Tout d’abord, c’est quoi la Métropole ?

Un article récent du CNCA, le collectif nantais contre l’aéroport, explique très bien les enjeux sur leur blog Nantes Nécropole:

« la Métropole, c’est le projet de soumettre l’espace urbain à la logique néo-libérale. Les  gens qui mènent cette réorganisation de l’espace sont plutôt les gens  d’en haut (genre les 1 %…) qui ont un sens de l’entre-soi assez développé, ils ont donc pas envie ni beaucoup l’habitude que les 99 % autres viennent leur dire « Hé, ce que vous être en train de faire, ça  nous concerne directement et du coup, on veut bien aussi en discuter et  surtout en décider ! ».
C’est donc pour ça qu’ils aiment bien donner un coté naturel à leur projet… Pas naturel au sens d’écologique. Non ! Naturel au sens que ça se discute pas, c’est comme ça… »

Dégage, on aménage ! 

Les processus de mise en chantiers sont variés, mais toujours bien paramétrés, de l’enquête de voisinage express lancée en plein été à la consultation hyper longue mais habilement orientée, en passant par la récupération des alternatives ou tout simplement en imposant sans discussion : par la porte ou par la fenêtre, les décideurs se comportent en buldozers de nos vies. 
Et pourtant, à Nantes, ça semble vouloir s’organiser pour ne pas laisser le terrain des décisions au seuls experts/aménageurs/bétonneurs. 

Quartier des Gohards : 

Le projet d’éco quartier des Gohards au Vieux-Doulon est un projet qui, après avoir connu un gros ralentissement, reprend de manière perfide. Proposant désormais rien de moins que construire un « Agro-quartier » avec, à l’horizon, quatre fermes urbaines pour contrer l’occupation résistante d’un terrain agricole : le Jardin des Ronces, un espace collectif d’expérimentation et de récolte jardinière joyeuses et autogérées ! C’est tout un cadre de vie où se cotoie habitant-e-s du quartier, sympathisant-e-s, gens du voyage, amoureux-ses des jardins ouvriers, etc. qui se trouve menacé par des constructions vendues comme respec’tueuses de l’environnement. Quoi de mieux, après plusieurs tentatives de séduction loupées, que de proposer fermes urbaines et implanter une association écolo, sans doute sincère hein, mais ayant le même objet que le Jardin des Ronces, et surtout, ayant l’immense avantage d’être subventionnée donc dépendante. Et puis quand on voit comment évolue l’éco-quartier initié côté Bottière, il y a de quoi s’inquiéter… 
Quelques ressources pour en savoir plus sur les arguments contre le projet. 
Samedi 2 décembre, un grand rassemblement public en soutien au jardin des Ronces sur la place du Vieux-Doulon est proposé pour en savoir plus et participer à la résistance qui s’enracine depuis 2014 !

Parc de la Moutonnerie : 

Alors qu’il demeure l’un des derniers quartiers populaires proches du centre ville, un projet de restructuration autour du parc de la Moutonnerie est porté par la mairie : 80 à 100 logements seraient construits à la place du parking Tivoli, empiétant sur le parc. À deux pas de l’expulsé squat « rue des stocks » qui hébergeaient des migrant.e.s laissé.e.s à la rue par les autorités.
Cette restructuration implique une délocalisation de la Maison d’Accueil de Jour (MAJ) et la destruction du bâtiment dans lequel elle est hébergée depuis 1989.
Ce projet aura des conséquences majeures sur la vie des usager.e.s de la MAJ (800 personnes accueillies) et remettra en cause la cohésion sociale de l’ensemble du quartier.Un collectif informel, composé d’usager.e.s de la MAJ, d’habitant.e.s du quartier et de personnes concernées, se mobilise pour contester ce projet et ses méthodes. 
Pour en savoir plus. Un rassemblement de protestation a déjà eut lieu le 10 novembre, d’autres ne manqueront pas de suivre… 

Bas de Chantenay 

Depuis cette année, Nantes Métropole transforme cette friche en jardin bien ordonné pour y installer un projet culturel : l’Arbre aux hérons, financé avec plusieurs millions d’euros d’argent public, entre autres irrégularités abusives. L’opération vise à préparer un gigantesque projet d’aménagement sur la partie restée populaire de Chantenay. La ville veut y installer « un quartier attractif et agréable à vivre » et prévoit d’y investir des sommes colossales pour « créer des équipements rendant la pratique nautique possible, la construction de 1 000 à 1 500 logements, ou la livraison de 90 000 m2 environ de commerces ».
Reproduction d’un texte placardé dans Nantes concernant le projet de l’Arbre aux hérons
Par ailleurs, une page hélas-facebook semble aussi suivre de près le dossier.
Face aux aménageurs, un début de riposte ?  Le 11 novembre dernier une première rencontre était organisée. D’autres suivront… 

