Monsieur,

Vous avez raison, le Procès du siècle où l’on espérait voir dans le box des accusés un Président des Etats-Unis, des généraux, des pétroliers et une poignée de criminels de guerre israéliens n’aura pas lieu.

Le seul personnage, mis en examen, ici (dans votre article), est un homme médiocre, hébété après l’Événement, qui élabore tant bien que mal une explication plausible au 11-Septembre.

Ce citoyen moyen serait, selon vous, inculte, raciste voire antisémite dans ses « interminables ratiocinations ».

Au lieu de vous en prendre physiquement à l’un de vos dirigeants, responsable du 11-Septembre, vous boxez l’Américain anéanti, qui cherche, parmi les ruines d’un bungalow payé à crédit, les verres cassés de ses lunettes.

Pas un instant, vous ne placez le 11-Septembre, dans la perspective d’un mensonge d’État nécessaire pour déclencher une guerre mondiale.

Pas un instant, vous n’évoquez la manière dont les autorités ont désigné les coupables…

Encore moins la rapidité de la Riposte vers un pays, pour le moins improbable, l’Afghanistan !

À aucun moment, vous n’interrogez les stratégies conquérantes de l’OTAN ni le budget exponentiel du Pentagone, qui n’a plus rien à voir avec la défense.

Vous qualifier de « gauchiste radical » comme le prétend le Monde diplomatique paraît quelque peu abusif.

En d’autres temps et sous d’autres latitudes, un écrivain vous aurait qualifié « d’américain bien tranquille effectuant un papier sur commande ».

Moi, je vous appellerais l’homme qui invente la gomme à effacer le 11-Septembre…

Pour qui roulez-vous Alexander Cockburn ?

Pour les démocrates, qui viennent de gagner les élections et qui cherchent à blanchir la Maison blanche dans l’affaire du 9/11…

Votre propos dans l’article « Le Complot du 11-Septembre n’aura pas lieu » n’est-il pas de sauver la tête à une bande de malfaiteurs ?

Un Congrès US dont la seule mission, aujourd’hui, est d’essuyer les plâtres et de modérer les catastrophes.

(Afghanistan, Irak, Liban : autant de débâcles sanglantes qui ponctuent leur déclin…)

Vous avez raison, il n’y a pas de grand secret et de desseins cachés derrière les choses : tout est là devant nous.

Simple et terrifiant.

La question « effacée », à l’occasion du 11-Septembre, était la suivante :

Une bande d’apprentis sorciers ou de pieds nickelés ont-t-ils pu jouer avec la vie de leurs propres concitoyens ?

La réponse est sans conteste yes ! Mille fois YES !

Les déplacés des Ghettos noirs de Louisiane, balayé par l’ouragan Katrina, swinguent sur ce Gospel…

Les centaines de soldats, blessés en Irak, allongés sur un lit d’hôpital, en Allemagne, opinent du chef.

Il suffit de lire les Kriegspiel nucléaires, dessinés par le Pentagone, pour se convaincre des terribles enfantillages des maîtres du Monde.

La toute-puissance du complexe militaro-industriel n’est pas une vue de l’esprit, Mr Cockburn : elle est diablement quantifiable lors même elle foncerait contre un mur.

De même, le poids des bandits pétroliers, leurs mercenaires et leurs amitiés avec les trafiquants d’armes.

Mais de ça, vous n’en parlez pas…

Le 11-Septembre serait à ranger dans la catégorie des « erreurs en série », vous dîtes. Bref, du hasard sans la nécessité.

Mais ce qui suit : l’opération « Liberté immuable » puis la seconde guerre du Golfe ne relève en rien de l’incident monté par les Marx’s Brothers…

C’est le mythe d’un gouvernement oeuvrant, en premier lieu, pour la sécurité des citoyens, sur le sol national, qui vole en éclats avec le 11-Septembre et qui finit déchiqueté sous les rafales d’un ouragan.

Pour les multinationales apatrides aux Etats-Unis comme en Grande-Bretagne, le concept de gouvernement, fondé sur le droit commun, assurant la sûreté des hommes et d’un territoire, est chose du passé…

La violence d’État, son organisation, sa gestion, aujourd’hui, doit tomber dans le domaine privé.

Savez-vous que deux millions d’américains vivent dans un archipel du goulag, construit et géré par des entreprises privées ?

Et que dire des détenus de Guatanamo Bay et des prisons secrètes de la CIA, privés de tout…

Que représentent pour Shell, Texana, Exon, et leur bras armé, l’OTAN, la destruction d’un pays, en l’occurrence les tours jumelles, à New York, et leurs 3 000 morts, et les ghettos noirs de la New Orléans, balayé par un déluge ?

Rien. En valeur papier, pas même de quoi curer un pipe-line entre la mer Caspienne et la Méditerranée ou construire une base off-shore en mer du Nord.

Les théories anarchistes naissent de ce constat-là : il n’y a pas de terre sacrée ni de valeur suprême.

Elles imaginent comment un gouvernement dont la philosophie est tout est permis peut créer, fomenter ou pour le moins « laisser-faire » le pire dans un pays.

Car aucun tribunal international n’est construit pour juger ces gens-là…

Et très peu d’intellectuels sont payés pour les démasquer.

S’il est une imposture, à caractère occulte, à dénoncer, Mr Cockburn, c’est la devise gravée sur la monnaie de votre salaire, God With Us.

Mais par pitié laissez le petit homme accuser, au grand jour, les Puissants, et creuser, dans les décombres du 11-Septembre, le sens de l’Histoire…

Que la force (de caractère) soit avec vous.

HIMALOVE

Post scriptum destiné au rédacteur en chef du Monde diplo : Pourquoi diable l’article, paru dans l’édition norvégienne du Monde diplomatique, au sujet du 11-Septembre, n’a jamais été publié dans l’édition française ?