Après le massacre de marikana, l’afrique du sud est frappée par des grèves massives
Catégorie : Global
Thèmes : Répression
Dans le numéro du mois de septembre (RI no 435), nous analysions le contexte dans lequel s’est déroulé le massacre des mineurs en grève à Marikana par la police sud-africaine, le 16 août dernier. Nous montrions de quelle manière les syndicats et le gouvernement avaient en fait tendu un piège meurtrier aux ouvriers afin d’étrangler la dynamique de lutte qui touche depuis plusieurs mois “la plus grande démocratie africaine”. Tandis que ses flics brutalisaient et assassinaient les travailleurs en toute impunité, la bourgeoisie brandissait le thème de l’apartheid pour les entraîner sur le terrain stérile de la prétendue lutte des races dont les travailleurs noirs seraient les victimes. Si les grèves semblaient s’étendre à d’autres mines, il nous était toutefois impossible de déterminer avec certitude si elles glisseraient effectivement sur le terrain du conflit inter-racial ou continueraient à s’étendre.
Depuis la publication de notre article, nous avons assisté au plus important mouvement de grève en Afrique du Sud depuis la fin de l’apartheid en 1994. Ces grèves sont doublement significatives car, non seulement elles démontrent – si cela était encore nécessaire – que derrière le prétendu miracle économique des “pays émergents” se cache, comme partout, une misère croissante, mais elles mettent également en évidence que les travailleurs du monde entier, loin d’avoir des intérêts divergents, se battent partout contre les conditions de vie indignes qu’impose le capitalisme. A ce titre, malgré les faiblesses sur lesquelles nous reviendrons, les grèves qui secouent l’Afrique du Sud s’inscrivent dans le sillage des luttes ouvrières de par le monde…
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http://fr.internationalism.org/ri437/depuis_le_massacre….html
Courant Communiste International
La lutte contre l’apartheid est un « piège meurtrier brandi par la bourgeoisie sur le terrain stérile » de l’antiracisme !
Ça donne vachement envie de lire la suite…
On peut aussi trouver des analyses qui parlent de la lutte de classe sans se sentir pour autant obligées de dénigrer systématiquement la lutte anti-apartheid. C’est autrement plus crédible.
Du sang, de la sueur… et des balles !
Haine de classe. Voilà ce que l’on ressent en voyant et revoyant les images terribles du lâche et sauvage massacre de 34 mineurs grévistes à Marikana en Afrique du Sud. C’est un crime contre tous les mineurs, contre tou-te-s les travailleur-euse-s d’Afrique du Sud. L’ensemble du mouvement ouvrier mondial est concerné aussi. Mais alors que cette brutale attaque cherchait à entamer le moral et la lutte de l’un des secteurs les plus exploités et opprimés du prolétariat, elle n’a fait que renforcer leur détermination en déclenchant même des grève similaires dans d’autres mines.
Haine et mépris de classe, c’est aussi ce qu’exprime la direction de la multinationale britannique Lonmin, où travaillaient les grévistes assassinés, qui deux jours après le bain de sang envoyait des télégrammes sommant les ouvriers de reprendre le travail au risque d’être licenciés ! Le gouvernement sud-africain n’est pas en reste. En effet, même s’il a fait pression sur la direction de Lonmin, qui emploie 38000 salariés, pour qu’elle retire son « ultimatum », sa police n’a de fait pas arrêté d’intimider et de harceler les grévistes, aussi bien avant qu’après la tuerie. C’est ainsi que le 16 août dernier plus de 500 membres des forces de répression de l’Etat, équipés d’armes automatiques, avec des hélicoptères et des véhicules lance-eau à l’appui, ont été envoyés pour briser la grève de plus de 3000 mineurs, ce qui a débouché sur l’assassinat des 34 ouvriers [1].
La sinistre décision de justice qui a suivi constitue une preuve de plus de la servilité du gouvernement de l’African National Congress (ANC) vis-à-vis du capital impérialiste. Appuyée sur une loi datant du temps de l’Apartheid, elle inculpait les deux cent soixante-dix mineurs arrêtés lors de la fusillade policière à Marikana du meurtre de leurs trente-quatre camarades ! Finalement, face au scandale et aux réactions d’indignation que cela a provoqué, l’inculpation a été « suspendue ».
