De l’espérance de vie pour une personne racisée

lorsqu’elle est entre les mains de la police.

Adama Traoré a été tué le 19 juillet à la suite de son interpellation par les gendarmes, alors qu’il était sous leur responsabilité. Toute la gestion de cette affaire, tant par les pouvoirs publics, que la justice, ou les médias met en lumière une vision néo-coloniale des protagonistes. Cellr-ci tend a présenter les personnes racisées/ indigènes comme coupables, fourbes, menteuses, simulatrices, etc. C’est aussi la mise en place de tout un tas de mensonges et d’escroquerie pour présenter ces même populations comme coupables d’office. Pour exemple :

c’est le refus du policier, à la demande du pompier, de retirer les menottes à Adama TRAORE alors qu’il est allongé face contre terre dans la cour de la gendarmerie sous prétexte « qu’il [Adama] simule » alors qu’il est en arrêt respiratoire et qu’aucun geste de premier secours n’a été fait.

c’est « des faux en écriture publique aggravés, dénonciation calomnieuse et modification de scène de crime » fait par des policiers pour couvrir leurs collègues, et empêcher ainsi la manifestation de la vérité.

c’est la falsification de compte rendu d’autopsie pour dire qu’Adama souffrait d’« une infection très grave, touchant plusieurs organes » ce que démentira la seconde autopsie demandée par la famille.

c’est encore et toujours le soutien inconditionnel des hommes politiques à la police tenant à les innocenter malgré la clarté des faits.

Enfin c’est le discours des médias dominants qui relaie celui des politiques et des flics en occultant des données pour présenter d’office Adama comme coupable renforçant ainsi la propagande du gouvernement.

Comme si cela ne suffisait pas , ses frères Youssouf et Bagui, qui réclament, avec leur famille, vérité et justice pour leur frère, viennent d’être incarcérés préventivement après avoir été empêchés d’assister au conseil municipal de Beaumont-sur-Oise le 17 novembre. Que s’est-il passé quelques heures après ce rassemblement devant la mairie, dans le quartier Boyenval où vivent amis et famille d’Adama Traoré ? Là, pour reprendre les termes de la journaliste Widad Ketfi, c’est une véritable « expédition punitive » qui se déroule sous les yeux médusés des habitant-e-s. « J’ai pas compris quand je les ai vus arriver. Je me suis tout de suite mise entre eux et les jeunes pour éviter que ça dégénère mais ils voulaient en découdre. Ils sont sauté sur mon frère et d’autres… » précise Assa Traoré. Tabassé, Samba Traoré a immédiatement porté plainte pour violences de la part d’un agent dépositaire de l’autorité publique. Un autre des jeunes frappé par les gendarmes a lui été interpellé pour…outrage et rébellion. La routine. Ce prétexte est malheureusement devenu habituel et ordinaire. Les responsables de la mort d’Adama, eux, ne sont toujours pas mis en examen. Quelque jours plus tard ce sera au tour de Youssouf et Bagui d’être arrêtés pour outrage, rébellion, et violence sur personne dépositaire de la force publique puis présentés en comparution immédiate le 24 novembre avant d’être placés en détention provisoire jusqu’au 14 décembre, sans que les juges présents ne daignent regarder leurs garanties de représentation.

L’édile de Beaumont, Nathalie Groux, alimente l’acharnement subi par la famille. En effet, ce soir-là, les Traoré et une centaine d’habitant-e-s demandaient en effet à assister, comme c’est leur droit, au conseil municipal qui s’apprêtait à voter sa demande de financement, jusqu’à 30 000 euros, notamment pour la plainte qu’elle voulait déposer contre Assa Traoré : la sœur d’Adama serait poursuivie pour avoir déclaré que « la maire a choisi son camp », en se mettant « du côté de la violence policière ». Une maire qui a par ailleurs relayé sur Facebook, le 13 novembre, un appel aux « habitants de souche » à s’armer pour venir en aide aux policiers…

L’incarcération de Youssouf et Bagui Traoré n’est pas une énième « bavure ». Depuis le début, l’institution judiciaire s’est employée à relayer la version des gendarmes, en même temps qu’à les absoudre. Cette collusion relève à l’évidence d’une décision politique. Le 2 novembre, Bernard Cazeneuve a répondu à l’interpellation d’un député à l’Assemblée nationale, Pouria Amirshahi, en rejetant, sans attendre le résultat des enquêtes en cours, la « mise en cause » du travail des forces de l’ordre. Le 25 novembre, le même ministre de l’Intérieur a apporté son soutien à la maire de Beaumont. Ni le gouvernement ni la municipalité n’ont jugé bon de présenter leurs condoléances à cette famille. Tout cela démontre une détermination des pouvoirs publics, jusqu’au sommet des institutions, à faire taire Assa Traoré, et avec elle toute sa famille, en s’attaquant à ses frères.

Qu’avons-nous là si ce n’est l’expression la plus brutale de l’impunité policière certes, mais aussi, plus généralement, d’un racisme d’État ? L’histoire d’Adama Traoré est celle d’un jeune banlieusard noir, mort asphyxié sur le sol d’une gendarmerie francilienne. C’est celle d’un mensonge d’État, à travers les occultations du procureur Yves Jannier. C’est celle des connivences entre les forces de l’ordre, la justice et certains médias, comme en témoignent les premiers articles qui se contentaient de relayer la version officielle. C’est celle d’un mépris politique, les principaux responsables de ce pays n’ayant même pas daigné s’intéresser à cette affaire…si ce n’est pour apporter leur soutien inconditionnel aux gendarmes. C’est l’histoire d’une justice de classe, néo-coloniale, de pouvoir, qui préfère placer deux jeunes hommes endeuillés en détention plutôt que d’interroger les responsabilités de l’Etat dans le meurtre d’Adama Traore. C’est l’histoire, enfin, d’une famille, de quartiers, de militant-e-s, de luttes, qu’on essaye de briser, de déshumaniser, pour mieux asseoir sa domination. Cette histoire, c’est la nôtre. Comme celle d’hier et celle de demain.

L’hégémonie du système repose en partie sur la domination néo-coloniale, de genre et de classe, ainsi que par des mises en opposition des opprimé-e-s. Refusons que ces logiques morbides se fasse en notre nom, en votre nom.

Contre les politiques qui cherchent à nous dresser les un-e-s contre les autres.

Contre la répression de la solidarité.

Contre le néo-colonialisme et en soutien à la famille d’Adama TRAORÉ.

rendez-vous à 14H mercredi 14 décembre place du Bouffay.