Hyper-Centre: 

Attention, voici les gros bras du PSMV : le « Plan de sauvegarde et de mise en valeur du centre-ville« , adopté en juin 2017, qui inclue le « grand projet d’amélioration et de végétalisation des espaces publics dans le cadre de la longue promenade de la Loire à la Gare« . Sont désormais impactés le square Fleuriot et la gare des bus de Feydeau-Nord-Commerce. 

Square Fleuriot : 

L’annonce du projet, en juin 2017 a été suivie d’une enquête publique express du 4 au 18 juillet 2017, autant dire qu’avec un si court délai en plein été, c’est que dale pour s’organiser. C’était sans compter sur la vigilance de certain-e-s! Puis, patatra, les fouilles font apparaître des vestiges archéologiques. Qu’à cela ne tienne, les vestiges seront conservés sous un plancher en verre au détriment non pas des surfaces commerciales prévues, mais des logements qui ne bénéficierons que d’un seul étage sur les deux initialement projetés ! Les quelques commerces de plein-air, bouis-bouis précaires, ont été déplacés sur des places de stationnement un peu plus loin, mais peu de chances pour qu’ils réintègrent leurs emplacements initiaux, ni qu’ils soient pérénisés à leurs emplacements actuels. A ce jour, l’abattage des arbres ayant sucité beaucoup de réactions, il sont toujours en place… mais pour combien de temps ? Les travaux devraient donc commencer début 2018. La livraison finale du nouveau bâtiment est programmée pour le printemps 2019… Sauf si on s’organise !!! Un joyeux bordel en perspective dans les chalets de la fête commerciale de décembre ?

Feydeau-Nord-Commerce : 

Que sait-on pour l’instant du « projet de réaménagement de Feydeau-Commerce » ? Pour résumer : tous les arbres sont sacrifiés, compensés par une communication typique greenwashing, allant jusqu’à parler d’une « forêt » là où des arbres centenaires, véritables poumons du centre, laisseront place à des arbustes aux « essences rares », enserés dans un parterre minéral et quelques touffes de verdure designées par la caution paysagiste, comme c’est déjà le cas autour du Carré Feydeau (que Johanna Roland reconnait pourtant être la pire erreur faite dans le centre… mais juste parce que les surfaces commerciales galèrent, hein !) Le prolongement logique d’une longue déambulation grise parsemée de quelques jeux et autres attractions touristiques où l’humain n’est qu’un pion devant impérativement être guidé vers les surfaces marchandes. Autre blindage de communication : une consultation sur plus d’un an n’ayant pas empêché la réaction un-peu-critique-mais-pas-trop du Forum Nantes Patrimoine au projet Feydeau Nord. Il est à craindre que la gare des bus soit donc déplacée, un peu plus loin vers le C.H.U. qui lui aussi est dans la tourmente d’un énorme projet (on en parlera mieux une prochaine fois). Comme ces aménagements sont organisés par et pour des valides, qui intègrent fort heureusement les problèmes d’accessibilité des fauteuils roulants mais pas les problèmes de déplacement d’un grande partie de la population partiellement valide (l’accessibilité des bus et la robotisation du personnel de la TAN mériterait un autre article complet !), nulle part n’est fait mention de ce qu’implique le déplacement de la population sur cet espace, qui sera sans nul doute beaucoup plus surveillé et accessible aux raffles, pardon, aux contrôles policiers… 

Prolongement logique : la Petite Hollande 

Très logiquement, à la suite des aménagements Fleuriot et Commerce, et pour faire la jonction avec Chantenay mentionné plus haut, ce sera le lancement du chantier de « réhabilitation » de la place-parking-marché de la Petite Hollande… pour la rendre commerciale pas uniquement le samedi ! Une première offensive d’habitant.e.s avait réussi à faire reculer le projet d’aménagement de la place de la Petite Hollande, retoqué dans les dossiers pour une meilleure présentation qui ne devrait pas tarder à ressurgir, une consultation étant organisée depuis avril et devant se terminer en novembre.