Ce qui est certain c’est que malgré la fin officielle de l’Apartheid en 1994, le régime de mépris, d’exploitation et de violence contre les travailleurs et les masses, dans l’écrasante majorité Noires, s’est maintenu tout au long de ces années de domination de l’ANC. L’Afrique du Sud continue essentiellement à être une semi-colonie dominée par le capital impérialiste associé à la bourgeoisie Blanche et à une naissante mais toute aussi réactionnaire bourgeoisie Noire. La lutte héroïque et déterminée des mineurs de Marikana, qui s’est soldée par la mort de 43 ouvriers au total, en est une preuve irréfutable.
Le travail dans les mines : un massacre permanent… organisé pour le profit des multinationales
Le secteur minier est stratégique pour l’économie sud-africaine, dont il représente entre 5% et 8% du PIB. Dans la dernière période, l’augmentation de la demande des matières premières au niveau mondial, notamment dans les pays industrialisés, a accéléré l’exploitation des ressources minières du pays. Ainsi, on compte autour de six cent mille travailleurs dans le secteur, les principaux groupes au niveau mondial étant implantés en Afrique du Sud. Le profit moyen des neuf compagnies minières qui y sont présentes, après le payement des salaires et des impôts et des coûts fixes, est estimé à 3,6 milliards d’euros par an !
Dans le même temps, les travailleurs du secteur sont parmi les plus exploités et ont les conditions de travail et de vie les plus dures. En effet, « les mineurs travaillent dans des mines très profondes, où la chaleur est souvent intenable, la poussière très importante – qui se fixe aux poumons – et le sol glissant. Pour huit ou neuf heures de travail par jour, ils touchent en moyenne 4 000 rands (390 euros) par mois, ce qui est insuffisant par rapport à la dureté de leur labeur. La plupart d’entre eux vivent dans des taudis, parfois sans eau courante ni électricité » [2].
Cette situation ne constitue pas, en outre, une exclusivité sud-africaine, mais la norme du secteur au niveau mondial. Ainsi, « la grande visibilité des morts à Marikana et une série d’accidents industriels survenus récemment ont mis en évidence le coût humain de l’extraction et jusqu’à quel point plusieurs secteurs de l’industrie mondiale sont dépendants du travail des ouvriers des régions pauvres du monde. (…) Par exemple, au moins 60 mineurs ont été tués après l’effondrement d’un puits dans une mine d’or au nord-est de la République Démocratique du Congo (…) Et bien sûr, les 33 mineurs chiliens bloqués sous terre pendant 69 jours en 2010 qui ont attiré l’attention au niveau mondial. (…) La géographie des endroits où ces mines sont basées est en général à haut risque » [3]. En effet, les métaux extraits dans les pays pauvres sont fondamentaux pour les pays industrialisés : par exemple le platine, dont l’Afrique du Sud assure 80% de la production mondiale, est utilisé entre autres dans l’industrie automobile et dans la production de matériel informatique.
Cependant, la crise mondiale qui est focalisée, pour le moment, dans les pays impérialistes centraux, rend ce secteur très vulnérable. Ainsi les multinationales exportatrices de platine, « avec la chute des prix dans l’industrie automobile européenne, doivent réduire la production et licencier des milliers de travailleurs pour rendre rentable leur affaire -ce qui est tout simplement impossible dans le climat politique actuel » [4]. Il s’agit sans doute de l’un des facteurs qui expliquent la ligne dure adoptée par la direction de Lonmin face à la demande d’augmentation des salaires de la part des mineurs.
Des fissures dans le régime de l’ANC
« La tension se répand dans toute l’Afrique du Sud. Marikana n’est pas simplement un conflit local, ce n’est pas une tragique aberration. On a ouvert une boîte de Pandore et ce qui est en jeu n’est ni plus ni moins que la grande et indiscutable réussite depuis la prise du pouvoir par Nelson Mandela en 1994 : la paix. Les héritiers de Mandela dans le gouvernement de l’African National Congress (ANC) perdent le contrôle et leur crédibilité ; le risque que les révoltes sociales s’étendent dans tout le pays augmente » [5]. Autrement dit, les conditions misérables et humiliantes de vie et de travail des masses d’Afrique du Sud, entretenues et approfondies depuis 18 ans par l’ANC, ces conditions mêmes qui ont poussé les mineurs à la lutte, commencent à remettre en cause le « consensus social » imposé durant la période de « transition négociée ».
