La seule chose à voir et à comprendre de la crise financière est la réorganisation du capital. Que des entrepreneurs fassent faillite, amène ou amènera le renforcement d’autant de leurs concurrents. Le licenciement de centaines de courtiers de Wall-street a entrainé l’envoie de chasseur de tête de la Bourse de Shangaï à New-York City, et l’émergence déjà de nouveaux produits boursiers, comme des portefeuilles spéculant à la hausse comme à la baisse.
La restructuration du capital est une phase récurrente voir continue de l’économie. Elle consiste en l’éradication des structures économiques trop faibles ou mal adaptées, le redéploiment, la fin ou l’extension de certains secteurs du marché, l’adoption de nouveaux modes de production, etc. Elle contient ainsi une dynamique de violence. Celle-ci est évidente quand l’Etat, dans sa dualité avec le capital, voit ses moyens d’action social de tampon réduit.
L’entièreté de l’industrie automobile américaine menace de fermer ses usines. En Chine, des secteurs entiers licencient à grande échelle. Le 25 novembre 2008, l’usine de jouets Kaida Toy Factory de Dengguang a été saccagé après l’annonce du licenciement de près d’un quart de ses salariés. La police a du abandonner cinq véhicules, aussitôt incendier par les émeutiers.

Si les arrestations du 11 novembre 2008 ont été un véritable show médiatique du ministère de l’intérieur. l’Etat n’a pas attendu cette date pour resserrer ses moyens de contrôle.
Pour l’exemple, on peut se souvenir que c’est sous l’égide d’un ministre de gauche 1 -qui a pu être sauver d’une rupture d’anévrisme, ce qui démontre qu’il n’ y a pas de justice en ce bas monde- qu’une série de lois réprimant de six mois de prisons l’accumulation d’amende SNCF ou l’interdisant de stationnement dans les hall d’immeuble a été prise.

Prise ADN, nouvel attirail judiciaire ou meilleur utilisation de l’ancien, recrutement important de policier, quadrillage du territoire. La liste n’est pas close. L’Etat n’a pas besoin d’être en danger pour améliorer, resserrer ses moyens de contrôle. Il lui suffit d’en avoir la possibilité. L’Etat confine aussi toute contestation, tout refus, dans un enclos qu’il tente de restreindre à sa guise, par la coercition ou la gestion des conflits. C’est visible aujourd’hui, des attaques répétés des possibilités de faire grève, au remplissage toujours croissant des prisons.
Pou mémoire le hooliganisme est un excellent laboratoire technique pour l’Etat. Tant pour la gestion militaire de la foule et des violences de rue, que pour le niveau d’acceptation générale des moyens que mettront en oeuvre police et justice. Il n’y a qu’à voir le déchaînement qu’a entraîné la simple mise en place d’une banderole2, certes ultra-médiatique, dans un stade. Interdiction de groupe de supporter, et surtout vindicte unanime et appel au lynchage judiciaire dans tous les medias. On l’avait déjà vu, finalement à un degré moindre, lorsque la Marseillaise avait été sifflée.3
D’autre part, l’Etat peut aussi viser de manières relativement plus précises aussi bien des groupes organisés que des corps sociaux plus ou moins définis. Surveillance rapprochée, perquisitions généralisées, etc, sont le lot régulier pour ceux que l’on nomme communément « islamiste ». Souvent pour des dossiers bien maigres.
L’anti-terrorisme n’est qu’un de ces outils dont dispose l’Etat pour contenir la contestation. Tentatives qui à terme semblent vaines, tant les révolte relèvent d’un fait social dont la dynamique dépasse les activités militantes, qu’elle qu’elles soient.
Le terrorisme est une catégorie qui n’est qu’une des foutaises de la novlangue de la démocratie. La politique de la terreur est historiquement l’apanage des Etats. Et à ce compte, démocratie et régime totalitaire l’utilisent selon les circonstances.
En dernier recours, l’histoire ne dit pas si Khaled Kelkal ou Human Bomb4 ont eu le temps de philosopher sur la notion d’Etat de droit lors de leur exécution.
La chute des Twins towers ou les récentes attaques de Bombay sont des actes de guerre. Tout autant que les bombardements des armées de la démocratie, en Afghanistan, en Tchétchénie, en Irak ou ailleurs. D’une guerre qui généralement ne se nomme pas, une guerre inter-capitalistes, et qui malheureusement ne manquent jamais de trouver de soldats.
Que ce type de groupe politique ou infra-politique soient des ennemis des révoltés, n’empêchent pas de reconnaître qu’il se retrouvent face à la force de l’Etat. Et que cette force, nommé souvent répression, est la même qui contient les mouvements de révolte sociale. Les prisonniers de Guantanamo sont les prisonniers d’une guerre qui n’est pas la notre, celle de l’équilibre d’un monde où la démocratie et le développement capitaliste sont les deux faces d’une même pièce.
Si un VRP de Ricard, un certain Charles Pasqua, a déclaré en son temps vouloir terroriser les terroristes, c’est bien les populations les plus pauvres que l’Etat cherche à contenir par la peur. Novembre 2005 fut, notamment, une tentative par l’affrontement de faire changer la peur de camps.

