DE YA BASTA AUX LENDEMAINS QUI CHANTENT !

Depuis le 20 janvier, la Guadeloupe connait une grève générale. Le ras le bol de la misère, du racisme, du colonialisme ont mis le feu aux poudre. Le gouvernement a laissé pourrir la situation, n’apportant que des réponses parcellaires aux revendications des personnes. La Martinique emboîte à son tour le pas de la grève générale. Dans le sillage de ces mobilisations, les Réunionnais et les Guyanais s’échauffent également. Ainsi une bonne partie des colonies françaises ont pris le chemin de la lutte. Il est difficile de prévoir l’avenir ; mais il est aussi conditionné à la solidarité que nous pourrons construire et de notre capacité à créer des mouvements sociaux en France.
La tension est montée d’un cran ces derniers jours en Guadeloupe. Des barrages des voies de communication ont été érigées dans l’île. La répression s’en est suivie avec l’intervention musclée des flics. Ils ont arrêté plusieurs personnes. On dénombre aussi plusieurs blessés. La situation sur les barrages s’est d’autant plus tendue. Malheureusement, on déplore le décès d’un militant syndicaliste de la CGTG. Quelque soit l’auteur de ce coup de feu, c’est l’Etat français qui est responsable. On ne peut laisser pourrir une situation, sans prendre le risque de dérapages les plus graves, tant les gens sont excédés !

La Guadeloupe, la Martinique, bientôt la Réunion et peut être la Guyane nous montrent le chemin !
Les colonisés n’ont pas attendu les consignes des confédérations syndicales pour s’organiser et engager la lutte. Ils ne s’en sont pas remis à des journées coup de poing, à raison d’une tous les deux mois (29 janvier, 19 mars) !
La crise est là avec son lot de chômage, de précarité de misère grandissants. D’un côté, l’Etat peut soutenir financièrement les capitalistes pour qu’ils continuent encore plus à nous exploiter ou à nous jeter comme des mouchoirs en papier, et de l’autre, il reste passif pour endiguer la misère grandissante. Ainsi, on doit accepter que nos conditions de vie se dégradent de jour en jour sans broncher, ou à exprimer notre mécontentement dans des manifs traines savates tous les mois. Chacun sait qu’il n’y a pas d’issue dans ces conditions ! Pourquoi attendre le 19 mars ? La grève générale, c’est pour quand, maintenant ou à la trinité ?
Chacun sent que la société est en train de bouillir. Chacun se rend compte que l’avenir est de plus en plus angoissant : développement de l’appauvrissement de pans entiers de la population, alors que les capitalistes s’enrichissent de plus en plus. En 2005 plusieurs quartiers ghetto explosaient. Leurs habitants supportent de moins en moins le harcèlement policier quotidien. L’apartheid social se développe. Les personnes paupérisées sont refoulées des centres ville, une partie d’entre elles est jetée à la rue, grossissant les rangs des SDF. L’Etat ne peut plus offrir de perspectives ”radieuses” pour bon nombre d’entre nous. Le sécuritaire devient l’alpha et l’oméga de la ”politique sociale” se complétant avec la chasse aux chômeurs, l’expulsion des logements, etc. L’Etat veut masquer la pauvreté, cacher les pauvres, les précaires, les chômeurs en les rejetant vers les périphéries, les réprimant, les incarcérant, mais ils reviennent par les fenêtres de la lutte.
En France, comme dans les colonies, la crise économique va continuer ses ravages, à moins que nous mettions un terme à cette évolution. Malgré la répression des squats sont ouverts, des supermarchés sont réquisitionnés, des zones de gratuité voient le jour, des alternatives au salariat et aux rapports de consommation sont imaginées, concrétisées… offrant des solidarités concrètes, des parcelles d’émancipation face aux chaînes du sécuritaire normatif, de l’exploitation et de la pauvreté, ouvrant les portes d’autres possibles et des lendemains qui chantent.
La mobilisation du 29 janvier a montré que dans le secteur public mais aussi dans le privé, les travailleurs en ont plus qu’assez que l’Etat, la Communauté Européenne trouvent des centaines de milliards d’euros pour sauver les banques et des entreprises (en fait les capitalistes), mais qu’il n’y a jamais d’argent (ou des miettes) pour lutter contre la misère. Plusieurs secteurs sont en lutte, plus ou moins visibles dans les médias. Pour en évoquer certains : d’universités sont en grève ; les lycées frémissent ; dans les hôpitaux le colère gronde ; le secteur social et médico-social est sous tension.
