Le premier usage des machines à calculer et des machines programmables a été de « rationaliser » les processus de production. En automatisant, en accélérant et en rendant plus flexibles la production, et la gestion des comptes et des stocks, l’informatique a intensifié, et continue d’intensifier, l’exploitation salariale. En plus de licencier des travailleurs-euses devenus-e-s inutiles, l’implantation de l’informatique dans les entreprises a souvent transformé l’organisation du travail. Elle rend le travail des salariés-e-s encore en activité moins autonome, moins créatif et plus pénible.

Avec l’arrivée de l’ordinateur dans les foyers, et surtout depuis l’accès grand public au réseau Internet, l’informatique est devenu également un outil de communication. Des discours sont alors apparus qui vantaient les vertus démocratiques et libératrices d’Internet : celui-ci permettrait de diffuser gratuitement, et ce partout dans le monde, des informations alternatives et militantes.

De par sa structure en réseau, décentralisée, il faciliterait des modes d’organisation horizontaux en permettant une égale participation de toutes et tous, que l’on vive à Bangalore ou en Lozère. Ainsi, il suffirait de détourner l’usage de cet outil pour le mettre au service de la construction d’une société libertaire et saper les fondements du système actuel. Alors pourquoi la « révolution informatique » est-elle menée de fronts par les industriels et les gouvernants, soutenus par les media dominants ?

Tout d’abord, il semblerait que la contribution de l’informatique, et d’Internet en particulier, aux mouvements d’émancipation soit plus modeste et ambigüe qu’annoncée. D’une part parce que leurs avantages ont été exagérés, et leurs inconvénients rarement considérés. D’autre part, parce que, aussi utiles qu’ils puissent être, ce ne sont que des outils de communications, dont l’utilisation correcte peut être cruciale, mais jamais suffisante.

Mais surtout, en s’immisçant dans les foyers, les transports, les écoles ou les bibliothèques, en se faisant toujours plus discrète grâce aux progrès des nanotechnologies, ce n’est plus seulement les chaînes de montages, mais tous les aspects de la vie que l’informatique tend à « rationaliser »

Il ne s’agit pas seulement de dénoncer les dérives que seraient le fichage généralisé, ou l’observation des communications par des entreprises ou des États. Il est également nécessaire de bien comprendre et enrayer l’idéal du tout-numérique. Idéal d’une société où tout pourrait être quantifié, de la production de légumes jusqu’au mécontentement de la population, et ainsi géré, de manière toujours plus automatique et plus rapide.

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