En effet, vers la fin des années 1980 la lutte de la population Noire contre le régime d’apartheid se développait et risquait de devenir une révolution ouvrière et populaire. Pour désactiver cette dynamique, l’impérialisme et la minorité Blanche au pouvoir ont mis en route une transition ordonnée et négociée avec l’ANC. Celui-ci était à la tête de la lutte anti-apartheid et, avec le Parti Communiste, constituait la médiation réformiste entre les masses et le régime. C’est l’alliance de ces deux forces, dont Mandela était la figure emblématique, qui a garanti l’impunité des responsables des crimes contre les masses Noires et surtout permis que les intérêts économiques de la bourgeoisie Blanche et de l’impérialisme ne soient pas touchés. En ce sens, la fin de l’apartheid et l’obtention des droits civiques pour l’écrasante majorité Noire, c’est la forme qu’a pris la déviation de la révolution prolétarienne en Afrique du Sud, une déviation en grande partie mise en musique par l’ANC.
Cependant, après presque deux décennies de politiques néolibérales et antipopulaires, de corruption, d’augmentation des inégalités et d’espérances populaires déçues, le mécontentement parmi les masses Noires commence à se faire sentir, ce qui montre le caractère purement formel des concessions faites à l’époque par les classes dominantes et l’impérialisme. Marikana n’est donc qu’un exemple paradigmatique de cette situation. Et cette fois la rage n’est pas seulement dirigée contre la bourgeoisie Blanche raciste, mais aussi contre une certaine élite Noire, dans une grande mesure liée à l’appareil d’Etat, qui a profité de la fin de l’apartheid pour s’enrichir. Plusieurs journaux citent ainsi l’exemple de Cyril Ramaphosa, fondateur du Syndicat National de Mineurs (NUM en anglais) en 1982 et principal négociateur de l’ANC « durant la période de transition à la démocratie au début des années 1990, devenu un magnat dont la fortune s’élève à des centaines de millions d’euros (…). Ramaphosa continue d’être une figure emblématique non seulement au NUM, mais un des barons les plus influents de l’ANC » [6]. Un autre exemple : le ministre de la Justice et haut dirigeant du Parti Communiste, Jeff Radebe (qui a joué un rôle central dans la répression des mineurs), est marié à Bridgette Radebe, la femme la plus riche d’Afrique du Sud, et propriétaire de la compagnie minière Mmakau Mining. Le beau-frère de Radebe est d’ailleurs l’homme le plus riche du pays.
Ce que l’on observe ici ne constitue évidemment qu’une tendance, qui en se développant pourrait approfondir la crise politique qui semble commencer à ébranler le régime « post-transition » en Afrique du Sud. En effet, « l’ANC est encore de loin le parti le plus puissant et populaire [du pays] (…) Aux dernières élections générales, en 2009, il a obtenu 66% des voix (…) contre seulement 17% pour le plus grand parti d’opposition, le libéral Democratic Alliance (DA) qui est encore perçu par la plupart des Noirs comme une organisation essentiellement dirigée par des Blancs. (…) Le DA est encore à des [kilomètres] de distance d’avoir une chance réelle de prendre le pouvoir. A long terme, l’ANC pourrait perdre le pouvoir s’il subissait une importante scission » [7]. L’exclusion en avril de cette année de l’ancien leader de la jeunesse de l’ANC, Julius Malema, est peut-être l’exemple le plus visible de ces tensions qui traversent le parti au pouvoir. Malema d’ailleurs n’a pas hésité à rendre visite aux mineurs de Marikana après le massacre en les exhortant à déclencher une « révolution minière » et en demandant « la nationalisation de la mine » ainsi que « la démission du président Jacob Zuma » [8]. Cependant, « en même temps qu’il dénonce Zuma et d’autres figures ponctuellement, Malema se garde d’accuser l’ANC elle-même, cherchant à laisser la porte ouverte à une possible réintégration dans l’organisation. Se référant à l’agitation populaire, Malema a déclaré au Mail and Globe qu’« il y avait un vide politique et nous avons occupé cet espace. Si nous n’avions pas réussi à le faire, de mauvais élément auraient pris cet espace » [9].
