents, immobilisations sur des femmes n’ayant pas donné leur accord pour un quelconque rapport qu’il soit violent ou non. Dire pour sa défense « Les gestes que j’ai eu avec ces filles, je ne les pensais pas méchamment. Jamais je n’ai pensé à les violer » c’est nous prendre pour des idiots et gifler une nouvelle fois les victimes.

La défense de son avocat tient également sur le partage des responsabilités avec les personnes qui l’ont mis au poste de penn-soner prenant selon lui une « décision lourde de conséquences ». Il n’est donc carrément plus coupable et même pire, il serait finalement la victime dans cette histoire.

Sur la forme ce n’est pas mieux. Le titre de l’article : « Jamais je n’ai pensé à les violer » annonce la couleur. Le journaliste écrit qu’une des victimes « reconnaît » avoir été amoureuse. Comme si ça rendait ce viol moins grave ou qu’elle avait une part de responsabilité dans son agression. Cette information n’apporte rien à l’affaire on se demande pourquoi la soulever ? Une des victimes est une ex-amante, elle est ici qualifiée de « conquête », soit un trophée gagné ad vitam aeternam après un acte de bravoure. Partager un moment intime consenti avec une femme n’est pas un acte de bravoure. Une femme n’est pas un objet et elle n’appartient jamais, d’aucune manière, à qui que ce soit mis à part elle-même. Ce n’est pas en utilisant des adjectifs chosifiant les femmes que ce genre d’hommes comprendront qu’elles ne sont pas leur propriété, ni sur le moment, ni jamais.

L’argumentaire est violent, il ne se base que sur le sensationalisme en cherchant à attendrir le lecteur, le jury, le juge. Il se termine d’ailleurs sur le rappel que le prévenu passera quelques jours de plus en détention, son audition étant reportée à cause du covid. Doit-on pleurer sur son sort ? Cette défense dénigre totalement la gravité des faits et la probable détresse des victimes. Le journaliste se fait ici le relais d’une défense minable et abjecte dans un article bien ancré dans l’apologie du viol. Comment cet homme peut-il se remettre en question et effectuer un travail sur lui, afin de ne plus perpétrer de tels actes, quand avocats et journalistes se démènent pour le disculper en utilisant un argumentaire dédramatisant autant les faits ? C’est pour cette raison que nous voulons faire entendre notre voix, pour contre-balancer autant d’horreur et remettre chaque fait dans leurs contextes.

A la place nous aurions aimé lire de vraies excuses, pleines de regrets et de remords. Nous aurions aimé savoir ce que les bagadoù et le Festival Interceltique de Lorient (sinistre théâtre d’un des viols) ont mis en place suite à cette affaire pour protéger les femmes et leur permettre de s’exprimer plus facilement. Ont-il mis en place un processus à suivre lorsque l’on est victime ou témoin d’une agression ? Ou une référente à contacter ? Ont-ils ouverts des discussions pour libérer la parole des tabous qui restent malheureusement très fort dans nos milieux bretons tous confondus (musique, politique, syndicat et autres organisations diverses) ? Est-ce que le FIL a une table de prévention à l’entrée de son festival, comme il devrait y avoir dans tous les festivals ? Nous aurions aussi aimé savoir, en préservant leur anonymat, comment vont les victimes, si elles s’en sortent.

Nous invitons toutes les organisations bretonnes, de quelques natures qu’elles soient, à se lever contre cette défense qui fait honte à notre culture. Nous les appelons à se positionner clairement, à briser les tabous, à dire haut et fort que ces agissements appartiennent au passé, que partout nous allons multiplier les formations et les actions pour protéger les femmes. Cette homme a fait énormément de tort à la musique traditionnelle bretonne qu’il était censé servir. Il ne va pas salir notre identité, et les victimes, une fois de plus en déversant sa parole répugnante impunément dans les médias, nous ne le laisserons pas faire.

A toutes les victimes, de cette histoire comme de toutes les autres : on vous croit, nous sommes là et nous allons nous battre pour que les choses changent. La honte doit changer de camps. La parole doit se libérer. Les Bretonnes, comme toutes les femmes, doivent pouvoir accéder à tous les festoù-noz, festivals, réunions, organisations en toute sécurité partout et tout le temps.

DISPAC’H