Samedi 14 décembre, une manifestation s’est tenue à Orvault contre la tenue d’une réunion « publique » du RN avec la présence de Angéline Furet, députée européenne.

Cette manifestation, à l’initiative de l’Assemblée Générale Antifasciste de Nantes s’était fixée un objectif politique et tactique clair : « ce meeting ne doit pas se tenir », notamment afin « d’empêcher l’implantation et le recrutement » du parti dans la région.

Le rassemblement a débuté à 14h sur un rond point à proximité de la salle de l’Odyssée, elle même située à proximité de la salle Blaise Pascal, lieu prévu pour la réunion du RN.

Ce type d’évènement agit comme une expérience et un apprentissage de l’organisation collective, il produit une continuité politique du mouvement entre les phases intenses de la conflictualité et de la mobilisation de ce même mouvement social, quand bien même il n’est pas teinté de victoire politique, stratégique et tactique comme ce fût le cas à Orvault.

1 – La préfecture montre les dents contre l’antifascisme

Quelques jours avant l’évènement, la préfecture publie un arrêté devenu traditionnel, interdisant la manifestation contre la venue du RN dans la région nantaise. Cette fois-ci, au lieu d’interdire purement et simplement toute manifestation sur la commune de Orvault, le choix est différent et prévoit une «zone rouge », à savoir un périmètre précis d’interdiction de manifester. Celui-ci s’étend sur l’ensemble du quartier autour de la salle municipale Blaise Pascal, mais il n’englobe pas le lieu de rassemblement.

Cet arrêté témoigne d’un changement stratégique évident en cas d’interdiction de manifestation : au lieu d’empêcher la tenue même de celle-ci, ce qui, nous l’avons largement vu depuis les Gilets Jaunes, est bien souvent un échec lamentable ; la préfecture choisit dans cette configuration de « bunkeriser » une zone définie afin d’empêcher le ou les cortèges d’y accéder (comme ce fut le cas par exemple à Sainte-Soline lors de la mobilisation des SDT).

Sans surprise, le dispositif policier (Orvault relevant du commissariat de Nantes), très fixe, s’est déployé aux bordures de cette zone pour y interdire l’accès, notamment grâce à un canon à eau et aux CRS. L’autre partie du dispositif était quant à lui composé d’unités de type BAC et CRS 82, bien plus mobiles et chargées d’intervenir autour de la zone rouge en cas de besoin.

L’interdiction systématique des mobilisations antifascistes traduit une mutation de l’usage de cette mesure d’exception qui devient une norme dans les pratiques de la répression. Par ce biais, la stratégie menée par l’État est claire : clandestiniser le mouvement pour s’attaquer à sa capacité à mobiliser massivement, d’une part par le simple terme « interdiction » et, d’autre part en faisant risquer une amende à tous celles et ceux qui braveraient cette mesure.

Autre pratique devenue quasi systématique, le déploiement d’un drone. Dans une zone périurbaine comme Orvault qui mélange zone indus’/commerciale/pavillonnaire et bois, il sert à la fois à remplacer les hélicoptères pour suivre le cortège mais aussi à fournir des images aux policiers afin de désigner le profil des personnes à interpeller.

Il – Le cortège cale en côte, mais la solidarité règne

Dès le début, alors qu’environ 150 personnes sont rassemblées, la fraction institutionnelle du rassemblement (composée de presque tous les partis de gauche et syndicats) décide de quitter la manifestation avant même le commencement. Conscient du faible nombre de personnes présentes, le cortège stagne alors longtemps pour débattre de la suite de la journée, notamment parce que l’élue du RN a finalement annulé sa venue. Vers 15h, suite à une proposition et à une prise de décision floue, la mobilisation prend le chemin pour contourner la salle et y accéder par le Nord, qui est lui aussi bloqué par la CRS 82. Après quelques minutes de déambulation, le cortège se retrouve face aux flics, positionnés en deux groupes de chaque côté de la route. Le cortège, arrêté, déploie poubelles et parapluies pour se défendre, mais l’intensité monte brutalement. D’un coup d’un seul, la CRS 82 charge sur une très longue distance et sans gazage, interpellant de manière opportuniste quatre camarades qui lui tombent sous la main.

