Quelques réflexions sur la prise d’empreintes forcée

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Récemment sur Nantes des personnes se sont fait prendre leurs empreintes de force en GAV suite à une manifestation et on s’est dit que c’était peut-être pas mal de refaire un point là-dessus.
On a pas la prétention de penser que ça n’arrivait pas avant à Nantes, mais depuis l’entrée en vigueur de la loi en 2022, on en avait pas encore entendu parler dans le cadre d’interpellations au sein du milieu militant, à part dans d’autres villes.
On a conscience que la prise d’empreintes forcée avait déjà lieu de manière officieuse depuis longtemps et notamment qu’elle concernait aussi pas mal de personnes hors des milieux militants mais ca avait l’air de plutôt dépendre du contexte, des flics en face, et de comment étaient perçues les personnes en GAV (personnes non-blanches par ex).
Depuis le 24 juillet 2022, grâce à la loi 2022-52, les flics peuvent légalement prendre de force les empreintes digitales et photos des personnes en GAV.
Il y a quelques conditions pour que ça soit possible:
– il faut que l’OPJ fasse une demande écrite au parquet qui lui retourne une autorisation écrite,
– la prise d’empreintes de force doit faire l’objet d’un PV qui est ajouté au dossier, – un exemplaire du PV doit être remis à la personne à l’issue de sa garde à vue,
– le recours à la force pour prendre les empreintes doit être “proportionné”
– la personne en GAV refuse de donner son identité, ou les flics pensent qu’elle pourrait être fausse,
– les faits reprochés sont des délits qui sont punis d’au moins 3 ans d’emprisonnement.
Par rapport aux 4 premiers points qui sont plutôt en lien avec les procédures en elles-mêmes, c’est intéressant de les avoir en tête si il y a des suites judiciaires pour éventuellement faire jouer ça en sa faveur. Si certaines conditions n’ont pas été respectées ça peut être des vices de procédure qui pourront être pris en compte devant un.e juge.
Pour autant ça change pas grand chose sur le moment, si les flics veulent tes empreintes ils feront en sorte de les prendre (et ils s’en foutent évidemment du recours “proportionné” à la force).
Dans la loi de 2022, la prise d’empreintes/photo forcée n’est possible que si la personne refuse de donner son identité ou que les flics ont un doute au sujet de celle-ci (ou que l’identité donnée ne leur semble pas crédible).
Dans les faits, ça concerne entre autres les personnes sous X, les personnes sous fausse identité/identité imaginaire ou les personnes qui donnent une identité collective. Ces stratégies individuelles et collectives sont clairement visées et le but de la police et de la justice est de les briser.
On n’a pas de solution miracle face à cette loi et ces pratiques. Le but n’est pas de dissuader les gens d’être en GAV sous X ou autres (il y a pleins de bonnes raisons de ne pas donner son identité au comico), ni d’inciter tout le monde à donner sa petite identité (nom, prénom, date et lieu de naissance) une fois interpellé.e. On veut avant tout transmettre des infos afin de permettre à chacun.e de faire ses propres choix en connaissance de cause.
Attention, donner sa vraie identité ne met pas forcément à l’abri de la prise d’empreintes forcée : plusieurs récits témoignent de prise de force malgré le fait que les gens avaient leur carte d’identité sur elleux (ou qu’elle avait été amenée au comico par leur avocat.e) !
La loi de 2022 menace aussi les stratégies de refus de signalétique/ADN même si c’est pas clairement dit dans le texte. Il faut aussi savoir qu’on peut quand même être poursuivi.e pour refus de signalétique/empreintes même si la police nous les a prises de force (bah oui sinon c’est pas drôle).
La dernière condition qui permet la prise forcée d’empreintes et de photos est que la personne doit être en GAV pour un délit puni de 3 ans d’emprisonnement minimum.
En fin d’article on a essayé de faire une liste des délits concernés sur la base de ce qu’on voit passer le plus souvent au tribunal en tant que collectif antirep. Ça fait une liste assez spécifique et pas exhaustive, il n’y avait pas assez de place pour écrire tous les trucs que l’État interdit, mais pensez à consulter legifRance.gouv.fr ! Gardez en tête que 3 ans ça monte très vite (notamment avec les circonstances aggravantes telles que alcool, arme, réunion etc) et qu’on peut vite se retrouver avec des délits qui autorisent la prise d’empreintes forcée.
Voici aussi quelques conseils qu’on a lu/entendu pour essayer de résister à une prise d’empreinte de force :
– bien lire les motifs d’interpellations pour essayer de savoir si ce qu’on nous reproche dépasse les 3 ans de prison
– si possible, échanger avec l’avocat.e sur les peines encourues (pcq on n’a pas toustes mangé un code de pénal au ptit dej) et ainsi essayer d’éviter que les flics rajoutent des circonstances aggravantes qui pourraient faire monter la peine à 3 ans ou plus (l’avocat.e peut des fois tenter de faire pression sur l’OPJ pour empêcher la surenchère)
– si finalement les flics ont décidé qu’iels prendraient quand même les empreintes de force, ça peut parfois aider que l’avocat.e soit présent.e (il faut le demander), notamment si on a peur de la manière dont ça va se passer (spoiler alert : ça va pas bien se passer dans tous les cas, on parle quand même de prise d’empreinte “forcée”).
– en prime, quelques petites techniques pour essayer de saboter ses empreintes : mettre de la glu sur ses doigts avant de partir en manif, bouger la main/les doigts au moment de la prise (même qq millimètres ça peut étaler l’encre et rendre les empreintes inexploitables), bouger la tête le plus possible au moment de la photo etc…
Des gens ont essayé diverses méthodes avec plus ou moins de succès, ça coûte rien d’essayer de faire preuve d’imagination.
