Les travailleurs manuels, les salariéEs issuEs des classes populaires totalisent souvent les 160 trimestres de cotisation requis pour la retraite bien avant leurs 60 ans, l’âge légal (bientôt revu à la hausse) pour commencer à vivre sa propre vie.

En 2002, à défaut de leur voter une retraite pleine et entière, l’assemblée nationale a décidé d’accorder aux chômeurs qui remplissent ces conditions mais ne perçoivent plus d’allocations chômage (ARE)[[Allocation de retour à l’emploi (Assédic)]] ou des allocations chômage inférieures à un certain plafond, une nouvelle allocation de solidarité, financée par l’Etat, l’AER (allocation équivalent retraite) qui remplace l’ASS [[Allocation de Solidarité Spécifique (Etat)]] et le RMI [[Revenu Minum d’Insertion (Département)]].

Ce droit à l’AER est fort méconnu. Et pour cause : on a rarement vu une telle omerta, voire une telle désinformation sur un droit.

Aucune information dans les ANPE. La plupart des agentEs en ignore jusqu’à l’existence.

Pour eux, cette ignorance ne constitue nullement une défaillance professionnelle.

Les mieux disposéEs à l’égard des chômeurs répondent souvent, candides :

« Notre boulot, c’est l’emploi, pas les droits »

.

Les Assédic, chargées de la gestion des dossiers AER, n’alertent jamais les allocataires potentielLEs de leurs droits.

Pis, elles pratiquent souvent une désinformation méprisable, invoquant des motifs d’exclusion du droit à l’AER totalement controuvés.

Si bien que nombre de chômeurs (souvent des chômeuses) croupissent pendant des années au RMI ou en ASS alors qu’ils auraient pu relever de l’AER (voir notre dossier).

Et un beau jour, par hasard, ils apprennent l’existence de cette allocation.

Une fois passé le tir de barrage de l’Assédic (qui se contente souvent de reproduire les consignes de désinformation de la DDTEFP [[Direction départementale du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle]] locale) visant à leur faire accroire qu’ils n’y ont pas droit, les voici avec leur attestation de la caisse de retraite indiquant qu’il peuvent prétendre à l’AER depuis 8 mois, un an et demi voire (dans un cas connu de nous) 4 ans !

Et qui réclament évidemment l’admission à l’AER à compter du jour où les 160 trimestres ont été validés.

Il existe sans doute des DDTEFP qui accordent l’AER avec rétroactivité sans barguigner.

Ce que nous recevons, nous, ce sont des dizaines de demandes d’aide à cause du refus de la rétroactivité.

La règle que les Assédic & DDTEFP sont censées appliquer, c’est celle contenue dans une directive (Circulaire DGEFP n° 2002-38) non publiée au journal officiel, laquelle directive prend au demeurant beaucoup de libertés au regard de l’esprit de la loi.

La directive 2002-38 précise :

« L’allocation équivalent retraite est accordée à compter du jour de la demande si l’intéressé remplit toutes les conditions d’attribution . »

Selon la loi, ces conditions d’attribution sont celles-ci :

« Les demandeurs d’emploi qui justifient, avant l’âge de soixante ans, d’au moins 160 trimestres validés dans les régimes de base obligatoires d’assurance vieillesse ou de périodes reconnues équivalentes bénéficient sous conditions de ressources d’une allocation équivalent retraite. »

(Art. L351-10-1 du code du travail)

A priori, rien ne s’oppose à l’attribution rétroactive.

La directive précise en outre :

« Le droit à l’allocation équivalent retraite est ouvert à compter du mois civil au cours duquel une personne réunit les conditions fixées aux articles L . 351-10-1 et R. 351-15-1 du Code du travail. »

Autre précision de la directive :

« Le montant du plafond à retenir pour l’appréciation de la condition de ressources est celui en vigueur à la date de la demande ou,

en cas d’admission rétroactive, à la date d’admission laissée à l’appréciation du DDTEFP.

