solidarité totale avec les kanaks en lutte contre le colonialisme
Catégorie : Global
Thèmes : Anticolonialisme
Lieux : Kanaky
Puisque le peuple vote mal il faut changer le peuple. C’est, en paraphrasant Brecht, ce que font tous les colonialistes lorsqu’ils doivent passer par la case électorale. Ils ont cru que le droit de vote accordé aux « indigènes » serait suffisant pour calmer leur ardeur à vouloir se libérer. Cela n’a pas été le cas, comme cela n’a pas été le cas non plus avec le droit de vote accordé aux prolétaires hommes, puis femmes. Que faire ? Eh bien tout simplement changer le peuple en en modifiant la composition grâce à l’arrivée de nouveaux colons… favorables au colonialisme ! Ça s’appelle colonisation de peuplement, la recette est toujours la même quel que soit le mode de gestion choisi par l’impérialiste : Dictature, esclavagisme ou prolétarisation avec démocratie parlementaire ou pas.
Une grande majorité des kanaks se sont toujours battus contre ce que la métropole France leur faisait subir pour profiter des bénéfices du nickel et garder sa position stratégique dans le pacifique. Certains, bien sûr, ne rêvaient que de construire un Etat comme les autres dirigé par une bourgeoisie comme les autres exploitant une force de travail comme les autres en contrôlant à leur profit la manne minière. Mais la grande majorité projetait, à travers la lutte anticoloniale, de construire une société sans exploitation contrôlée par des structures de base. La lutte était le lieu où se discutait et s’élaborait une utopie constructive qui ne demandait qu’à être mise en œuvre, sans discrimination de couleur de peau. Evidemment les colons, soutenus par le gouvernement de la métropole ne veulent pas de ça ! Ils n’hésiteront pas à utiliser les pires moyens de répression pour que cette dynamique ne reprenne pas. A nous d’agir dans la métropole pour affaiblir l’Etat français par tous les moyens à travers les différents mouvements sociaux existant ici et là et à manifester notre solidarité totale avec les kanaks en lutte contre le colonialisme qui n’est qu’une facette du capitalisme.
OCL
Mardi 14 mai
Le haut-commissaire, représentant de l’État français nommé par le gouvernement, Louis Le Franc, organise une conférence de presse au lendemain de la première nuit de « violences ».
A ses côtés, le général commandant de la gendarmerie de Nouvelle-Calédonie et pas moins de 3 représentantes de la droite caldoche locale : la maire de Nouméa (macroniste), la maire LR de Païa (banlieue nord de Nouméa où est situé l’aéroport international de la Tontouta) et la présidente de la province Sud, Sonia Backès (macroniste, ex-UMP), passée par le gouvernement d’E. Borne en 2022-23.
Ces trois caldoches, ainsi que toute la droite locale (des macronistes au RN), ont appelé à plus de répression, à l’instauration de l’état d’urgence et au déploiement de l’armée dans l’archipel.
Le haut-commissaire a dit que ce n’est « pas une bonne idée ». Le couvre-feu (de 18h à 6h) ne sert pas à grand-chose mais les renforts de police et gendarmerie arrivés de Polynésie puis de métropole devraient suffire (GM et CRS avec le RAID, le GIGN, etc)… ainsi que le triplement des effectifs de la magistrature locale afin d’accélérer les procès en comparution immédiate.
Et puis, politiquement, la loi est passée… il n’y a plus qu’à convoquer le Congrès pour changer la Constitution. Le processus de décolonisation, entamé par les accords de Matignon de 1988, vient d’être mis à l’arrêt, détruit, pulvérisé, répondant ainsi aux intérêts politiciens de la droite locale qui coïncident avec ceux, plus stratégiques, de l’État français dans la zone Asie-Pacifique.
En deux jours, il y a eu plus de 200 arrestations et GAV… chiffre qui va augmenter dans les prochains jours, car, même si la situation se « calme » (à voir et comment, avec quels moyens ?), les autorités ont annoncé qu’il y aura des poursuites et des arrestations pour les violences, les saccages, les incendies (on parle quand même d’une centaine de commerces et d’entreprises brûlés) et les pillages. Des raids sont donc à prévoir dans les semaines à venir dans les quartiers où se concentrent les jeunes kanaks de la zone du Grand Nouméa, bien plus nombreux dans cette partie urbaine de l’archipel que dans les années 1984-88.
Quant à l’État français, avec un Macron qui casse des accords et des consensus, qui choisit clairement de relancer une logique de polarisation et d’affrontement, et d’inscrire cela dans la loi constitutionnelle, il peut toujours déclarer qu’il est en faveur de solutions négociées… qui peut encore le croire ?
Mercredi 15 mai au soir la nouvelle est tombée : l’état d’urgence va être décrété à la demande de Macron.
L’État a donc décider d’avoir la main encore plus lourde… et les coudées franches sur place, tout en donnant raison aux anti-indépendantistes.