L’argument du pouvoir, peut être le seul, de sa légitimité indépassable (meilleur des systèmes et majorité électorale) est chaque jour mis à mal. La société n’est pas homogène, elle est traversée par des frustrations, du désespoir, et aussi du refus, des révoltes. Chaque jour les conflits d’intérêts sont palpables. Et la quadrature du cercle de la démocratie, de satisfaire tout le monde et que chacun reste à sa place, n’est réellement pas possible. C’est que le rôle de la démocratie est de gérer la société pour le capital, et non le contraire. Cela rend absurde toute tentative de colmatage, keynésianisme et autres foutaises de gauche. Les choses restent en l’état, tant que l’eau ne bout pas trop, ne déborde pas. Tant que la marmite n’explose pas.
Des lycéens qui occupent les rues, des bâtiments publics qui crâment pendant un mois de novembre, de la gare du nord qui s’oppose à la police, de la perte de la croyance que sa situation personnelle ne pourra s’améliorer, c’est toute une tension qui traverse les classes sociales qui n’ont plus rien à gagner. Ou si peu.

Lorsque les ouvriers de Cellatex s’enferment dans l’usine de Givet en juillet 2000 en menaçant de la faire sauter, ils agitent un stade ultime de sabotage. Il ne peut se comprendre, s’interpréter, que dans la dynamique d’un rapport de force social, qui n’est que l’expression de l’intensité de la lutte de classe. Celle-ci n’est pas mécanique ou linéaire, mais fluctuante.
Tirer au flanc, abîmer son outil de travail ou saboter son propre travail, sont des actes de vengeance, de reprise sur tout ce qui est pris et surtout volé à l’employé. Cette plus-value qui n’est évidemment pas pour les salariés. Ces heures perdues dans le travail, incontournable. Ces corps cassés, cette énergie données à la production capitaliste. « ça leur couteras cher de nous foutre en l’air », disaient les ouvriers de Chooz-Vireux.
Cette attitude est incompréhensible pour les membres de la classes bourgeoises et la fraction aisée de la classe moyenne, tant ils auraient l’impression -à juste titre- de saboter leurs propres intérêts.
Lorsque le refus est collectif, il peut alors se cristalliser, s’affronter au pouvoir des contremaîtres, des cadres, du DRH, du patron ou de l’Etat. Grève sauvage ou en dehors de la direction des syndicats, affrontements avec les corps de police ou militaires, attaque des locaux des entreprises ou de l’Etat, destruction ou saccage des institutions coercitives et/ou gestionnaires, etc. Il n’y a pas de liste officiel. Ce sont des moments de la lutte et des moyens de se reconnaître pour les prolétaires révoltés. Ces moyens d’action sont alors l’expression du rapport de force, voir la compréhension de l’inanité du rapport capital-travail, et du bon sens de sa destruction.

Lors des grèves des cheminots en 2007, l’Etat a cantonné ces mouvements dans des règles qu’il a déterminé. Symptomatique de cette époque, les syndicats ont alors voulu terminé une grève avant de l’avoir commencé. La « gestion de conflit » recèle encore de la modernité de la part des vieilles centrales. La grève d’octobre a aussi révélé de nouvelles combativités, les nouvelles formes que prendront les luttes. Comme le disaient des jeunes conducteurs de la RATP : « On veut pas faire une grève juste en mangeant des merguez dans notre dépôt ». Et c’était novembre 2005 qui était cité comme exemple de rapport de force.
Même si on n’a pas pu encore entrevoir de dépassement de ces situations, c’est sur cette ébullition sociale que l’Etat est préventif. Aussi bien par le répressif que par l’intégration. C’est cette dynamique qui est en jeu. Tout le monde y fait son calcul, la LCR comme le PS, tout autant qu’à l’Elysée.
Les affrontements qui auront lieu lors des conflits sociaux, auront alors tous leur sens.
Rester dans le cantonnement convenu par les institutions (Etat, partis, syndicats) est la mort de la lutte, son impossibilité. Les grèves de travailleurs sans-papiers en 2008 en sont le dernier exemple en date (notamment avec le cas par cas).

Tout au contraire les révoltes devront faire sauter chaque verrou, chaque morcellement des luttes ou des raisons de lutter, comme autant de saut qualitatif.

1 Jean-Pierre Chevènement était ministre de l’intérieur.
2 Lors de la finale de la coupe de la ligue, Paris-Lens des supporter déployèrent la banderole Pédophiles chômeurs consanguins bienvenue chez les chtis…
3 Le 6 octobre 2001, lors du match amicale France-Algérie la Marseillaise a été sifflé en avant match, en fin de partie le terrain a été envahi par la foule. Ce match amical devait être « une démonstration emblématique des retrouvailles entre deux peuples ».
4Khaled Kelkal soupçonné d’être un membre du GIA perpétrant des attentats en France en 1995 est abattu par la gendarmerie le 29 septembre 1995, avec cette célèbre invective d’un gendarme « Achève le », Human Bomb avait pris en otage une classe maternelle à Neuilly-sur-scine le 13 mai 1993. Human Bomb a été tué lors de l’intervention du Raid alors qu’il avait préalablemement été endormi.