Et voilà qu’il y a quelques jours le projet de grand musée Verne / Cité des Imaginaires revient à nous à l’occasion d’une conférence de presse, ressemblant assez, à une bonne farce culturo-métropolitaine. Le dossier de presse pavé de belles intentions, humanistes concède que l’oeuvre de Verne serait bel et bien « teintée de colonialisme ». C’est une (mauvaise) blague ou alors un kolossal euphémisme, tant le colonialisme et le racisme systémique de Jules sont aujourd’hui reconnus et bien documentés. C’est aussi et plus gravement une offense de plus faite aux personnes racisées, qui subissent au jour le jour et dans leurs corps une domination blanche qui n’est teintée de rien du tout. Si donc un certain colonialisme au passé, soft et de bon aloi ne semble pas déranger plus que ça les concepteureuses du musée, la violence raciale, elle, continue de s’exercer brutalement dans la ville à travers les fréquents contrôles de police au faciès ou bientôt la construction d’un centre d’enfermement dit administratif.

Mais le dossier de presse est surtout remarquable par tout ce qu’il s’obstine et réussit à passer sous silence. Une fois encore, à l’occasion d’un grand projet structurant en bord de Loire, Nantes ville héritière du commerce triangulaire se refuse à admettre et même à simplement évoquer son histoire coloniale. D’emblée, le musée est placé dans un ailleurs, à l’abri des enjeux sociaux, raciaux ou de genre. Mais dans la vraie vie, aucune institution culturelle, aucun musée à Nantes ou ailleurs ne peut aujourd’hui échapper à la question de sa décolonisation. Encore faudrait-il se poser un tout petit peu les bonnes questions, y compris celles qui paraissent triviales.

Comment prétendre « ouvrir l’avenir », si les imaginaires alternatifs existants et bien vivants, ceux des zones à défendre, mais aussi ceux nombreux portés par les afrodescendant·es n’ont aucun droit de cité.
Qu’en est-il d’un (minimum) de diversité ethnique dans les équipes d’architectes et de scénographes et de paysagistes ?

Qui, quelles diversités, quelles minorités, quels collectifs habitants sont invité·es à la fabrique du musée ?
Et qui une fois les lumières éteintes, nettoie et gardienne ?
À défaut d’envisager sérieusement ces questionnements élémentaires, le futur musée restera une (belle) effigie par laquelle la métropole s’autocélèbre ou pour le dire avec Françoise Vergès un bâtiment témoin de « l’innocence blanche »