Nous voyons plusieurs choses à retenir de cet évènement :

1- L’impasse de la stratégie frontale face à un dispositif qui défend une position

2- La nécessité à repenser une tactique pour défendre le cortège efficacement face à une pratique systématique des longues charges très engagées et sans gazage massif, comme la CRS 82 tente de le faire avec succès depuis plusieurs mobilisations

3- La nécessité de communiquer plus clairement les mouvements des flics pour éviter le réflexe du chacun pour soi, notamment quand une partie du matériel défensif empêche de voir clairement

4- Veiller collectivement à dégager les arrières de celles et ceux qui sont le plus en avant de la manifestation pour éviter les chutes qui facilitent les interpellations opportunistes (par exemple sur des poubelles laissées en arrière)

Suite à cette charge qui disloque totalement le cortège déjà faible, une partie des personnes présentes quitte la manifestation et le reste décide de se disperser ensemble vers le Sud et la zone commerciale afin d’éviter les réflexes individuels et d’autres interpellations opportunistes.

Arrivés à proximité de la route de Vannes, les camarades présents se retrouvent nassés et refusent les sorties individuelles. Les flics décident cette fois-ci de contrôler individuellement par la force toutes les personnes présentes qui décident donc de donner un NOM COLLECTIF.

Au-delà du fichage, les contrôles individuels sont un prétexte pour saisir la majorité du matériel de protection afin de s’attaquer directement aux pratiques de défense du cortège. Durant la nasse deux camarades qui auraient porté un mégaphone sont interpellés.

IIl – Waldeck-Rousseau expérimente

Les six camarades interpellés sont placés en Garde-à-vue (GAV) pour participation à un « attroupement armé, visage dissimulé, après sommation de se disperser » (puni de trois ans de prison maximum).

Très rapidement, face à des dossiers vides et à des camarades qui choisissent de garder le silence face aux questions des enquêteurs, les poursuites dégonflent en «attroupement après sommation » (puni d’un an de prison maximum).

Parmi eux :

– Une est sortie avec une amende suite à une comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC)
– Un avec une composition pénale (CP)
– Deux avec une convocation au tribunal
– Un avec un convocation au tribunal sous X
– Le dernier est sorti sous X et sans suite

Nous conseillons vivement de refuser les procédures de type CRPC et CP. Il s’agit de mesures de justice expéditives, sans accès à un débat contradictoire, les peines prononcées y sont majoritairement plus lourdes. La dynamique judiciaire à l’œuvre ici vise à assimiler le fait de « participer à une manifestation interdite » (qui relève du contraventionnel, donc d’une amende potentielle) à la «participation à un attroupement après sommation de se disperser » (délictuelle). Nous pensons qu’il est primordial de mener la bataille juridique contre cette logique que tente de mettre en place le parquet, pour défendre le droit de manifester qui agit comme liberté des luttes d’émancipation.

Identité et prise de signalétique :

Durant leurs GAV, deux camarades n’ont pas donné leur identité aux flics et sont donc restés sous X durant l’ensemble de la procédure.

Les flics ont donc fait la demande au parquet, qui a accepté, pour procéder à la prise contrainte de la signalétique de l’un d’entre eux (empreintes, photos, taille), afin de l’identifier. Cette mesure n’est possible que si tout a été mis en œuvre pour l’identifier par d’autres moyens ET que l’enquête concerne un délit puni par trois ans d’emprisonnement ou plus.

Si rester sous X est possible, cela comporte donc des risques, au premier rang desquels celui de se faire prendre sa signalétique sans pouvoir refuser.

Nous rappelons que nous conseillons de donner notre petit état civil qui tient sur les cinq doigts de la main :
NOM
PRENOM
DATE DE NAISSANCE
LIEU DE NAISSANCE
DOMICILIATION

Puis de garder le silence à l’ensemble des autres questions posées par les policiers, en audition comme en dehors.

Nous pensons que le fait de donner son petit état civil agit comme la GARANTIE de pouvoir refuser la prise de signalétique et le fichage de ces données (refus que nous conseillons vivement, même s’il constitue un délit).

Nous invitons tous celles et ceux qui peuvent et qui souhaitent participer à la défense des camarades convoqués au tribunal (frais d’avocat et autres dépenses) à donner à la cagnotte de soutien des inculpés du mouvement (lien accessible sur nos réseaux sociaux) :

https://www.helloasso.com/associations/association-de-soutien-juridique-et-administratif-des-etudiantes-de-nantes/formulaires/2