Notre-dame-des-landes : le silence du mouvement social français. [politis]
Catégorie : Local
Thèmes : Aéroport Notre-Dame-des-Landes
Lieux : NantesNotre-Dame-des-Landes
Depuis mardi 16 octobre au matin, plus de 500 gardes mobiles ont envahi la campagne tranquille du Nord de Nantes. Ils ont chassé les gens de leur habitat, détruit des maisons et enlevé les pierres une par une pour s’assurer qu’elles ne seraient pas rebâties. Depuis six jours, environ 200 personnes dorment chaque nuit sur des barricades, respirent des gaz lacrymogènes, organisent le ravitaillement des copains en première ligne, tout cela dans une non-violence exemplaire (sinon, il n’y aurait pas cet assourdissant silence médiatique !).
Depuis quelques jours, des gros ballots de vêtements, de bottes, de chaussettes, de piles, de pommes, de pâtes, de légumes, de café, de jus de fruits, de barres de céréales, affluent dans le hangar qui sert de QG à la résistance, témoignant que si peu de gens osent s’aventurer dans le « territoire en guerre » qu’est devenu ce beau bocage, il existe une véritable indignation dans la population.
Et enfin bon, des raisons de s’indigner il y en a tout de même : il n’a rien d’autres à faire ce gouvernement que de mobiliser des centaines de flics pendant des semaines pour chasser des gens de leur maison alors qu’il semble qu’il y ait une crise du logement dans ce pays, rien de plus urgent comme dépense que de construire un aéroport pour en remplacer un autre loin d’être saturé alors qu’on nous dit que la priorité c’est de réduire les déficits, rien de plus important que de développer le trafic aérien alors qu’il paraît qu’il y a un truc qui s’appelle le changement climatique ?
Alors pourquoi ce silence ?
Soit, ce qui est une possibilité réelle, le mouvement social est bien mal en point, tué par la « crise », asphyxié par l’arrivée de la gauche au gouvernement.
Soit ce combat n’est pas celui du mouvement social, car ceux qui luttent pied à pied à Notre-Dame-des-Landes ne sont pas très présentables, un peu trop boueux, avec en prime des têtes un peu trop jeunes et que donc certainement ils sont violents, donc peu fréquentables.
Soit encore vous ne savez pas quoi faire.
Si c’est cette dernière option qui prime, quelques idées :
La résistance à Notre-Dame-des-Landes est incroyable. Il est incroyable que quelques centaines de personnes sans moyens financiers, sans soutien logistique aucun à part celui de quelques habitants et paysans des alentours, logeant dans des abris de fortune, sans eau, sans électricité, aux vêtements détrempés, aient résisté une semaine derrière des barricades de bric et de broc face à une véritable armée. Ils sont encore là et ne vont pas lâcher, même s’il leur faudra probablement se replier à un moment ou à un autre.
Il ne manque pas de courage ni de détermination à Notre-Dame-des-Landes. Il manque de la légitimité.
Et cela, vous, vous qui savez écrire, qui avez les arguments en tête, qui êtes reconnus socialement comme des gens « sérieux », qui avez de l’audience auprès des militants de vos organisations, qui connaissez des journalistes, qui êtes en contact avec des politiques, vous qui êtes respectés, vous pouvez le donner à la lutte de Notre-Dame-des-Landes : de la légitimité.
Ce sont des choses que vous savez faire : écrire aux pages débat des journaux, organiser des conférences de presse, passer des coups de fil à droite à gauche, signer des tribunes collectives, intervenir lors de conférences, convaincre des gens connus d’aller à Notre-Dame-des-Landes, ne serait-ce qu’une demi-heure, pour qu’ils puissent dire leur indignation devant les médias, puisque ces médias n’ont rien à faire de l’indignation des gens ordinaires.
Vous savez faire cela et c’est vraiment le moment de le faire maintenant.
Cette lutte est exemplaire et c’est aujourd’hui à chacun(e) d’entre vous de permettre au mouvement social dans son ensemble de faire preuve d’une solidarité exemplaire.
En terme de légitimité, ce seraient plutôt les gens au pouvoir et les médias qui en ont beaucoup trop. Leur donner le pouvoir de légitimer ou non la colère et la révolte que ressentent les personnes victimes de l’oppression capitaliste, c’est leur donner beaucoup trop de pouvoir. Les « personnalités », ce sont les gens qui suite aux inégalités propre au système dans lequel on vit, possède une paroles qui vaudrait plus que la parole des autres gens et même plus que les gens directement concerné-e-s par une situation donnée.
Plus que contre un aéroport, c’est contre ce déséquilibre entre le poid des personnes qu’il faut lutter, parce que si des projets comme l’aéroport existe c’est précisément parce que des « personnalités » ont plus de pouvoir de décisions que la poplulation qui vit dans un territoire donné. Si on essaie de se servir de certaines « personnalités » pour attaquer les autres, on renforce le système qui légitime plus les médias et les personnalités que les personnes qui subissent les oppressions.
Cet article minimise la résistance qu’on a déployé sur le terrain. Certe le rapport de force est extrèmement inégalitaire et nous ne disposons pas du même équipement et des même armes que l’armée qui nous a attaqué-e-s, mais c’est faux d’affirmer qu’on a laissé détruire tout ce qu’on a construit sans renvoyer à l’envahisseur une partie de la violence qu’il nous faisait subir.
On a pas été d’une « non-violence exemplaire », même si on a pas réussi à être dans une contre-attaque exemplaire. On a fait tout ce qu’on a pu pour se défendre, on a dressé des barricades, jeté des cailloux contre les flics, détruit une voiture de Vinci. Nous n’adhérons pas, pour la très grande majorité d’entre nous, au dogme selon lequel il y aurait une grande noblesse à subir des persecutions sans mettre tout en oeuvre pour se défendre.
Notre colère est légitime. Face à une armée qui essaie de conquérire l’endroit où l’on vit, personne ne devrait porter de jugement sur les moyens qu’on mets en oeuvre pour se défendre.