Mais c’est vrai qu’entre hier et aujourd’hui, les données ont changé : on compte 3 morts (3 jeunes Kanaks), un flic en situation critique avec une balle dans la tête, « autour de 300 blessés » dont parait-il une centaine de policiers, que la situation est devenue plus incontrôlable (avec même une mutinerie et tentative d’évasion de détenus de la prison de Nouméa), que pas mal de caldoches et de métros se sont auto-enfermés et barricadés dans leurs quartiers, que tout est à l’arrêt (aéroport et écoles fermés, économie paralysée….), que beaucoup de gens sont armés dans ce territoire, un peu à l’américaine… Il y aurait selon les estimations autour de 130 000 armes à feu dans l’archipel (dont 64 000 déclarées), pour une population estimée de 270 000 habitants.
titre documents joints
CCAT communiqué du 15 mai 2024 (PDF – 582.8 kio)
Solidarité Kanaky Appel du 13 mai (PDF – 160.4 kio)
Depuis plusieurs semaines la Kanaky connaît un mouvement de révolte massif ayant pris ses derniers jours un tournant insurrectionnel. Ce mouvement de révolte s’oppose à l’élargissement du corps-électoral, mesure réclamée par les militant-es loyalistes de l’archipel et venant d’être approuvée par l’Assemblée nationale, devant permettre la participation de 25 000 nouveaux électeur-rices, majoritairement d’origine européenne, aux élections locales.
Suite à l’accord de Nouméa, la Nouvelle Calédonie est en effet doté d’institutions propres dont les élu-es ne peuvent être désigné-es que par les personnes résidant sur place depuis au moins 1998, année où l’accord a été signé, et leur descendant-es. Pour les Kanaks, devenu-es minoritaires sur leur propre terre du fait de la colonisation, la fin de ce particularisme électoral signifierait l’éloignement de tout espoir d’indépendance et la main mise assurée des loyalistes sur les institutions. Il signifie aussi la fin de l’esprit de l’accord de Nouméa, qui devait permettre la réconciliation des Kanaks et des descendant-es de bagnard-es et de travailleur-euses issu-es des anciennes colonies (Kabyles, Vietnamien-nes, Indonésien-nes ..) déporté-es contre leur volonté, par l’établissement d’un projet décolonial commun, nécessitant l’exclusion des nouveaux arrivant-es issu-es de la métropole du processus de décision politique.
Intervenant à la suite de deux référendums sur l’indépendance où le « non » l’a emporté à chaque fois de façon de plus en plus serré (56,67 et 53,26%) ; puis d’un troisième, maintenu par l’État en pleine pandémie de Covid 19 alors que les indépendantistes demandaient un report dans le respect des coutumes kanaks liées au deuil, et qui a été massivement boycotté par la population kanak alors qu’un report aurait laissait entrevoir une victoire probable du « oui » ; cette modification du corps-électoral est un nouveau signe clair de reprise en mains coloniale adressé par la France au peuple Kanak et aux indépendantistes.
En maintenant arbitrairement le troisième référendum, contre la volonté du peuple Kanak et le respect de ses traditions, le gouvernement a démontré sa volonté de passer outre le respect des droits fondamentaux des premier-es habitant-es de l’archipel. Volonté ensuite réaffirmée par la nomination de la leadeuse loyaliste Sonia Backès, au poste de secrétaire d’état dans le gouvernement Borne, ou l’implication des élu-es Renaissance locaux, tel que Nicolas Metzdorf, à la pointe du combat loyaliste.
De fait tout dialogue est rompu depuis 2021 et ce référendum volé.
En réaction à ce passage en force du pouvoir le mouvement indépendantiste s’est doté les mois derniers de comités spécialement créés pour organiser la résistance à cette réforme : les Cellule de Coordination des Actions de Terrain (CCAT). Celles-ci ont organisé plusieurs manifestations massives, dont une rassemblant plus 60 000 personnes à Nouméa, soit le quart de la population calédonienne ! L’USTKE (union des travailleur-euses kanaks et des exploité-es) à aussi appelé à des grèves qui ont été très fortement suivies.
Les émeutes actuelles sont donc tout sauf une surprise, mais le fruit logique d’une situation où le gouvernement est resté totalement sourd face aux protestations pacifiques du peuple Kanak. Le pouvoir français est donc le seul responsable de la situation.
Plus généralement, elle s’inscrit dans un contexte colonial criant. Les inégalités économiques et sociales entre Kanaks, Caldoches et métropolitain-nes sont sidérantes et comparables à celles que connaissent les pays dit en voie de développement. À Nouméa, les bidonvilles côtoient des quartiers de luxe style Côte d’Azur, ou les métropolitain-nes – celles et ceux-là même auquel le projet de réforme électorale prévoit de donner le droit de vote – étalent leur fric avec indécence.