»

La DDTEFP dispose donc d’une large faculté d’appréciation.

Pourtant, la plupart des demandes d’admission à titre rétroactif dont nous avons connaissance se heurtent à un refus.

La cause de ce déni de droit se nomme Sarkozy.

Saisi de demandes d’interprétation de texte par des DDTEFP oui-chef-bien-chef, Sarkozy, alors ministre des Finances, a conclu à la non-rétroactivité. [[Le ministère persiste et signe. Interrogé par un sénateur le 04/08/2005, il répond 8 mois plus tard :

En matière de droit à prestations, le droit commun est une ouverture des droits à la date de la demande de l’intéressé. La rétroactivité de l’attribution d’un droit nécessite une disposition législative expresse, ce qui n’est pas le cas s’agissant de l’allocation équivalent retraite. L’attribution de l’allocation équivalent retraite à titre rétroactif n’est donc pas possible, a fortiori en ne considérant que la condition d’avoir validé au moins 160 trimestres dans les régimes de base obligatoires d’assurance vieillesse. En effet, une personne n’est pas forcément susceptible de bénéficier du droit à l’AER au jour où elle remplit la condition susmentionnée, puisque cette allocation est également attribuée sous conditions de ressources. Une attribution rétroactive nécessiterait donc de pouvoir comparer un niveau de ressources sur plusieurs semaines ou plusieurs mois, voire années, en arrière, au niveau des plafonds de ressources en vigueur alors, afin de déterminer le droit et de calculer le montant dû. Ainsi, outre l’absence de disposition législative expresse sur la rétroactivité, la complexité du travail de l’administration qui résulterait d’une interprétation sur la base d’une rétroactivité implicite dans le texte de loi, juridiquement très fragile, ne laisse pas de doute sur l’intention du législateur quant à l’absence de rétroactivité de l’attribution de l’allocation équivalent retraite.

JO Sénat du 06/04/2006 – page 1013]]

Les Assédic-DDTEFP considèrent que l’admission à l’AER est acquise à partir du jour de la demande, c’est à dire au jour du retrait du dossier à l’Assédic si toutes les conditions sont remplies ce jour-là. (Notez, des Assédic particulièrement zélées, sachant que les caisses de retraite -CRAM, CNAV, CMSA, CRAV, CGSS- peuvent tarder plusieurs semaines ou plusieurs mois à renvoyer le dossier complet, prétendent ne prendre en compte que la date du dépôt, voire obliger les futurEs allocataires à remplir un nouveau dossier … portant la date du dépôt, quand elles ne refusent pas tout simplement de délivrer le dossier avant que la caisse ait procédé à la reconstitution de carrière !)

Mais il y a encore plus vicieux.

Un des décrets d’application pris par le gouvernement vise tout simplement à éliminer de l’AER les personnes les plus éloignées des sources d’information. L’article R.351-17 indique en effet :

« Le délai dans lequel doit être présentée la demande de paiement des allocations (…) est fixé à deux ans à compter du jour où les personnes intéressées remplissent l’ensemble des conditions exigées pour pouvoir prétendre au bénéfice desdites allocations. »

Ni nous, ni les DDTEFP avec lesquelles nous avions été en contact n’avaient voulu interpréter cet article comme un délai de forclusion.

Trop ignoble.

Cela signifie que les personnes qui n’ont pas fait valoir leurs droits dans les deux ans, sont condamnées à rester en ASS, au RMI ou sans aucune allocation jusqu’à l’âge légal de la retraite.

Les DDTEFP, qui accordent quelques mois de rétroactivité à des personnes éligibles à l’AER depuis des années, soulignent maintenant à quel point elles sont généreuses de passer outre à cette forclusion.

{{Vous avez obtenu la rétroactivité sans vous battre ?
-Vous avez engagé une procédure au tribunal administratif ?
-Vous avez gagné une rétroactivité totale ou partielle de haute lutte ?

Votre témoignage nous intéresse.}}
-Ecrire à [->monique.ac61@free.fr] mention AER.