L’exemple des grévistes de Marikana fait tâche d’huile !
La principale revendication des mineurs de Marikana consistait en la demande d’augmentation des salaires. Comme on l’a vu, la rémunération moyenne actuelle des ouvriers et ouvrières de Lonmin se situe autour de 4000 rands (environ 400 euros) et les grévistes exigent un salaire de 12500 rands (1200 euros). Le courage et la détermination de ces travailleurs qui, même après la sauvage répression, ont continué et amplifié leur mouvement gréviste, ont servi d’exemple pour les mineurs d’autres compagnies dans tout le pays, qui se sont mis en grève aux cris de « nous aussi nous voulons 12500 rands » ! Ainsi, des mineurs de la Gold Fields, de la Royal Bafokeng Platinum, de l’AngloGold Ashanti et de l’Anglo American Platinium se sont mis en grève et ont commencé à revendiquer des augmentations de salaire. La direction de l’Anglo American Platinium a dû même faire un lockout pour soi-disant « protéger les salariés qui ne sont pas en grève des intimidations extérieures ».
La plupart de ces grèves sont menées contre l’avis de la bureaucratie syndicale. Chez Lonmin comme dans d’autres mouvements antérieurs similaires s’est en effet révélé un autre élément de crise dans le régime : le discrédit de la bureaucratie syndicale parmi certains secteurs du mouvement ouvrier. Ceci est un grave problème pour le gouvernement et les classes dominantes sud-africaines car la cooptation de l’appareil syndical est un élément fondamental du pouvoir de l’ANC depuis 1994. L’alliance avec la puissante confédération syndicale COSATU (Congress of South African Trade Unions) et le Parti Communiste a ainsi été une façon de contenir, de contrôler et de dévier le mouvement ouvrier sud-africain.
A Marikana la grève a été menée par un syndicat parallèle issu d’une scission du NUM (le syndicat le plus important de la COSATU), l’AMCU (Association of Mineworkers and Construction Union). Ce n’est pas un hasard si la direction de la multinationale, le gouvernement et la bureaucratie syndicale condamnaient à l’unisson cette grève en la qualifiant « d’illégale », terme qui a été repris par tous les médias impérialistes. En effet, « la rage des mineurs (…) trouve sa source non seulement dans le fait qu’ils touchent des salaires de misère mais aussi dans cette réalité que les leaders syndicaux vivent (…) comme des rois. Le président du NUM gagne par mois 25 fois plus que les mineurs qui ont rejoint l’AMCU. Lorsqu’il est allé à la mine de Marikana après le massacre, il n’a pas pu sortir de la voiture de police qui le transportait de peur qu’on le tue » [10].
Un accord qui mettra fin aux luttes et aux grèves ?
On apprenait finalement mercredi 19 septembre qu’un accord avait été trouvé entre les grévistes et Lonmin. Celui-ci, loin de satisfaire la demande de 12500 rands exigés par les mineurs et pour laquelle 43 travailleurs ont donné leur vie, stipule une augmentation d’entre 11% et 22% selon les catégories ainsi qu’une prime unique de 2000 rands. Toute une faune réactionnaire a participé aux négociations pour faire plier les mineurs : du clergé regroupé dans le South African Council of Churches (SACC) à la bureaucratie syndicale de la NUM, en passant par les “chefs traditionnels” du Congress of Traditional Leaders (Controlesa).
Avant la grève, on l’a dit, un mineur gagnait environ 6 700 rands bruts, c’est-à-dire 4600 rands nets. Après l’augmentation offerte par Lonmin, il faut compter 1800 rands de plus. Comme on le voit, on est très loin des 12500 rands revendiqués ! En effet, l’entreprise a essayé de tromper le monde et de discréditer la lutte des salariés en présentant des chiffres en brut, qui effectivement avec l’augmentation approchent des 11000 rands pour certaines catégories. Mais il est très clair que quand les ouvriers exigent le triplement de leur rémunération ils parlent du salaire net. Appuyés sur ces chiffres magouillés de l’entreprise, les médias ont parlé de « victoire ». Le comble du cynisme a été la déclaration d’Abey Kgotle, directeur exécutif pour les affaires générales de Lonmin, qui a dédié l’accord à « tous les employés décédés qu’il a fallu enterrer » !