Ce qui est commun à toutes ces mobilisations c’est la demande de retrait des projets gouvernementaux ou patronaux :
universités : retrait de la loi LRU (imposant une pseudo autonomie des universités, conduisant à la mise en concurrence entre elles. Elle remet en cause les diplômes nationaux, transforme leur président en chef d’entreprise), du décret refondant la fonction d’enseignant/chercheur, de la réforme concernant la formation des futurs professeurs du secondaire ;
lycées : retrait de la réforme Darcos et l’arrêt des suppressions de postes (pourquoi ne pas demander la réintégration des 11000 postes supprimés l’année dernière ?) ;
hôpitaux : retrait de la loi Bachelot (elle prévoit de passer de 1035 hôpitaux à 300 territoires de santé, avec à la clef la suppression d’au moins 30000 emplois) ;
secteur social et médico-social : retrait du projet patronal de réforme de la convention collective 66 (mettant en péril les statuts de l’ensemble des salariés du secteur social et médico-social et de ses conditions de travail déjà très insatisfaisantes).
Pour que ces mobilisations puissent obtenir satisfaction, il faut amplifier le rapport de forces, en faisant en sorte que chacun de ces secteurs en lutte converge et demande ensemble les retraits des projets.

Cette convergence ne doit pas se limiter à dire non.
La lutte sert aussi à imaginer, à exprimer, des revendications concernant à la fois les travailleurs et les usagers. C’est le moment de poser les questions autour du partage des richesses, de la gratuité des services publics, de la santé. Pour en finir avec la privatisation de celle-ci, conduisant à sa dégradation, la Sécurité Sociale doit prendre en charge intégralement les soins. On n’aura plus besoin de faire appel à des mutuelles de plus en plus privatisées. Le trou de la Sécu n’est pas dû aux remboursements des frais médicaux des usagers, mais aux exonérations de charges pour les entreprises, à l’Etat qui ne paye pas l’intégralité des cotisations qu’il doit par rapport aux fonctionnaires et aux grosses entreprises agissant de même.
L’Education nationale doit-elle former des personnes en fonction des besoins du patronat ou participer à l’éducation des gens ? La tendance à la transformer en organisme de formation a-t-elle permis d’endiguer le chômage, la précarité ?
Pourquoi les transports ne seraient-ils pas gratuits ? Est-ce que le tout TGV correspond à nos besoins au détriment des transports locaux et de l’environnement ? Peut-on accepter que la SNCF ferme une ligne de chemin de fer sous prétexte qu’elle n’est pas rentable, obligeant les usagers à avoir recours à la voiture ou au système D ?
Défendre la Poste comme service public est fondamental. Mais quelle Poste voulons nous ? Celle qui exploite de plus en plus de salariés précaires, détériorant les conditions de travail de l’ensemble des postiers ? Celle qui impose des services de plus en plus chers et dégradés afin qu’elle soit de plus en plus rentable d’un point de vue capitaliste ?
Comment accepter que des gens puissent se retrouver à la rue, alors qu’il y a tant de logements vides ? La loi prévoit que les préfets ou les maires peuvent réquisitionner des habitations vacantes ? Il n’y a donc aucun problème matériel et juridique pour que tout le monde ait un toit !
Comment les services sociaux peuvent-ils répondre aux besoins des usagers lorsque le coût de la vie augmente sans cesse, que les revenus (salaires, minimas sociaux…) n’augmentent pas et même pour certains se réduisent ?
Dans le privé, des grèves naissent et meurent un peu partout, face aux dégradations de conditions de travail et aux licenciement. Le travail salarié nous est présenté comme une valeur centrale. Il doit, d’après l’État et la classe dominante,rester notre principale activité (en dehors de lui, on nous qualifie d’exclus, n’ayant plus voix au chapitre) autour de laquelle s’organise notre vie (organisation du temps, choix du lieu d’habitation pour beaucoup…). Seuls, les décideurs économiques et politiques déterminent les finalités de l’organisation sociale : la recherche de profits en nous exploitant. Le labeur doit retrouver sa place : une activité sociale parmi d’autres. Les relations humaines, les rapports sociaux retrouveront une place prépondérante. Nous pourrons ainsi vivre autrement, œuvrer pour un autre futur.
Un revenu garanti et décent, bien qu’il ne remette pas en cause les inégalités et la hiérarchie sociales, , dès aujourd’hui, de porter un coup à la misère et atténuerait la concurrence entre les travailleurs.