Ce sont les Kanaks qui remplissent les prisons. L’histoire des massacres et des exactions commises par l’empire colonial reste presque totalement passée sous silence. L’économie reste accaparée par la même poignée de famille qu’à l’époque coloniale . L’État cherche à reprendre la main sur le secteur du nickel, poumon économique de la Nouvelle Calédonie et vital pour sa décolonisation, et à le reconfier au secteur privé. Le racisme et la ségrégation restent des éléments structurant de la société calédonienne, ses derniers jours voyant même la réapparition des milices suprémacistes et des meurtres racistes.
À la veille des référendum, 23 000 Kanaks restaient non inscrit-es sur les listes électorales, en partie à cause de l’excès de zèle de commissions d’inscriptions aux mains des loyalistes, mais aussi à cause d’une défiance large face à l’État. Rappelons que pour l’ONU elle-même la Kanaky reste une colonie française à décoloniser.
C’est ce statu quo que le gouvernement cherche à maintenir en stoppant tout processus de décolonisation, misant sur le fait qu’à moyen terme les Kanaks finissent totalement noyés sous l’afflux de métropolitain-nes.
Face à la révolte le pouvoir semble une nouvelle fois ne pas avoir d’autres stratégies que l’écrasement. L’État d’urgence a été proclamé, des flics sont massivement envoyés depuis la France, et l’utilisation de certain réseaux sociaux utilisés par les révolté-es a purement et simplement été interdite. Des milices suprémacistes armées ont revu le jour avec le soutien tacite de l’État, et trois jeunes Kanaks ont été assassinés par balle.
Darmanin qualifie les CCAT à l’origine de la mobilisation d’« organisation mafieuse » et les accuse d’être responsable des violence, préparant ainsi la voie à une répression future du mouvement politique de résistance kanak dans son ensemble. Dupond-Moretti s’apprête à publier une circulaire pénale pour garantir « les sanctions les plus lourdes contre les émeutiers et les pillards ». De nombreux leadeurs indépendantistes sont déjà assignés à résidence, et assignations à résidence et perquisitions administratives arbitraires devraient encore se multiplier dans les prochains jours. Enfin sur les plateaux de télés français les leadeurs et leadeuses loyalistes ne cessent de défiler pour pleurer à chaudes larmes, sans que jamais la parole ne soit donner aux Kanaks et aux indépendantistes, et Darmanin propage l’idée complotiste d’une manipulation de l’Azerbaïdjan à l’origine des émeutes.
Tou-tes les chercheur-euses spécialistes de la Kanaky s’accordent pourtant aujourd’hui à dire que face à l’aveuglement du gouvernement, ayant ouvertement pris fait et cause pour la frange la plus radicale des loyalistes, la situation actuelle était devenue inévitable. Face à la détermination et à la mobilisation massive du peuple Kanak, et particulièrement de sa jeunesse, la solution ne pourra pourtant être que politique, passant par la mise en place d’un véritable processus de décolonisation, une répartition juste des richesses, et la reconnaissance du droit à l’autodétermination du peuple Kanak et des autres composantes historiques de la population calédonienne.
Rajoutons enfin que se qui se passe aujourd’hui en Kanaky entre pour nous fortement en résonance avec le soulèvement pour Nahel, qui a embrasé toutes les banlieues de l’hexagone à l’été dernier, et celui, plus ancien, des Gilets Jaunes. Car si, évidemment, les situations sont à chaque fois différentes, notamment en ce qui concerne le racisme et l’oppression coloniale, on retrouve malgré tout en filigrane – des colonies françaises d’outre-mer aux campagnes de l’hexagone, en passant par les banlieues – une même gestion de plus en plus cynique et brutale de la part du pouvoir et de la bourgeoisie, de territoires pauvres et périphérique, perçus comme habités par des populations barbares, sales et mal éduquées, que l’ont peut légitimement réprimer par la violence, et dont le seul intérêt réside dans le pillage des richesses, et l’exploitation de leur population comme main d’oeuvre dans les tâches les pires que le capitalisme a à offrir.
Gestion cynique et brutale auxquelles répondent des logiques et stratégies communes d’auto-organisation et de solidarités parallèles, de défiance et d’évitement vis-à-vis du pouvoir et des institutions, ainsi que des embrasements ponctuels lorsque la situation devient trop insupportable. Au moment où partout sur terre, les impérialismes se font chaque jours plus menaçant, et où en Occident, la bourgeoisie semble avoir fait le choix de se sauver par l’arrivée au pouvoir du fascisme, et par l’instrumentalisation du racisme, et des divisions qu’il génère au sein des classes populaires et du prolétariat, ce constat est pour nous un préalable nécessaire à la constitution d’un front révolutionnaire de classe, résolument antiraciste et décolonial, le plus large possible.
Soutien au peuple Kanak et à tous les peuples et populations en lutte de par le monde contre le colonialisme, l’impérialisme et l’exploitation.
Pour une Kanaky libre et socialiste.
Contre tous les colonialismes et pour la mort de tous les empires.
Dispac’h.