Avant la naissance d’Israël, Chaim Weizmann, qui allait devenir le premier président du pays, a dit en 1919 : « [Il est] d’une importance vitale non seulement de prendre toutes les ressources en eau alimentant déjà le pays, mais aussi de contrôler leur source. » Rafael Eitan, chef de cabinet et ministre de l’Agriculture et de l’Environnement, a déclaré quelques années plus tard : « Israël doit s’approprier la Cisjordanie pour veiller à ce que les robinets de Tel Aviv ne soient jamais à sec. »

L’actuel Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré en 1998 : « Et quand je parle de l’importance de la sécurité d’Israël (…), cela veut dire qu’une ménagère à Tel Aviv peut ouvrir le robinet et elle a l’eau courante, et qu’elle n’est pas tarie à cause d’une décision inconsidérée qui aurait cédé le contrôle de nos aquifères aux mauvaises mains. »

En 1967, l’année du début de l’occupation [de la Cisjordanie , ndt], Israël a mis en action le plan dont Weizmann avait parlé dès 1919. Toutes les ressources palestiniennes en eau ont été déclarées « Propriété de l’Etat israélien » et les Palestiniens ont dû demander des autorisations pour développer cette ressource. Une trentaine d’années après, les Accords d’Oslo ont été signés, censés mettre un terme à la situation. 20 ans plus tard, il est clair qu’ils ont au contraire officialisé et légitimé un régime discriminatoire existant – un régime toujours en place aujourd’hui.

En Cisjordanie , le Jourdain, l’une des principales sources d’eau, a été détourné en amont dans le lac de Tibériade (ou lac de Kinneret ou Mer de Galilée) à l’intérieur d’Israël, tandis que l’accès à ses berges est interdit aux Palestiniens. Les Palestiniens ont accès à un cinquième de l’aquifère de montagne, l’autre source principale, alors qu’Israël se taille la part du lion.

Le mur de séparation, les barrages routiers, les checkpoints et autres « mesures de sécurité » israéliennes restreignent encore davantage l’accès des communautés palestiniennes aux ressources en eau et aux points d’approvisionnement. Pendant ce temps, les colons israéliens vivant sur le même territoire ont de l’eau en abondance ; la consommation des plus de 500.000 colons israéliens en Cisjordanie est environ six fois plus élevée que celle des 2,6 millions de Palestiniens.

Pour augmenter des stocks insuffisant, les Palestiniens doivent acheter l’eau à la compagnie nationale israélienne de l’eau Mekorot – cette même eau qu’Israël extrait de l’aquifère de montagne et que les Palestiniens devraient être en mesure d’extraire pour eux-mêmes.

Jamal Juma, coordinateur de la Campagne Stop The Wall, un organisme qui fait partie d’un réseau de groupes qui contestent Mekorot, a déclaré : « Le vrai problème de l’eau en Palestine n’est pas sa rareté. Il y a plus de précipitations annuelles à Ramallah qu’à Londres et la consommation d’eau par habitant en Israël est plus élevée que la consommation moyenne en Europe. Le problème de l’eau en Palestine est créé par Israël, par le vol systématique de l’eau et le déni d’accès à l’eau. Mekorot est l’acteur central qui met en œuvre ce que nous appelons l’apartheid de l’eau d’Israël.« 

Pour les résidents de Jérusalem Est, la situation est légèrement différente. Jérusalem-Est est tombée sous juridiction israélienne après qu’Israël a annexé l’ensemble de la ville. Les Palestiniens jérusalémites paient des impôts à Israël et ont donc techniquement droit aux services de santé israéliens, aux prestations sociales et aux services municipaux – dont l’eau courante. Toutefois, les quartiers de Ras Shehada, Ras Khamis, Dahyat A’salam et le camp de réfugiés de Shuafat souffrent d’une sévère crise de l’eau depuis mars 2014, lorsque les habitants ont passé trois semaines sans eau. Ils sont obligés d’acheter de l’eau en bouteille à un coût élevé et doivent restreindre leur consommation en utilisant des pompes électriques et des conteneurs industriels.

A Gaza, l’infrastructure de l’eau est en ruine à la suite des guerres à répétition et du blocus qui empêche les réparations et l’entretien. A la fin des derniers bombardements de cet été, au moins 26 puits ont été complètement ou partiellement détruits, tandis que 46km de réseaux d’approvisionnement en eau étaient endommagés, selon un rapport de l’Autorité palestinienne de l’eau. Le réseau de distribution d’eau a subi des dommages estimés à 34,4 millions de dollars.

Le traitement des eaux usées est un autre problème de longue date dans la Bande de Gaza. Nombre de résidents ne sont pas reliés à un système d’égout et les eaux usées domestiques coulent dans des fosses d’aisance qui contaminent les eaux souterraines. Les pénuries d’électricité et les dommages aux structures de traitement de l’eau au cours de l’Opération Plomb Durci, l’offensive militaire israélienne de fin 2008-début 2009, ont aggravé la situation – quelques 90 millions de litres d’eaux usées non traitées se jettent dans la Méditerranée chaque jour.

Avant la dernière attaque, 97 pour cent des résidents de Gaza étaient reliés à un réseau d’eau public. Cependant, 90 pour cent de celle-ci était impropre à la consommation et les résidents étaient donc obligés d’acheter de l’eau traitée dans les usines gouvernementales ou privées, ou des usines gérées par des organismes de bienfaisance. Le système public de l’eau permet que les ménages aient l’eau courante ; cependant, les coupures d’électricité et de carburant empêchent le pompage de l’eau pour l’injecter dans le réseau.

L’accès à l’eau est une ressource hautement politisée et manipulée en Palestine. Parce que les communautés palestiniennes souffrent – que ce soit à cause de la destruction de leurs puits, parce que l’eau n’arrive pas aux robinets ou que les eaux usées se jettent dans les rues – il est évident qu’en Palestine, l’eau n’est pas un droit.

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