Revendiquer, en premier lieu, l’augmentation du pouvoir d’achat, comme le propose bon nombre d’organisations syndicales et politiques, n’offre pas d’alternatives. Cette revendication est une fuite en avant qui maintient dans des rapports de plus en plus individualisés, n’augmentant,pour de brèves échéances, n”pouvoir” de consommer… ce que d’autres auront décidé. Ainsi, la pub a de beaux jours devant elle ; l’aliénation continue, nous imposant d’avoir un ”look” conforme aux unes des médias. Les inégalités sociales persistent, la domination perdure, l’exploitation se développe : le capitalisme se refait une santé, réglant ainsi la crise actuelle ! Au mieux, on favorise la société de consommation tant décriée en 68 ; au pire, on contribue aux crises climatiques, à la à la destruction de la planète. L’avenir n’est que la reproduction du présent, la catastrophe écologique en plus !

Répression, xénophobie encore, solidarité toujours !
Si jamais les tensions sociales se durcissent ou si l’Etat n’arrive pas à répondre à la crise, il se cachera encore une fois derrière le bouc émissaire traditionnel : l’immigré. Depuis très longtemps l’immigration est associée à la misère. On ne peut accueillir toute la misère du monde », déclarait Roccard. L’ouverture des frontières développerait le chômage, conduirait à l’explosion des systèmes de protection sociale.
Officiellement les frontières sont fermées à l’immigration depuis 1974. Pour autant, nos conditions de vie ne cessent de se dégrader depuis des décennies : développement du chômage, de la précarité, de la misère, remise en cause des acquis sociaux… C’est démagogique d’en faire reposer la responsabilité aux immigrés. Plus on durcira les lois concernant l’immigration, plus on renforcera la précarité de nos conditions de vie. L’Etat ne pourra pas expulser tous les sans papiers. D’ailleurs le souhaite-t-il vraiment ? Seule une minorité d’entre eux est effectivement expulsée (il y aurait entre 200 000 et 400 000 sans papiers en France selon le ministère de l’immigration et de l’identité nationale. Ce dernier se vante d’avoir exécuté un peu moins de 30 000 expulsions en 2008. En supposant que ce chiffre ne soit pas falsifié, à ce rythme il faudrait au moins 10 ans pour expulser l’ensemble des sans papiers actuellement sur le territoire. Or les frontières sont loin d’être étanches. Tous les ans plusieurs milliers ou dizaines de milliers de personnes rentrent clandestinement en France). En organisant la chasse aux clandestins pour qu’ils vivent dans la terreur de l’expulsion, il les instrumentalise afin de durcir l’exploitation de la force de travail. Vivant dans la terreur du gendarme, les sans papiers sont obligés d’accepter des conditions de travail de plus en plus dures. Des pans entiers de la production (agriculture, confection, restauration, bâtiment…) ne peuvent survire économiquement parce que ces personnes acceptent, bien malgré elles, des conditions d’exploitation relevant de l’esclavage, rentrant ainsi en concurrence avec des salariés pouvant faire respecter un tant soi peu leurs droits. La liberté de circulation et d’installation, l’ouverture des frontières, la fermeture des camps de rétention, la régularisation de tous les sans papiers font partie des conditions nécessaires pour la construction d’un monde solidaire et ouvert.
Qui sont les responsables de la crise, les immigrés ou les capitalistes ? Qui impose la dégradation des services publics, de notre santé, les immigrés ou les capitalistes ? Qui licencie, précarise les emplois, les immigrés ou les capitalistes ?
Pour réprimer les mouvements sociaux, traquer les modes de vie en rupture avec le système capitaliste,faire la chasse aux immigrés, l’Etat, protégeant les intérêts des capitalistes, se dote de moyens de plus en plus conséquents : développement et armement croissant corps de police publics et privés, banalisation de la présence de militaires dans des lieux publics (gares, aéroports…), législation antiterroriste (l’affaire de Tarnac en est le dernier exemple de son application), création de fichiers en tous genre,construction de prisons (où s’y retrouvent bon nombre de personnes victimes de la misère), de camps de rétention pour y enfermer des sans papiers en attente d’être expulsés(dont le coût est d’environ 20000 €, incluant l’achat du billet d’avion, la rétention dans un camp…), etc. La lutte contre la répression sous toutes ses formes, la mobilisation contre la criminalisation de tous les opposants à cet ordre social est primordiale. Il n’y a pas de casseurs ; il y a des hommes, des femmes révoltés qui ne supportent plus le cynisme, l’arrogance, la domination, la violence qu’on subit quotidiennement !
Dans l’immédiat, il nous faut construire des articulations concrètes entre les différents secteurs en lutte, les travailleurs, les usagers. C’est par la convergence des intérêts de classe que nous commencerons à ébranler les fondements du capitalisme. Pour en finir avec cette société, qui nous emmène droit dans le mur et est source de tant d’inégalités, de souffrances, prenons nos affaires en main pour connaître et maitriser nos conditions d’existence.
Tours, le 19/02/09
JC
Article publié dans le numéro 73 (marrs/avril 2009) de No Pasaran