L’idée de ce texte n’est pas d’être alarmiste (oups) mais de partager les pratiques répressives du moment pour essayer de s’y préparer et/ou de les contrecarrer comme on peut. Si des gens ont envie de faire des retours d’expériences/des suggestions, on est toujours joignables par mail ou téléphone (illegalteamnantes@riseup.net ou 06.75.30.95.45).
Restons solidaires les un.e.s des autres face à la répression, la solidarité est notre arme !
Acab <3
Pour aller plus loin, quelques ressources à ce sujet (attention : certains textes comportent des témoignages de prise d’empreintes forcée) :
– https://paris-luttes.info/quand-les-flics-prennent-tes-15982
– https://paris-luttes.info/a-propos-des-identites-imaginaires-16052
– https://paris-luttes.info/a-propos-des-arrestations-suite-a-16004
– Brochure “La folle volonté de tout contrôler” par la Caisse de Solidarité de Lyon (téléchargement)
LES CONTRAVENTIONS/DÉLITS QUI SONT VALENT MOINS DE 3 ANS D’EMPRISONNEMENT :
– outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique : 1 an + 15 000€ d’amende (art 433-5 code pénal)
– outrage au drapeau bleu blanc rouge (oui oui merci sarko) : 7 500€ d’amende (art R645-15 et art 433-5-1 code pénal)
– rébellion : 2 an + 30 000€ d’amende (art 433-7 code pénal)
– opposition à l’exécution de travaux publics : 1 an + 15 000€ d’amende (art 433-11 code pénal)
– refus d’obtempérer : 2 ans + 15 000€ d’amende (art L233-1 code de la route)
– participation à un groupement formé en vue de commettre des violences : 1 an + 15 000€ d’amende (art 222-14-2 code pénal)
– dissimulation du visage : contravention de 5e classe, une amende en gros (art R645-14 code pénal)
– port d’arme de catégorie D : 1 an + 15 000€ d’amende
– dégradation : 2 ans + 30 000€ d’amende (art 322-1 code pénal)
– participation à un attroupement sans arme : 1 an + 15 000€ d’amende (art 431-4 code pénal)
– refus de signalétique (empreintes digitales + photo) et d’ADN : 1 an + 15 000€ d’amende (art 55-1 et art 706-56 code de procédure pénale)
– usage de stupéfiants : 1 an + 3750€ d’amende (art L3421-1 code de santé publique)
– tag : 3750€ d’amende (art 322-1 code pénal)
– participation à une manifestation interdite : contravention de 4e classe (art R644-4 code pénal)
– organisation d’une manifestation non déclarée en préfecture : 6 mois + 7 500€ d’amende (art 431-9 code pénal)
– dissimulation du visage au sein d’une manifestation : 1 an + 15 000€ d’amende (art 431-9-1 code pénal)
LES DÉLITS QUI VALENT PLUS DE 3 ANS D’EMPRISONNEMENT :
– rébellion en réunion : 3 ans + 45 000€ d’amende (art 433-7 code pénal)
– rébellion armée : 5 ans + 75 000€ d’amende (art 433-8 code pénal)
– refus d’obtempérer avec risques pour les personnes : 5 ans + 75 000€ d’amende (art L233-1-1 code de la route)
– refus d’obtempérer avec risque pour personnes dépositaires de l’autorité publique : 7 ans + 100 000€ d’amende (art L233-1-1 code de la route)
– violence sur personne dépositaire de l’autorité publique avec ITT inférieure à 8 jours : 3 ans + 45 000€ d’amende (art 222-13 code pénal)
– violence sur personne dépositaire de l’autorité publique avec ITT supérieure à 8 jours : 5 ans + 75 000€ d’amende (art 222-12 code pénal) [c’est pas notre faute si ce sont les alinéas 13 et 12 qui parlent des violences sur les flics]
– transport/détention de produits incendiaires/explosifs : 3 ans + 45 000€ d’amende (art 322-11-1 code pénal)
– dégradation par incendie ou substance explosive : 10 ans + 150 000€ d’amende (art 322-6 code pénal)
– vol et tentative de vol : 3 ans + 45 000€ (art 311-3 code pénal)
– violation de domicile et maintien dans le domicile d’autrui : 3 ans + 45 000€ (art 226-4 code pénal)
– attroupement avec visage dissimulé ou avec arme : 3 ans + 45 000€ d’amende (art 431-4 et art 431-5 code pénal)
– menace de mort sur personne dépositaire de l’autorité publique : 5 ans + 75 000€ d’amende (art 433-3 code pénal)
– port d’arme au sein d’une manifestation : 3 ans + 45 000€ d’amende (art 431-10 code pénal)
– menace sur personne dépositaire de l’autorité publique : 3 ans + 45 000€ d’amende (art 433-3 code pénal)
bonjour,
MERCI pour ces infos!!! c’est super! merci pour le travail que vous faites!
sur l’article que vous avez ecrit j’ai comme un doute sur la question des trois ans avec circonstance agravantes:
“Gardez en tête que 3 ans ça monte très vite (notamment avec les circonstances aggravantes telles que alcool, arme, réunion etc) et qu’on peut vite se retrouver avec des délits qui autorisent la prise d’empreintes forcée.”
je pense que quand il est dit un delit punis de 3 ans c’est hors circonstance… je pense ca parle du texte brut du code penal.
à verifier!
je suis pas sûr de comprendre ta question mais dans le code pénal c’est écrit texto que les circonstances agravantes augmentent la peine que tu risques.
du coup, les circonstances agravantes font augmenter le risque de rentrer dans le cadre qui permet la prise d’empreintes forcée non ?
je me suis trompé dans le premier post…
désolé!
j’ai dis nimp’ dans le premier commentaire!
je me suis trompé
désolé.