Pour l’instant peu de mobilisations à l’horizon sur cet axe Fleuriot / Commerce / Feydeau / Petite Hollande. Mais ça ne saurait tarder, certain.e.s, comme l’OBSlab, sont vigilant.e.s et alertent depuis longtemps sur ces projets. 

Une nécropolisation décomplexée.

Quel est le dessein sous-jaccent de cette customisation de Nantes à grands coups de pseudo démocratie participative, minéralisation des espaces verts, modernisation invisibilisante du passif ouvrier et sanctuarisation sécuritaire ? Ne nous leurrons pas avec les gadgets participatifs mis en place.
Il est évident qu’abattre des arbres dans le coeur de Nantes pour construire toujours plus d’espaces commerciaux sera compliqué et ne pourra passer qu’avec de jolies promesses de confort vendues avec force de feutres verts pour donner, comme pour le projet d’aéroport en son temps, l’illusion d’un espace hyper-naturel, hyper écoloqique. Il est évident qu’une ville qui vise l’excellence attractive nationale, voire mondiale, ne peut s’encombrer des vestiges de son passé ouvrier, témoins génant de la chute du monde industriel. Sauf à spectaculariser certaines friches industrielles comme l’a fait en son temps l’équipe Ayrault-Blaise, ces terrains sont des niches beaucoup trop juteuses aux yeux des partenaires Vinci, Bouygues et cie pour les laisser à une poétique vacuité urbaine ou les offrir sans contrepartie à la réappropriation spontanée.Il est évident que les manifestations, les mouvements sociaux, les colères des quartiers doivent être étouffées. Les affronts faits aux biens capitalistes ne peuvent que recevoir une réponse directe : ça s’appelle l’économie de surveillance ou capitalisme de surveillance et s’implante sous le joli nom de Smart City. Nous y reviendrons.

Toutes ces transformations n’ont qu’une visée, l’alliance des élu-e-s et des capitaux pour maintenir et accroitre leurs pouvoirs réciproques. Par exemple, la mise à bas de la végétation arborescente séculière permet de redonner de la valeur marchande aux immeubles. Hé oui, les facades masquées par des arbres, ça fait dégringoler le prix d’un appartement de luxe dans le centre ! Autre exemple : les travaux visant à nettoyer toute la zone vraiment trop grouillante de diversité du centre permettent que le touriste et le nouvel arrivant aisé puissent se mouvoir dans un espace très smart, clean, moderne, connecté, et bien sûr, rentable. Tout cela est clairement expliqué dans le plan de relance de l’attractivité des commerces de centre-ville. Le tout afin de privilégier, une fois de plus, à la fois les classes favorisées, mais aussi contenir et policer, pardon, « sécuriser » les mouvements de foule.

Ainsi, les attaques sont multiples, mais le but premier est de fabriquer une ville propre, rentable, et surtout contrôlable. La prévention situationnelle, comme dirait la prefecture ! Et cela n’est possible que par le truchement d’une fabrication du consentement… participatif.

Conclusion : ce n’est qu’un début !

Ayrault a marqué de son passage l’axe des 50 otages, Johanna Rolland lui donnne son pendant perpendiculaire de la Loire à la Gare, et ainsi le PS aura une belle croix grise sécurisée au coeur de Nantes. Ils auront ensuite beau-jeu de moquer la « start-up nation » quand iels lui ont si bien déroulé le tapis rouge-blanc-bleu-vert… donc brun. L’aménagement de la démocratie nantaise passe par un site qui propose, presque sur une modalité de jeu, de participer aux décisions, bien canalisées, hein, faut pas déconner. On y découvre, au milieu de tous ces projets d’aménagements qu’on vous a énumérés, un « projet participatif » pour « ré-inventer » 15 lieux en « friche » … La tentative récente de donner un vrai visage social et digne au projet de la galerie Dulcie September de l’ancienne Ecole des Beaux-Arts, malgré un soin tout particulier à respecter les codes de la communication municipale, a viré à une nouvelle démonstration de force et d’inhumanité. Ce qui n’a pas manqué de provoquer une réplique trois jours plus tard!

Car comme ça se passe pas forcément comme les décideurs le veulent, y’a fort à parier que les oppositions vont se renforcer, se re-créer, s’entraider et contrer leurs fantasmes d’hyper attractivité, de croissance illimitée et de chasse aux pauvres. 
A nous de jouer !