On pourrait alors se demander pourquoi les mineurs ont accepté l’accord. Le fait est qu’ils ont subi beaucoup de pressions, qui se sont ajoutées à un mois de grève qui commençait à peser économiquement sur des travailleurs qui connaissent des conditions d’existance très précaires. La bureaucratie syndicale a lourdement pesé en ce sens. Un jeune mineur déclarait par exemple, qu’« il a accepté l’offre, non parce que cela lui semblait satisfaisant mais parce que ses dirigeants [syndicaux] lui avaient dit que la mine pourrait fermer » [11]. En effet, « dans un caucus qui excluait l’AMCU, les syndicats officiels ont essayé d’expliquer la facilité avec laquelle les travailleurs impliqués dans une grève non protégée pourraient être licenciés, à quel point Lonmin s’en sortait mal, comment une offre supérieure pourrait impliquer la perte de postes de travail… » [12].
Un autre facteur important pour comprendre le retour au travail à Marikana est la répression des forces de police qui depuis le 14 septembre avaient imposé un couvre-feu non avoué : « un mineur qui ne voulait pas être identifié a déclaré que la police avait imposé un couvre-feu dans les campements d’Ikineng, de Marikana et de Wonderkop samedi dernier et ‘qu’aucun homme n’avait le droit de sortir, seulement les femmes’. Il a dit que la police avait empêché les travailleurs d’organiser des meetings et les a prévenu que s’ils voyaient quatre ou plus mineurs ensemble ils seraient battus (…) Brian Mongale, un autre mineur, a déclaré que les mineurs avaient peur d’être réprimés par la police et sont retournés au travail. A la question de pourquoi ils avaient accepté l’offre de l’entreprise, Mongale répond sans hésiter : à cause de l’Etat d’urgence. C’est évident… » [13].
Même si pour l’instant cet accord a réussi à faire reprendre le travail aux mineurs de Marikana, d’autres mines à travers le pays continuent leur lutte pour les augmentations de salaires. Le jour même où les mineurs de Lonmin reprenaient le travail, ceux d’AngloGold Ashanti se mettaient en grève, une propagation qui effraie la bureaucratie syndicale : « notre plus grand souci c’est que si on est rentrés dans une voie où l’on aura des demandes sporadiques dans différents secteurs de l’industrie, les négociations collectives seront sapées et ce sera le chaos » [14], déclarait Lesiba Seshoka, porte-paroles de la NUM.
Ce qui s’est passé à Marikana pose bien plus qu’une question salariale !
Il serait erroné de penser que la lutte des mineurs de Marikana peut être réduite à la revendication salariale, et même à celle concernant l’amélioration des conditions de travail. A travers la demande de 12500 rands par mois s’exprimait un ras-le-bol des conditions humiliantes de vie. A côté des sites d’extraction, de production ou des chantiers s’entassent des millions de travailleuses et de travailleurs avec leur famille, dans des bidonvilles sans eau potable ni électricité, ni infrastructures de base comme le système d’évacuation des eaux usées, entre autres. Marikana remet sur le tapis la question de la lutte pour l’égalité, mais non simplement « l’égalité civique » mais aussi l’égalité sociale. Les travailleurs et les masses populaires Noires exigent des solutions à leur situation de misère structurelle. Ce n’est pas un hasard si des centaines de mineurs reprenaient les paroles de Malema quand il évoquait la question de la nationalisation des mines.
Le niveau de sauvagerie de la répression de l’Etat est proportionnel à la peur que la bourgeoisie locale, Blanche et Noire, et l’impérialisme ressentent face au mouvement ouvrier en lutte, même lorsque celui-ci n’exige qu’une partie infime de ce à quoi les masses ont droit. A présent que la crise entre dans une phase où les pays dits « émergents » seront de plus en plus durement touchés, il faut s’attendre à ce qu’il s’y développe une conflictualité sociale toujours intense. Il faut donc que le mouvement ouvrier soit prêt à faire face à de grandes luttes.
Dans le cas de l’Afrique du Sud il est clair qu’il faudra aller au-delà des limites imposées par le régime de l’ANC pour satisfaire les demandes fondamentales des travailleurs et des couches populaires. Il faut que le mouvement ouvrier et populaire s’organise indépendamment de la bourgeoisie nationale, de l’impérialisme et de la bureaucratie syndicale, pour exiger la nationalisation des mines et des richesses naturelles du pays ainsi que des secteurs stratégiques de l’économie nationale, sous contrôle et gestion des travailleurs et des masses populaires. Il faut également exproprier les grands propriétaires fonciers et partager la terre entre les paysans pauvres qui n’en possèdent pas. Cela permettrait de résoudre la question du chômage structurel (plus de 30% aujourd’hui), du développement du pays et de l’amélioration du niveau de vie de la population. Il est évident que pour mener à bien ces mesures les travailleurs doivent poser la question de la construction de leur propre pourvoir et de leur propre armement, contre le terrorisme de classe de la bourgeoisie Blanche et de ses laquais de l’ANC. Le changement bidon dirigé par l’ANC démontre que seulement le prolétariat, à la tête des masses opprimées et à travers son propre pouvoir, peut résoudre intégralement et effectivement les énormes problèmes démocratiques structurels qui pèsent sur les masses sud-africaines.
Dans l’immédiat, Il faut exiger la punition des responsables matériels et politiques du massacre de Marikana, qui jusqu’aujourd’hui jouissent d’une impunité totale, comme le montrent les intimidations qu’ils continuent à exercer sur les grévistes. La lutte des mineurs doit dépasser la sphère syndicale et prendre un caractère plus ouvertement politique. Ce serait la meilleure façon de venger nos frères de classe abattus pour avoir lutté pour leurs droits !
Philippe Alcoy
http://www.legrandsoir.info/du-sang-de-la-sueur-et-des-….html
Cet article des staliniens du Grand Soir reprend intégralement tous les pièges dans lesquels la bourgeoisie aimerait enfermer les luttes des mineurs d’Afrique du Sud : ce serait une lutte « masses populaires Noires », qui reprendraient la revendication de « nationalisation des mines » !
Premier problème : nos staliniens sont bien obligés de reconnaître que pour la bourgeoisie, le problème n’est pas « racial »: en Afrique du Sud, c’est autant la bourgeoisie « noire » que « blanche » qui réprime ! Pour la classe ouvrière de ce pays, le problème ne peut donc pas être différent : c’est sur la base de la lutte contre l’exploitation qu’il faut lutter, et pas se laisser enfermer dans le cadre racial. Ce que pourtant, en accord avec la bourgeoisie locale, ce texte du Grand Soir essaie de faire !
Quant à la nécessité « que le mouvement ouvrier et populaire s’organise indépendamment de la bourgeoisie nationale, de l’impérialisme et de la bureaucratie syndicale, pour exiger la nationalisation des mines et des richesses naturelles du pays ainsi que des secteurs stratégiques de l’économie nationale, sous contrôle et gestion des travailleurs et des masses populaires », c’est un piège et un mensonge patents ! D’où sort l’idée que la nationalisation serait un moyen de lutter contre l’exploitation ? Les Pays de l’Est – dont les staliniens du Grand Soir et du PCF continuent à se revendiquer – n’étaient-ils pas nationalisés complètement, et en même temps des modèles d’exploitation, de misère et de répression ?
Les staliniens du PCF et du Front de Gauche ont décidément des solutions à tout, et notamment à la crise du capitalisme : il suffit de nationaliser les mines, de distribuer les terres aux paysans pauvres, et hop ! Plus de chômage, développement du pays, amélioration du niveau de vie et résolution des « énormes problèmes démocratiques qui pèsent sur les masses sur-africaines »! Tout ça, évidemment, sans se débarrasser du capitalisme, ni de l’État, ni de la bourgeoisie bien entendu ! Comme chacun sait, la misère n’existe pas dans les pays d’économie nationalisée (Cuba ou la Corée du Nord, par exemple) ni dans ceux où les terres ont été distribuées aux petits producteurs (Chine, Zimbabwe, Inde, par exemple). Quant aux « problèmes démocratiques » du prolétariat, dans le cadre d’une société où il y a toujours des exploités et une classe dominante exploiteuse, on ne voit pas bien comment on pourrait les résoudre !
Les mensonges des staliniens depuis les débuts de l’URSS ont toujours été les mêmes ! La lutte de classe est tout bonnement INCOMPATIBLE avec la lutte anti-apartheid, et ce texte du Grand Soir le démontre encore une fois pleinement !
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